Fichier 5.0
Cela faisait environ une heure qu’il était à nouveau devant son PC lorsqu’il entendit la sonnette de la porte d’entrée retentir. C’était la première fois depuis une semaine qu’elle avait de la visite en sa présence, Gaston et lui exceptés. Curieux, il se demanda qui cela pouvait être et tendit l’oreille… Rien. Il devait être trop éloigné pour entendre leur conversation.
Et puis, de nouveau, la sonnette résonna dans toute la maison, le faisant sursauter. Pourquoi n’avait-elle pas ouvert ? Gaston était parti après sa pause culinaire pour aller travailler mais elle non. Était-elle dans le jardin ? Ou dans une Batcave insonorisée dont il ignorait l’existence mais qui le faisait déjà fantasmer comme un gamin rien qu’à l’idée ?
La sonnette fut encore actionnée, le tirant de ses rêveries. Qui que soit la personne qui souhaitait entrer, elle n’était visiblement pas prête à baisser les bras vu l’insistance avec laquelle elle appuyait désormais sur le bouton. Intrigué, il se décida donc à descendre pour voir de quoi il retournait.
Il découvrit avec étonnement que la propriétaire des lieux était parfaitement consciente de la situation. Elle était dans le hall d’entrée, assise sur la dernière marche de l’escalier qu’il était en train de dévaler, la tête entre les mains comme si elle essayait de faire taire cette sonnette qui n’en finissait pas.
- Hey ! Tout va bien ? Qu’est-ce qui se passe ? lui demanda-t-il une fois arrivé en bas en posant une main sur son épaule.
Surprise, elle releva vivement la tête vers lui et son regard vira d’apeuré à suppliant :
- Tu as réussi ? Dis-moi que tu as les fichiers !
- Pas encore, mais ce n’est plus qu’une question de minutes, je t’ass…
Des coups violents furent frappés à la porte, détournant leur attention.
- Cessez de faire l’enfant et ouvrez-moi, maintenant, Mademoiselle. Le délai est écoulé, vous devriez privilégier un accord à l’amiable avant que je revienne avec un titre exécutoire, s’écria la voix à demi étouffée du visiteur de l’autre côté.
- C’est… c’est un huissier ? s’enquit-il à voix basse.
- C’est ce qu’il prétend, mais je sais que c’est ma tante qui l’envoie pour me faire peur. Il nous reste plusieurs heures, elle n’a pas le droit, soupira-t-elle alors que de nouveaux coups donnés la firent trembler malgré elle.
- Ok. Dans ce cas, ça ne sert à rien que tu restes ici. Viens plutôt là-haut avec une bonne tasse de thé pour être aux premières loges quand les fichiers seront prêts, d’accord ? lui proposa-t-il en lui tendant la main.
Il n’aurait su dire si c’était la situation qui la paralysait à ce point ou si c’était le geste en lui-même. Toujours est-il qu’elle resta figée plusieurs secondes - qui lui parurent à lui fatalement très longues - à regarder cette main tendue comme si c’était un animal fantastique qu’elle n’osait pas approcher, mi-fascinée et mi-méfiante, semblant en lutte intérieure pour savoir ce qu’il convenait de faire. Il se trouvait un peu bête, là, debout devant elle alors qu’elle s’apprêtait à lui mettre probablement l’un des plus beaux vents de sa vie. Mais il n’osait bizarrement pas bouger. Quelque chose lui disait que mieux valait encore choper une crampe plutôt que de faire marche arrière.
- Princesse ? tenta-t-il doucement pour la faire réagir.
Elle releva alors les yeux vers lui, les cligna deux ou trois fois et sembla enfin reprendre ses esprits.
- Princesse ? répéta-t-elle d’une voix railleuse en faisant la moue. Sérieusement, tu te prends pour Aladdin, là ?
- Hey, j’ai pas non plus demandé si tu avais confiance en moi, que je sache ! Mais si tu me dis que le tapis qui se trouve sous nos pieds peut voler, je veux bien faire un effort et rembobiner pour te poser la question, si tu veux, répliqua-t-il avec son sourire en coin habituel, soulagé de la retrouver telle qu’il la connaissait.
Elle hocha la tête de droite à gauche tout en souriant et en s’appuyant sur sa main tendue juste le temps de se relever. Ce n’est qu’arrivée au milieu de leur ascension qu’elle s’étonna :
- Non mais, sérieusement, tu sais comment je m’appelle au moins ?
- Evidemment, mon frère m’avait donné tes coordonnées.
- Ah, oui… Et… ton prénom à toi, c’est quoi déjà ?
- Tu plaisantes, là ? Mon frère ne te l’a pas dit ? Il serait temps de s’en soucier…
Elle leva les yeux au ciel comme si ce n’était qu’un détail mais une légère rougeur sur ses joues trahit son embarras.
- Tu n’as qu’à m’appeler G.
- G, comme la lettre G ? Tu te crois dans un James Bond ou quoi ?
- Oui, voilà. Il y avait Q pour Quartermaster… et G sera pour Génie.
- Je rêve ! Ça va les chevilles, Mr Geek ?
- Très bien, merci. Et moi c’est G, Genius G.
Elle ricana alors qu’ils entraient dans le bureau, ses ennuis presque oubliés l’espace d’un instant malgré l’écho sourd des coups encore frappés en bas. Mission réussie.
Quelques minutes plus tard, bien installés avec une tasse de thé chaude en main, ils fixaient l’écran avec avidité alors que la barre de téléchargement approchait de son but. Lorsque la petite sonnerie caractéristique leur apprit que c’était fini, elle ne put s’empêcher d’empoigner son bras, comme pour mieux le retenir, pour suspendre cet instant tant attendu, ou pour se retenir, elle, à quelque chose pour ne pas chavirer. Alors, il recouvrit sa main de la sienne pour la rassurer et l’invita à ouvrir les fichiers elle-même. Il lui proposa même d’attendre dans le couloir, si elle préférait être seule, mais elle raffermit aussitôt sa prise autour de son avant-bras, prière muette pour qu’il reste auprès d’elle.
Elle ferma les yeux une seconde, inspira un bon coup, puis cliqua pour ouvrir ce qui devait enfin la libérer. Mais son coeur rata un battement au son qui s’éleva alors des enceintes. Dans une vaine tentative de se rassurer, elle se tourna vers lui, pleine d’espoir, mais les sourcils froncés qu’il arbora confirmèrent ses craintes. Aussitôt, il reprit le contrôle du clavier pour tenter quelques manips mais rien n’y fit, il ne pouvait pas détourner le système et la nouvelle fenêtre qui s’était lancée pour leur barrer la route était une étape inévitable.
- Je suis désolé, si tu n’as pas le mot de passe, vu le type d’encodage, ça va prendre à nouveau des heures pour parvenir à les ouvrir. Ils sont tous protégés. Une vraie poupée russe, ce truc, si j’avais su…
- Laisse tomber, c’est trop tard. Tu as fait tout ce que tu as pu, dit-elle d’une voix blanche.
- Non ! On est si proches du but, c’est trop bête ! Tu dois sûrement pouvoir faire quelque chose. Tu m’as dit qu’il s’agissait de ton passé. Qui a créé ces fichiers ? Tu connais peut-être le mot de passe ! On peut tenter. Et on peut barricader les entrées en bas pour gagner encore un peu de temps dans le pire des cas, ta tante ne va pas débarquer à minuit pile pour te sortir d’ici, tu… j’en sais rien… il doit bien y avoir quelque chose à faire !
Elle le fixa alors avec dans le regard une tendresse qu’il ne lui avait encore jamais vue.
- Merci, murmura-t-elle en continuant à le regarder avec gratitude. Tu ne sais même pas pourquoi je me bats et pourtant… Merci d’être à mes côtés alors que rien ne t’y oblige. Ça représente bien plus que tu ne peux l’imaginer pour moi…
- Alors explique-moi ! Donne-moi encore de quoi t’aider !
Lasse, elle soupira en fermant les yeux et puis elle se leva pour aller chercher du courage en regardant par la fenêtre. Après tout, il méritait bien de savoir… Alors, elle prit une grande inspiration et se lança d’un ton sarcastique :
- Il était une fois…
Et ainsi lui conta-t-elle l’histoire de cette pauvre petite fille de onze ans qui apprit l’identité de son père seulement quelques jours avant le décès de sa mère mourante, qui l’avait élevée seule dans un milieu plus que modeste, loin du luxe et des paillettes auxquels elle aurait pu prétendre. Et parce qu’elle était en colère après sa mère pour lui avoir caché la vérité et surtout pour l’avoir abandonnée si tôt, parce qu’elle était en colère après ce père millionnaire absent qui - après les tests de paternité de rigueur effectués, évidemment - avait souhaité dorénavant être le parent modèle, parce qu’elle était en colère après la terre entière à ce moment-là, elle lui raconta aussi cette adolescence difficile qui la fit sombrer dans des travers dont elle n’était pas fière.
Elle lui raconta comment elle s’était adaptée du mieux qu’elle avait pu à ce milieu où le paraître est roi, comment elle avait vogué entre rébellion, dédain des autres et sourires feints pour se faire accepter de sa nouvelle famille et de ses nouveaux amis, qui trouvaient la nouvelle héritière de l’empire familial tellement intéressante puisque son père l’avait adoubée comme telle. Comment elle avait fini par baisser ses défenses et réellement apprécier quelques personnes de son entourage, y compris son père, malgré des débuts chaotiques. Comment il s’était montré patient avec elle, comment il l’avait supportée dans ses pires moments pour lui prouver qu’elle n’était pas seule, qu’il serait toujours là pour elle… Et comment il l’avait finalement abandonnée lui aussi en mourant dans un accident l’année de ses 17 ans.
Entra alors en scène sa tutrice de tante qui complota pour détruire toutes les preuves qui la reliaient à son père avant de montrer son vrai visage le jour de sa majorité.
Avec amertume, elle lui narra comment cette parente la plus proche l’avait fait passer pour une opportuniste qui n’en avait qu’après l’argent de son frère alors qu’elle n’avait aucun droit à y prétendre, affirmait-elle. Elle lui expliqua comment sa tante avait retourné tout le monde contre elle grâce à ses faux papiers et témoignages, allant jusqu’à la décrédibiliser avec avis médical à l’appui. Comment elle l’avait décrite comme une personne instable et manipulatrice, devant les employés et actionnaires de leur société pour empêcher les dernières volontés de son père de la voir hériter de ses parts, et donc de son pouvoir, à ses 21 ans. Jusqu’à cette date, elle était protégée par son testament mais, ensuite, sans preuve, c’était comme si elle n’avait jamais existé pour lui. Comme si tout cela n’avait été qu’une parenthèse inventée. Une vaste supercherie dont elle était soi-disant l’instigatrice et sa brave tante, héritière légitime, la victime.
- … alors… ces fichiers…
- D’après ce que j’en sais, ce sont les sauvegardes de mon père me concernant. La première année, ça m’a pris du temps à encaisser, à voir jusqu’où ma tante était allée. Elle avait même réussi à m’effacer des registres d’état civil ! Et comme j’ai tendance à être ma propre kryptonite, j’ai un peu… débloqué. Ce qui n’a fait que renforcer sa théorie. Heureusement, Gaston a finalement réussi à me remettre sur les rails. À partir de là, j’ai cherché des preuves partout où il pouvait en rester. Ça m’a pris un temps fou, mais j’ai finalement pu mettre la main sur ces disques durs l’autre jour.
- D’après ce que tu en sais…
- Encore faut-il réussir à les ouvrir pour en être certaine. Mais avec ce nom… et toutes ces protections… Je sais que c’est ça !
- Rose ?
- Le prénom de ma mère.
- Est-ce que… est-ce qu’il… il l’aimait vraiment, au final ?
- C’est ce qu’il m’a assuré l’unique fois où il s’est confié à moi sur le sujet. Il m’a dit que c’est elle qui avait disparu du jour au lendemain sans explication alors qu’ils étaient tombés fous amoureux, répondit-elle en fronçant les sourcils. Pourquoi ? Tu ne serais pas un grand romantique dans l’âme, Mr Geek, par hasard ? Je te raconte tout ça et… ce qui t’intéresse, c’est si mes parents s’aimaient ?
- Hey, j’y peux rien ! se défendit-il en se grattant l’arrière de la tête gauchement. Il a appelé le fichier source Rose… et beaucoup de mots de passe sont choisis en fonction de nos sentiments. Du coup, il y a encore de l’espoir ! Je vais lancer un programme en parallèle pour aider à débloquer le truc mais, toi, essaye tout ce qui te passe par la tête concernant ta mère et ton père, ok ? Date de naissance, date et/ou lieu de rencontre, surnoms… Écris chaque combinaison essayée à côté pour t’y retrouver et…
- Pourquoi tu fais tout ça ? l’interrompit-elle alors de but en blanc en le regardant comme si quelque chose lui échappait. Qu’est-ce que tu as à y gagner ?
Y gagner ? Interloqué, il la dévisagea en plissant les yeux alors qu’elle faisait de même.
À quoi rimait ce face-à-face ? Et même toute cette histoire ? Était-ce normal d’aider à ce point une personne qu’il ne connaissait que depuis une semaine ? C’est ça, qu’elle lui demandait ? Était-elle incapable de croire que les gens pouvaient agir de manière désintéressée ? Évidemment, vu tout ce qu’elle venait de lui raconter, il comprenait que se méfier soit devenu une seconde nature chez elle, il y avait de quoi mais… il pensait qu’ils avaient passé ce stade tous les deux, qu’elle avait fini par sortir de sa coquille, justement, vu comme elle s’était confiée à lui.
- Mon frangin ne t’avait pas prévenue que j’avais le syndrome du Bisounours ? C’est mon truc d’aider les gens sans rien attendre en retour - et généralement sans rien obtenir d’ailleurs. Toi ou une autre personne, ça aurait été pareil, j’aurais essayé jusqu’au bout…
- Oh… Vraiment ? se reprit-elle, suspicieuse.
- Quoi ?! Non, bien sûr que non ! Tu ne vois pas que je fais mon Carapuce pour contrer ton repli dans ta coquille, là ? J’aide les gens qui en valent la peine, je ne suis pas complètement maso. Si tu m’avais traité comme un chien tous les jours comme mon frère le redoutait au départ, je t’aurais lâchée dès qu’une porte de sortie se serait présentée à moi. J’ai failli le faire, d’ailleurs, quand tu as balancé le premier disque. Mais, que tu en aies conscience ou pas, tu m’as fait confiance, tu t’es ouverte à moi peu à peu et… à partir de là, c’est normal que je fasse mon possible pour t’aider, non ? Tu me demandes pourquoi je fais ça mais… pourquoi je ne le ferais pas ? Je me sentirais comment si je te laissais tomber au pire moment alors qu’on n’a pas encore tout essayé, à ton avis ?
- … comme une merde ?
Malgré lui, il lâcha un ricanement à cette proposition, ne s’attendant pas à une réponse de sa part. C’était censé être une question rhétorique. Ils échangèrent alors un regard et un sourire complices et il confirma :
- À peu près comme une merde, ouais. T’as l’idée Princesse.
- Arrête de m’appeler comme ça ! C’est pas le syndrome du Bisounours que tu as, c’est celui du Prince Charmant. Et ça craint, si tu veux mon avis, tu es bien plus cool avec ta casquette de Genius G, asséna-t-elle en reportant son attention sur l’écran pour commencer à tester des mots de passe.
- T’en fais pas, va, je sais où est ma place, marmonna-t-il en sortant son smartphone pour rechercher un programme adéquat. Je suis loin d’avoir le compte en banque des princes que tu as pu fréquenter.
- Mais eux étaient loin d’être charmants, répondit-elle spontanément, tout en continuant sa tâche.
- … ah ? Et intelligents ? Ils l’étaient ? demanda-t-il l’air de rien tandis que son cou virait au rouge.
Elle marqua un temps d’arrêt à sa question, se mordant la lèvre inférieure pour ne pas trop sourire. Elle le trouvait vraiment craquant quand il doutait de lui, c’était plus fort qu’elle, elle avait pris goût à le taquiner.
- Oh, la plupart, oui, quand même. Les grandes écoles, tout ça, tu sais…
- Ah, oui, évidemment.
- Je vais refaire du thé, tu en veux ? Tu pourras installer ton programme pendant ce temps comme ça.
Ils passèrent ensuite toute la soirée à tenter les combinaisons qui leur passaient par la tête. Et à mesure que le temps filait, il la voyait s’éteindre peu à peu, perdre ce regain de motivation qu’il avait su lui insuffler. Les piques et plaisanteries s’amenuisaient, les sourires tristes se répétaient à chaque tentative ratée. Il se sentait tellement impuissant et chamboulé par son désespoir. Il aurait tellement voulu être son sauveur, quoi qu’il en dise. Parce que, oui, son histoire l’avait touché au-delà de ce qu’il aurait pu imaginer. Et oui, ça ne faisait qu’une semaine qu’ils s’étaient rencontrés et, c’était dingue, mais il avait l’impression de la connaître bien mieux que certaines personnes qu’il côtoyait depuis des années…
Peu avant minuit, elle se laissa aller contre lui en posant sa tête sur son épaule.
- Je suis désolé, lui souffla-t-il, la gorge serrée.
- Tu n’y es pour rien ! Tu m’as tellement aidée. Et supportée durant cette semaine infernale… J’ai eu de la chance de t’avoir rencontré. Merci.
- Tu es sûre que si on débloque ça demain, ce sera trop tard ? Maintenant, on sait déjà combien de caractères il y a grâce au programme. À quelques heures près… ce n’est pas possible que le sort s’acharne à ce point…
- Bienvenue dans mon univers ! Ma tante a probablement le stylo au-dessus de toute la paperasse nécessaire dans le bureau du notaire là. Il y avait des clauses très strictes, et elle s’est assurée de tout cadenasser, crois-moi. Il y a tellement d’argent en jeu pour elle, tu ne te rends pas compte ! Mais ce n’est pas grave… tu sais pourquoi ?
Intrigué, il s’écarta légèrement d’elle pour tourner sa tête dans sa direction. Mais elle garda son regard fixé vers l’écran, comme si elle n’osait pas le regarder en même temps qu’elle déclara :
- Ce n’est pas grave parce que… tu m’as rappelé ce qui comptait vraiment. Tout cet argent, cet héritage… même le nom de mon père. Au final, peu importe. Je n’ai pas besoin que tous ces snobs sachent qui je suis. Ce qui compte, c’est que moi je le sache. Et que je me souvienne que, malgré leur séparation, j’avais deux parents qui m’aimaient vraiment et qui s’étaient vraiment aimés. C’est ça l’important… non ? demanda-t-elle presque timidement en tournant finalement son visage le sien, comme si elle avait besoin qu’il lui confirme qu’elle n’avait pas été seule.
Il approuva d’un léger hochement de tête et ils restèrent ainsi immobiles, leur regard ancré l’un à l’autre comme si plus rien n’existait autour d’eux. Et puis, soudain, il se détourna d’elle pour se ruer sur le clavier, la laissant pantelante alors qu’il pianotait une dernière tentative.
- Qu’est-ce que…
- Ça doit être ça, il le faut ! s’impatienta-t-il tandis qu’il validait, fébrile, ces deux mots qui lui paraissaient tellement évidents à l’instant.
Et sous leurs yeux ébahis, les fichiers consentirent enfin à livrer leurs secrets. Test de paternité, extraits d’actes de naissance et de reconnaissance, acte notarié… Toutes les copies étaient là. Ils avaient réussi !
Aussitôt, elle envoya les mails nécessaires pour que l’heure d’envoi fasse foi puis appela avocat et notaire pour leur signifier l’arrivée des documents et pour caler des rendez-vous. Il s’étonna qu’ils soient encore debout à cette heure-là et puis se rappela que lorsqu’il était question d’argent, de beaucoup d’argent, certaines personnes ne rechignaient pas à faire quelques heures supplémentaires. C’était dans leur intérêt. Il s’éclipsa discrètement du bureau, préférant lui laisser de l’espace pour gérer tout ça, et en profita pour aller prendre l’air dans le jardin.
Assis sur les marches du perron, il se mit à contempler les étoiles en essayant de réaliser. Il avait du mal à croire que c’était fini. Oh, bien sûr, pour elle, la bataille s’engageait ! Comme elle l’avait dit à Gaston, il y en aurait encore probablement pour des mois de procédure judiciaire. Mais pour lui, c’était fini. Il avait rempli sa part du marché. Son frère était libre. Il était libre. Il pouvait retourner vaquer à ses occupations ordinaires, à son traintrain quotidien. Elle n’avait plus besoin de lui.
- C’était quoi, ce soupir à fendre l’âme ? s’enquit une voix joyeuse derrière lui.
Il serra les dents pour se forcer à sourire et se tourna vers elle.
- La perspective du retour au boulot bientôt. Réjouissant ! Tu ne sais pas ce que tu rates, Princesse !
- Ah, je compatis… Tu auras intérêt à me raconter tous tes déboires de prolétaire à l’avenir pour bien m’aider à garder les pieds sur terre, lui enjoignit-elle en venant s’asseoir à ses côtés.
- … sérieusement ?
- Bien sûr ! Et puis ça ne doit pas être aussi assommant que ça, sinon tu changerais de travail, non ? Doué comme tu es…
- Hum, il est peut-être temps que je songe à changer, en fait.
- Oh, désolée ! Je pensais…
- T’en fais pas, on n’a pas vraiment eu le temps de parler de moi, tu ne pouvais pas savoir. On n’a qu’à dire que la prochaine fois, plutôt que mes déboires de prolétaire, je te raconterai ma vie trépidante de geek trop adorable pour son bien.
- Ça me va, acquiesça-t-elle en souriant. J’ai hâte.
Gêné qu’elle ne rebondisse pas par une boutade, il se gratta l’arrière du crâne et bredouilla qu’il ne fallait pas qu’elle en attende trop non plus.
- T’inquiète ! Mais je ne tiens plus, tu ne m’as toujours pas dit ! C’était quoi au final ce mot de passe ?
- Tu n’as qu’à deviner ! Si je te le dis, tu vas encore te moquer de moi.
- Pourquoi ? s’étonna-t-elle sincèrement.
- Trop romantique ! répliqua-t-il avec un claquement de langue.
- Non ! Dis-moi ! le supplia-t-elle.
- Hey, tu crois quoi, Princesse ? Les yeux de Chat Potté, ça ne fonctionnera pas, arrête !
- S’il te plaît, Pupuce !
- Pupuce ? s’étrangla-t-il à moitié en rigolant.
- Tu m’appelles Princesse, je t’appelle Pupuce, le Pokemon.
- Ok, viens par là, lui intima-t-il avant de lui murmurer les deux mots à l’oreille, trop embarrassé pour les dire à haute voix.
- Vraiment ? lui demanda-t-elle émue, bien consciente de ce que cela signifiait pour son père.
Il le lui confirma d’un hochement de tête bienveillant, voyant comme elle était touchée.
- Merci G, souffla-t-elle alors en le regardant droit dans les yeux, reconnaissante.
- De rien ma belle, répondit-il en souriant tendrement.
Et ils restèrent ainsi côte à côte sous la voûte étoilée, à savourer l’écho de ces mots dans leur propre coeur. Comme une promesse éternelle. Un rêve inavoué.
True Love.
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Notes d'auteur :
Un grand merci à Pimy dont le retour m'a motivée à relire et à enfin publier ce dernier chapitre aujourd'hui alors que je procrastinais de semaine en semaine vu qu'il ne semblait intéresser personne ^^' J'espère que cette fin ne te décevra pas !
Note de fin de chapitre:
Voilà, une bonne chose de faite pour moi !
Quand je me suis lancée à la va-vite dans cette histoire pour l'atelier d'écriture, l'intrigue de base n'était vraiment pas ce sur quoi j'avais le plus cogité donc j'espère que vous n'en attendiez pas trop. Mon plaisir dans cet atelier, c'était principalement de pouvoir faire (re)vivre les persos en mode inversé avec plein de références à caser ici et là... J'espère que vous y avez pris plaisir aussi en lisant le résultat !
Un grand merci aux gens qui ont laissé et/ou laisseront un commentaire sur cette histoire qui me tient à coeur malgré le temps que ça aura pris au final pour tout sortir...
Quand je me suis lancée à la va-vite dans cette histoire pour l'atelier d'écriture, l'intrigue de base n'était vraiment pas ce sur quoi j'avais le plus cogité donc j'espère que vous n'en attendiez pas trop. Mon plaisir dans cet atelier, c'était principalement de pouvoir faire (re)vivre les persos en mode inversé avec plein de références à caser ici et là... J'espère que vous y avez pris plaisir aussi en lisant le résultat !
Un grand merci aux gens qui ont laissé et/ou laisseront un commentaire sur cette histoire qui me tient à coeur malgré le temps que ça aura pris au final pour tout sortir...
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