C'est la fête pour les 18 ans d'Isidore, et en septembre, il quitte Bourges pour Bordeaux pour faire son DUT. La maison est emplie d'adolescents, et leurs parents les ont laissés, mais ils ne sont pas loin, ils ne sont jamais bien loin.
Après avoir passé une énorme commande de pizzas, et rempli le frigo de bières – mais vous n'êtes pas obligés de tous les boire, hein, Modération est invitée aussi – les parents les ont laissés. Au cours de la soirée, alors que la musique résonne, avec modération, et après avoir mangé des kilos de chips et de pizzas, ils se mettent à pousser les meubles et danser. Atima reste aux côtés de Zélie qui chante et danse avec elle. Manu, une nouvelle amie de Zélie, est là aussi, et bien loin de la timidité d'Atima. Certains des amis d'Isidore sont juste pompettes, et Atima a fermé les yeux quand d'autres bouteilles d'alcool sont sorties et ont commencé à tourner. Zélie et elle n'ont pas bu d'alcool, parce que c'est ce qu'elles ont promis à leurs parents, et qu'Isidore veille au grain, même s'il est un peu trop joyeux pour être sobre. Manu, par contre, a goûté quelques bières et un peu de whisky aussi, mais elle n'aime pas ça.
Sur la fin de la soirée, quand les sacs de couchage sont déroulés sur le tapis, que des coussins, oreillers et couvertures y sont ajoutés, ils s'assoient tous, chantant et dansant sur leurs fesses, claquant des mains en rythme. Quentin, le meilleur ami d'Isidore, dépose un plateau rond par terre et y place dessus une bouteille de bière vide.
« On se fait un action ou vérité ? »
Il y a quelques soupirs et quelques protestations, mais tous s'y mettent, pendant que Quentin réexplique les règles.
« On fait tourner la bouteille, le goulot va montrer la personne qui va choisir action ou vérité, et le cul de la bouteille, celui qui lui dit quelle action ou quelle vérité. Je sais pas si je suis clair... »
Quelques têtes acquiescent, et Atima cache son visage dans ses mains. Elle sent qu'elle ne va pas aimer. Zélie sourit, aussi. Mais soudain, Manu s'exclame.
« Hey, mais ça veut dire que c'est tout le temps le même qui pose l'action ou vérité à la même personne ! »
Un silence se fait, et Emilie, la copine d'Isidore, répond.
« Non, mais à la limite, si toi tu sais pas quoi poser comme question, les autres peuvent en suggérer, et tu choisis celle que tu préfères. On fait comme ça ? »
Tout le monde marmonne des oui, ils sont pressés de faire le jeu parce qu'on est au cœur de la nuit, et qu'ils commencent tous à fatiguer, même si personne ne le reconnaît. La première fois que la bouteille tourne, ça tombe sur Emilie. La copine d'Isidore a toujours eu un côté très sage, alors, comme elle se méfie quand même du groupe de copains et de ce qu'on peut lui demander, elle assène un « vérité ! » tellement fort que Zélie a l'impression de voir flotter dans l'air le point d'exclamation. Des rires se font entendre autour d'elle, et un grand silence.
« Non, mais en fait, on sait pas quoi te demander parce qu'on te connait par cœur, Emilie ! »
Les adolescents éclatent de rire, et Zélie aussi. Elle entend quelqu'un embrasser quelqu'un sur sa gauche, et c'est probablement Isidore qui vient de faire un gros bisou sur la joue d'Emilie. Sarah, une amie d'Isidore et d'Emilie, demande alors, d'une voix douce.
« Est-ce qu'Isidore et toi vous avez... »
Elle n'arrive pas à finir sa phrase, et tout le monde éclate de rire. Zélie aussi. Entre deux hoquets de rire, Emilie dit d'une voix gênée.
« Non. Oh, ce que vous êtes vaches, c'est pas une compétition, hein ! »
Et la bouteille tourne, et tourne encore, et Isidore se retrouve obligée de faire la vaisselle, Quentin a avoué qu'il partait au même DUT qu'Isidore mais qu'il n'était pas sûr de son choix, mais c'est pas grave, on verra. Les amis d'Isidore essaient de ne pas poser de questions ou d'actions trop dures à Zélie et ses copines, et les filles se rendent bien compte qu'ils ont envie de plus se lâcher. Il faut dire qu'ils ont bu, mais avec Modération qui était invitée, sur l'instance de tous leurs parents. Ils apprennent ainsi qu'Isidore copiait sur Quentin sur les devoirs de maths et de physique, mais les sciences, ça n'a jamais été le truc de son grand frère.
Et la bouteille tourne, et tourne encore. Et Emilie refuse d'embrasser Sébastien, donc elle embrasse avec tellement de ferveur Isidore que même Manu détourne les yeux, tout en expliquant à Zélie qui glousse dans ses mains. Mais l'attention de Zélie est régulièrement attirée par Quentin, qui est plein de vie, et d'humour. C'est au tour de Zélie de faire tourner la bouteille, et à tâtons, elle la trouve, la fait tourner, et souhaite de toutes ses forces que ça tombe sur Quentin et qu'il va choisir action. Les yeux tournés vers Quentin, Zélie a l'impression que le groupe fait silence, ou alors c'est elle qui éloigne de son esprit le chahut, toute concentrée qu'elle est sur Quentin et ce qu'il va choisir, et sur le fait qu'elle a envie qu'il l'embrasse.
Mais ça tombe sur Sarah. Alors, Zélie marmonne « action ou vérité », un peu déçue.
« Action ! »
Zélie sourit, et annonce.
« J'aimerai que tu m'apprennes à me maquiller. »
Les adolescents se taisent, un peu gênés, mais dans les rouages de Sarah, une petite équation se fait.
« Ok, mais tu m'apprends à te l'apprendre. »
Sarah est déjà debout.
« Tu veux faire ça maintenant ? »
Zélie éclate de rire.
« Ben non, on va pas tarder à se coucher. Mais plus tard. »
Sarah lui promet alors de le faire cet été, elles iront même ensemble faire des emplettes. Et Manu s'y invite, mais Atima ne s'intéresse pas au maquillage.
Alors que le soleil se lève, ils se préparent à vraiment aller se coucher, cuits de fatigue, gavés de pizzas, de chips et de bonbons. Zélie sort de la salle de bain en chemise de nuit quand elle entend Quentin l'appeler doucement, pour ne pas réveiller ceux qui dorment déjà.
Les cheveux lâchés, elle a laissé ses lunettes sur l'évier.
« Oui, Quentin ? »
Il se rapproche d'elle, parce que sa voix est soudainement beaucoup plus près. Il bafouille, a l'air gêné.
« Pour l'action-vérité, tu voulais me poser un gage, non ? J'ai l'impression que tu m'as regardé toute la soirée. »
Zélie rougit et baisse les yeux. Il est tellement plus grand et tellement plus vieux. Il a bientôt dix-huit ans, et Zélie n'en a que quatorze. Elle marmonne.
« Je voulais que ça tombe sur action, et je voulais que tu m'embrasses. »
Quentin a un petit rire de gorge. Il ne voudra sûrement pas l'embrasser, c'est le meilleur ami de son frère, ça fera tellement bizarre.
« Il fallait me le demander, Zélie. »
Elle relève la tête, et entrouvre la bouche, surprise. Elle sent la main de Quentin effleurer sa joue, sa respiration chaude venir réchauffer son visage. Et avant qu'elle ne puisse plus intellectualiser tout ce qu'il se passe, elle sent des lèvres caresser les siennes, et ses mains se lèvent pour attraper le tee-shirt de Quentin, mais il est torse nu pour aller se coucher. Zélie exhale un soupire chevrotant. Elle a l'impression d'avoir le corps en feu. Elle goûte ses propres lèvres alors que celles de Quentin s'éloignent, et y trouve un goût de bière et de chips. Ce n'est pas complètement désagréable. Et quand Zélie lui sort :
« Je t'attendrai »
Elle entend Quentin retenir sa respiration de surprise avant d'aller se coucher.