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Notes d'auteur :
Et on enchaîne avec le deuxième chapitre ! Où on se moque gentiment des concepts qui se prennent des majuscules dans les dents.
Quand son coeur s’arrêta de battre, elle ne ressentit que de la peur ; la douleur vint bien après. De son vivant, elle n’avait jamais connu telle sensation - à vous glacer le sang, pourvu qu’il ne gît pas autour de vous.
La Peur méritait sa majuscule et l’envahit dès les premiers instants où son corps, affolé, se battait entre la vie et la mort. Si elle avait été lucide, elle aurait cru bizarre que sa mort ne soit pas actée par la cessation des battements de son coeur. Mais, elle était tout, sauf lucide. La Douleur, latente, la tua à petits feux - si tant est si bien qu’elle n’était pas déjà morte. Elle brûla ses veines, foudroya ses plaies, acidifia son cerveau ; elle broya tout sur son passage et aucun son ne sortit de la bouche de la belle endormie.

L’infirmière passait son temps à éponger un front en sueur, alors que Roxane était froide comme la mort. Elle bougeait pas, contrairement aux autres qui avaient parfois besoin d’être sanglé, pour ne pas tomber. Immobile, la petite semblait lutter toute de même de toutes ses maigres forces contre le venin vampirique.
— Elle survit, dit Maria à Alceste, sans attendre que celui-ci ne pose la question, je ne sais comment elle fait, mais elle servit.
— Vous êtes sûre ?
Maria faillit douter ; ça arrivait souvent quand un vampire pluri-centenaire lui posait une question avec tout le charisme du monde et une voix nonchalamment charmeuse. Elle dut s’accrocher à ses quarante ans d’expérience à l’Hotel Almort pour répondre :
— Oui.
Le soulagement d’Alceste fut palpable ; la crainte prit néanmoins le dessus. L’idée d’avoir un nouveau vampire à gérer ne convenait pas non plus à Maria. Elle avait failli perdre la vie à cause du dernier. Ce genre de mésaventure marque un tournent, même si on a passé sa vie au contact des créatures surnaturelles.
— Elle devrait s’éveiller d’ici quelques heures. Voulez-vous que je reste à ses côtés ?
Marie n’en avait aucune envie, mais un ordre d’Alceste aurait suffi à lui faire changer d’avis. Etre une humaine remplie de sang à côté d’un vampire n’était pas une position confortable de base. Alors, d’un nouveau vampire tiraillé par la Soif - là aussi, on y mettait la majuscule…
— Non, je vais prendre le relais, vous pouvez disposer.
Elle ne se fit pas prier pour quitter la pièce.

Roxane, restée avec Alceste, souffrait toujours.
La Douleur avait pris des teintes familières, elle accueillit chaque vague, chaque torrent déterminée, presque avec délectation. Quant à la Peur, elle ne cessait de broyer son ventre et sa gorge : il s’agissait d’un combat perdu d’avance, auquel elle ne résista pas. Cela expliquait sans doute son immobilisme. La tétanie paralysait son corps qui, doucement, se rafistolait. Les blessures disparurent, la peau devint blanche comme du marbre, et un délicat souffle de beauté recouvrit ses pores et ses traits tirés par la fatigue. La transformation s’acheva par l’ultime souffrance dans sa mâchoire, créant des canines qui seront bientôt prêtes à déchiqueter le moindre cou.

Elle manqua de pousser un cri quand la Douleur cessa brusquement ; la Peur, elle, comptait bien rester plus longtemps. Ses yeux s’ouvrirent vers un nouveau monde.

La lumière irrita instantanément ses pupilles qui se rétractèrent jusqu’à n’être que des fentes, elle ferma sagement les yeux. Elle ne songea même pas à bouger, crispée par ce qu’elle venait d’endurer. La crispation s’accentua quand elle se rendit compte du bruit. Le bruit manqua de prendre lui aussi sa majuscule tant il était omniprésent. Un brouhaha de paroles sans sens, de sons diffus, puis bruts, de tonalités différentes comme si elle était branchée à toutes les radios du monde. Au milieu de tout ça, elle entendit à peine la voix claire :
— Vous êtes en sécurité.

C’était comme un ordre, une consigne : si la Peur n’était pas de son avis, son corps commença légèrement à se détendre. Comme une dichotomie contre laquelle on ne pouvait rien. Les sons ne cessèrent pas quand elle essayer de rouvrir les yeux. Elle se prépara à la lumière, la lumière alla. Mais elle ne s’était pas attendu à voir le plus bel homme qu’elle n’ait jamais vu de sa vie. Il rayonnait au-delà des lueurs blanches du néon. Ses cheveux courts, noirs, contrastaient avec ses yeux d’un bleu les plus purs ; elle ne se doutait pas encore de la nature de monstre qui sommeillait dans celui qu’elle prit pour un ange.
— Je suis morte.
Ce n’était pas une question. Pourtant, l’embellie lui répondit :
— Pas exactement. Vous allez bien ?
— Non.
La Peur prenait tellement de place, tellement, tellement, qu’elle ne comprit qu’elle allait mal seulement en le disant. Apparut alors la Soif. Le feu brûla sa gorge et elle se sentit désemparée face à cette nouvelle sensation. En une fraction de seconde, l’embellie était là, et lui tint la main, comme pour la soutenir de quelque chose qu’il connaissait par coeur.
— Tout va bien, lui susurra-t-il.

A cet instant-là, elle le crut de tout son coeur - arrêté à jamais.
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