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Notes d'auteur :
Merci Eury' pour ta proposition aux Sélections ♥
Devant l’immense building en verre, Emma tergiverse alors que les rayons d’été chauffent désagréablement sa nuque. Elle n'aurait pas dû s'habiller en noir même si elle voulait paraître sobre et chic, elle a trop chaud. Avec un miroir de poche, elle vérifie pour la énième fois son maquillage. Elle a changé. Un peu. Sans arriver à mettre le doigt sur ce qui est réellement différent. Peut-être est-ce la lueur folle de son regard noisette ou ses lèvres craquelées à force de les mordiller. Sous la surface s'agite aussi un autre frémissement, une détermination qu'elle n'avait pas. Elle va jouer sa dernière carte dans quelques instants. Si cet acte désespéré ne porte pas le fruit escompté... elle est perdue. Le gouffre l'engloutira et c'en sera fini. Après cette envolée mélodramatique, la brune se décide enfin à entrer dans le vaste hall aux lignes épurées où l'air climatisé rafraîchit son visage brûlant.

— Que puis-je pour vous ? l’accueille chaleureusement une jeune femme aux pommettes hautes.

— Je voudrais voir Samuel Blondeau.

La risette de l'hôtesse s'amoindrit.

— Vous avez rendez-vous ? demande-t-elle suspicieuse.

— Non, c'est une surprise ! Je suis sa sœur et il ne sait pas que je suis en ville.

— J'ignorais que Samuel avait une sœur, s'ébahit-elle. C'est vrai qu'il y a un air de famille... Quelque chose dans le menton peut-être.

Emma hoche complaisamment la tête en approuvant cette ressemblance fortuite.

— Je m'en charge, ne vous inquiétez pas, assure la standardiste avec un clin d'œil complice. Je vous laisse patienter.

Heureuse d'avoir franchi facilement le premier obstacle, la brune s'installe un peu à l'écart sur une causeuse en velours. Pour autant, elle n’est pas au bout de ses peines puisqu’elle ignore encore s'il s'agit bien de l'homme qu'elle cherche. Avec son seul prénom, la piste était mince. Mythic avait des centaines d'employés et veillait jalousement sur leur identité - probablement pour éviter les démarchages d'une firme concurrente - la tâche était donc complexe. Il aurait été plus facile de dénicher la faille d'une Intelligence Artificielle ! Découragée, elle avait abandonné depuis longtemps l'idée de le retrouver lorsqu'elle était tombée sur l'interview d'un joaillier à l'occasion d'une vente exceptionnelle de bijoux impériaux. Il y avait un nom accompagnant l'article et elle avait décidé de tenter le tout pour le tout en se rendant au siège.

— Il arrive ! lui apprend l’hôtesse aussi enthousiaste qu’une fillette devant son gâteau d’anniversaire.

Emma se lève en lissant nerveusement sa robe. Une sonnerie discrète annonce l'ascenseur et les portes s'ouvrent.

C'est lui.

C'est bien lui.

Il a beau être à plusieurs mètres, elle le reconnaît avant même d'avoir repris son souffle. L'émotion est trop forte, elle manque de défaillir. Des papillons de lumière troublent sa vue et elle cligne des yeux pour les chasser. Il est crucial qu'elle reste concentrée. Il marque un temps d’arrêt en la découvrant. Et s'il ne la reconnaissait pas ? Elle a le cœur au bord des lèvres et elle saisit au vol quelques détails fragmentés : ses épaules larges dans un costume bleu nuit, les joues imberbes qui ont remplacé la barbe de trois jours, son air sérieux et le tressautement de son sourcil droit. Elle le trouve à la fois terriblement charmant et complètement inaccessible. Il finit par s'approcher lentement tout en scrutant l'arrondi équivoque de sa silhouette.

— Emma, la salue-t-il impassible.

— Samuel, soupire-t-elle, soulagée qu'il se soit au moins souvenu de son prénom.

— Que fais-tu ici ?

— J'aimerais m’entretenir avec toi. En privé, précise-t-elle consciente des œillades perplexes de l’hôtesse face au manque de chaleur évident des soi-disant retrouvailles fraternelles. Je ne serais pas longue, ajoute-t-elle en le voyant hésiter.

— D'accord, allons dans mon bureau.

Il s'efface galamment en lui désignant la cage métallisée et elle s'y engouffre telle une prisonnière. La retraite est maintenant exclue. Les étages défilent à toute vitesse et le silence entre eux s'épaissit. Suffoquant. Étouffant. Avec application, Emma se concentre sur le discours qu’elle a minutieusement préparé, seulement les phrases semblent s'évaporer dès qu'elle se les remémore... jusqu'à ne laisser qu'un écran vierge. Lorsqu'elle parvient finalement à destination, la voici muette. Elle se tient là, debout, dans cette pièce distinguée où trône un tableau monochrome, sans réussir à dire quoi que ce soit. Alors que tout avait été si fluide lors de leur rencontre, elle a l'impression d'être face à un mur qu'elle ne sait pas comment briser.

— Tu voulais me parler ? l'encourage poliment le joaillier.

— Oui, chuchote-t-elle incapable de poursuivre.

— Félicitations pour ta grossesse, dit-il en faisant un geste vague vers son ventre.

— Merci.

— Tu en es à combien ?

— Cinq mois et demi.

— J'étais persuadé que tu avais opté pour une conception automatisée à distance.

— C'était le cas oui.

— Tu as changé d'avis ?

— Pas vraiment.

Samuel se racle la gorge, visiblement embarrassé.

— C'est toi le père. La date de conception ne laisse aucun doute...

La brune peste intérieurement. Ce n'est pas comme ça qu'elle avait prévu de lui annoncer toutefois les mots se sont bien gardés d'obtenir sa permission avant de franchir ses lèvres !

— Il y a eu un problème avec ma contraception, explique-t-elle. Apparemment, c'est exceptionnel, mais ça arrive. Dès que j'ai su, j'ai tenté de te retrouver mais je n’y suis pas parvenue, jusqu'à ce que je tombe sur ton interview...

— Je serais le père ? répète-t-il, septique, comme s'il n'avait pas écouté ses précisions.

— Je n'exige pas ta confiance aveugle, rétorque-t-elle sur la défensive, je suis prête à faire un test de paternité.

Ils s'affrontent du regard, la mine revêche et l'hostilité sourde, chacun refusant de céder. Son ancien amant est le premier à déposer les armes. Desserrant le nœud de sa cravate, il s'assoit lourdement et reste prostré de longues minutes.

— L'enfant est en bonne santé, murmure-t-elle, touchée par sa vulnérabilité inattendue.

— Fille ou garçon ? se renseigne-t-il hésitant.

— Fille.

Et soudain, tout est plus simple. Comme par magie, les corps se détendent, les sourires fleurissent et les souffles s'harmonisent.

— Très bien. Admettons que le test confirme ma paternité. Qu'est-ce que tu attends de moi au juste ?

— J'ai besoin de ton aide pour payer la suite du suivi au Centre de Fertilité.

C'est un fait, elle est ruinée. À force de débourser à tout-va pour le moindre acte médical, son compte est dans le rouge, sachant que la procédure de conception automatisée a englouti toutes ses économies auparavant. Elle a bien tenté d'annuler sa commande afin de récupérer la somme investie, mais le délai légal de rétraction était dépassé et l'administration n'acceptait aucune exception. À quelques jours près, c'était rageant. Résignée, elle a donc enchaîné les heures supplémentaires au travail, supprimé le shopping et les sorties. Au départ, cela a fonctionné puis les examens se sont multipliés et elle a dû solliciter ses amis. Cela n'a pas suffi non plus. La voici à présent dans l'impasse.

— Sans toi, je vais perdre la garde de mon bébé avant même qu'il ne soit né.
Note de fin de chapitre:
N'hésitez pas à me donner votre avis et à très vite pour la suite !
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