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L’air était encore tiède, et une brise légère soulevait les feuilles jaunes, brunes et rouges dans les branches, tandis que le sol, couvert de mousse et de brindilles, craquait sous les semelles d’une paire de bottines usées.
Cassi, une jeune femme pas bien grande, une longue écharpe autour du cou et les cheveux cuivrés relevés en chignon, se baladait dans la forêt à quelques cinq cents mètres de sa nouvelle maison. Elle avait déménagé il y a près d’une semaine, lasse de la vie citadine, pour une petite grange retapée dont les vieux propriétaires voulaient se débarrasser. Elle n’était pas venue seule, et Pako, son gros chat Maine Coon noir et blanc, gambadait gaiement dans les fougères, repérable par sa longue laisse rouge qui zigzaguait au fur et à mesure de ses avancées. Pako était un chat d’appartement, peu habitué à l’extérieur, et surtout, incapable de laisser sa maitresse seule plus d’une minute.
Une clairière lumineuse se présentait à elle lorsque, sans crier gare, une créature, haute comme un chien, déboula dans l’herbe, passa derrière une souche, et s’écroula avec un grognement sourd. Pako leva le nez, perplexe. Cassi, hésitante, s'approcha. Si c'était dangereux, se rassura-t-elle, elle prendrait la fuite. Elle s'avança, jetant un œil prudent par-dessus le tronc coupé. À sa grande surprise, une femme blonde, les cheveux courts coiffés en brosse, habillée d'un débardeur trop large et d'un pantalon de treillis, reprenait difficilement son souffle. Une bouffée de peur monta dans sa gorge, la pressant de s'en aller. Mais le gémissement qui passa les lèvres de l'inconnue la fit faire quelques pas en avant, trop inquiète pour la laisser dans cet état.

"Merde, grogna la femme en soulevant sa jambe de pantalon.

Cassi ne pouvait pas voir ce qu'il se passait, mais le sang qui tachait l'herbe autour ne mentait pas. Elle pesait encore le pour et le contre quand Pako la devança. Le chat se présenta, la queue en point d'interrogation, ses yeux jaunes grands ouverts. Suivant la laisse du regard, la blonde se retourna, et croisa le regard de Cassi.

"Tu sais, un chat ça se trimballe pas en laisse."

Cassi haussa les épaules.

"C’est comme ça qu’il apprécie les promenades."

L'inconnue acquiesça, amusée. Elle jeta un coup d'œil vers les fourrés, une expression indescriptible sur le visage. Ses yeux, d'un brun chaleureux, revinrent sur ceux brun-verts de Cassi.

"T'as bien raison, c'est la saison de la chasse en ce moment, déclara-t-elle en rabattant sèchement son pantalon sur sa cheville.

-Mais ta jambe, ça va ?

-Ah, oui t'inquiète pas, faire un jogging dans les ronces c'était pas l’idée du siècle, plaisanta-t-elle.

Cassi esquissa un sourire gêné en retour. Elle sentait qu’elle ne lui disait pas tout, mais à priori ça n’était pas ses affaires.

“T’es pas du coin, toi, fit remarquer la blonde en se hissant sur sa jambe saine.

-Non, je suis arrivée il y a quelques jours.”

Le tissu du treillis se teintait lentement d’une tâche épaisse et sombre.

“T’as repris la grange des Millot, c’est ça ?”

La blonde ne semblait pas se rendre compte de l’ampleur que prenait le saignement. Cassi s’approcha, au cas où elle aurait besoin d’un support, mais elle se tint debout, comme si de rien n’était. Le chat, intrigué, reniflait les chaussures et le pantalon.

“Oui, c’est ce qu’on m’a dit. Ils sont en maison de retraite, il paraît ? demanda-t-elle.

C’est alors que Cassi se rendit compte que la femme semblait mal à l’aise. Elle était tendue, et fixait Pako du regard sans ciller, complètement figée.

“Il chasse, ton chat ?”

Sa voix était neutre, mais elle exigeait une réponse.

“Si tu considères la compote de pomme comme étant une proie, oui, plaisanta-t-elle.

Elle se détendit visiblement.

“Je m’appelle Anne-Fleur, déclara-t-elle.

-Enchantée, moi c’est Cassi. Joli prénom, d’ailleurs.”

Anne-Fleur lui lança un regard moqueur.

“C’est un prénom de campagnarde, quoi.

-Parce que j’ai un prénom de citadine ?”

La blonde fit une grimace.

“Cassi, c’est sûrement pas le prénom de ta grand-mère.

-C’est vrai, acquiesça Cassi avec un rire.

Le froissement d’un tissu, derrière elle, la fit sursauter. Elle se retourna pour apercevoir un petit homme trapu, une barbe épaisse poivre et sel, un fusil chargé à la main. Ses petits yeux bouffis se posèrent sur Cassi, et il soupira d’exaspération.

“Faut pas venir en forêt toute seule, m’moizelle.” Il indiqua Pako d’un signe de tête. “Dangereux pour les gobeurs de rats, on vous a jamais dit ?

-Heu… Non je viens tout juste d’arriver ici. D’ailleurs, elle me disait…”

Quand elle chercha le regard d’Anne-Fleur, elle ne rencontra que de l’herbe encore écrasée par le poids de ses bottes. Cassi fronça les sourcils.

“Et puis vous faites fuir le gibier, grogna le chasseur en désignant un petit lapin blanc qui s’élançait dans les broussailles.

Ce-dit lapin était blessé à la patte arrière, et Cassi ne put s’empêcher de faire un étrange rapprochement.
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