Mistigri.
C'était un chat, un greffier intelligent, à un point tel qu'à l'issue de nos conversations, il avait toujours le dernier mot.
Pourtant, ce n'était pas faute de lui opposer des arguments savamment préparés, une rhétorique féline apprise au fur et à mesure des années, que même les chats les plus lettrés avaient bien du mal à assimiler.
Ces débats contradictoires, autour d'une boîte de thon à l'huile, nous emmenaient très tard dans la nuit.
Pour rendre l'ambiance plus gaie, plus légère, nous écoutions des sonates de Schubert, de Scarlatti, quelquefois même nous esquissions quelques pas de danse sur les fandangos d'Antonio Soler.
De plus, il était très affectueux et nourrissait à l'égard de mon épouse des sentiments qui me rendaient perplexe, et même jaloux.
Combien de fois m'a t'il dit :
- ah, franchement, Gigi tu ne la mérite pas, tu n'es qu'un gueux, un triste sire.
Toutefois, il nourrissait à mon égard une tendresse particulière, une sorte de compassion, d'indulgence pour un être intellectuellement limité.
Quand il nous a quittés, faute de pouvoir le faire empailler, nous l'avons fait incinérer et avons déposé ses cendres dans l'urne familiale où reposent tous nos aïeux.
Dans quelque temps, j'irai le rejoindre.
Par contre avant de nous quitter, il m'a intimé un dernier ordre.
- au moment de ton trépas, n'oublie surtout pas de ramener quelques boîtes de saumon au crabe.
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