En mille neuf cent soixante et onze, je travaillais pour un groupement de tarifications pharmaceutique.
J'étais inventoriste.
Mon boulot consistait à recenser les médicaments sous toutes leurs formes.
Du comprimé au suppositoire.
Du thermomètre médical aux canules pour lavement.
C'était un travail à haute responsabilité.
C'est avec conscience que je vérifiais les dates de péremption.
La bonne santé des Français, l'avenir de la nation étaient en jeu.
Un suppositoire périmé, oublié, c'était la faute grave, voire lourde, sévèrement sanctionnée par un licenciement privatif de toute indemnité.
Donc j'étais extrêmement vigilant.
Et je n'avais de yeux que pour les dates mentionnées sur les boîtes de médicaments.
Enfin, presque.
Le personnel était composé de garçons et de filles à peine sortis de l'adolescence.
Lorsque je travaillais, en équipe, avec de jeunes hommes, ma concentration demeurait sans faille.
Incorruptible, l'Elliot Ness du suppositoire !
Malheureusement, il m'arrivait de faire équipe avec des jeunes filles.
Là, même le Capone des officines m'aurait filé entre les doigts.
C'est lors d'une de ces journées que je rencontrais deux jeunes femmes venues du Pas-de-Calais pour nous prêter main-forte.
L'une d'elles se prénommait Dominique, l'autre Martine.
Quoique très différentes, elles étaient charmantes.
Nous fîmes connaissance et très rapidement, s'installa un courant de sympathie.
Mais à cette époque, j'avais la fâcheuse habitude de tomber amoureux de toutes mes amies.
Conséquence d'une écoute trop fréquente de la sublime chanson d'Henri Tachan
"L'amour et l'amitié".
Ce n'était pas bien grave, mais en la circonstance, cela s'avérait relativement ennuyeux.
Car c'était des deux jeunes femmes que je m'étais épris.
Cruel dilemme, de plus je n'étais pas du genre à folâtrer.
Et étais habité par un sentiment de droiture qui ne m'a jamais quitté.
Mais tout problème a sa solution.
Même pour les jeux d'amour et du hasard.
Et si Martine se manifesta de façon régulière, je n'eus plus de nouvelles de Dominique.
En effet, une dénommée Françoise, secrétaire de ce groupement me transférait avec grande régularité les appels de Martine.
Nous nous revîmes de nombreuses fois et la relation amicale devint bientôt de toute autre nature.
Pourtant, quelques mois plus tard, à l'occasion d'un nouvel inventaire, il me fut donné de revoir cette inconstante Dominique.
Le contact fut assez froid, tendu.
M'enquérant du manque de nouvelles.
La charmante me rétorqua :
"Toutes mes tentatives, pour te joindre se sont avérées vaines."
Pourtant, j'ai vraiment insisté auprès de Françoise.
Grande amie de Martine, cette dernière, avait, sans vergogne, tranché et décidé à ma place.
Bon, je vous quitte, Martine m'appelle.
Ah non, c'est Laura.
La fille de Martine.
Et avec Laura, ça ne rigole pas.
N'est-ce pas Laura ?
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