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Notes d'auteur :

Hello,

Dans ce chapitre, nous voyons (plus tard dans le texte) la première fois où Zélie voit la mer.

Le début du texte est inspiré de la nuit du 25/06/21 (le thème de 21h : le dessin de la petite fille allongée dans l'herbe avec un bouquet dans les mains, réalisé admirablement par Eanna, et le prompt : votre personnage fait toujours le même rêve).

Je vous souhaite une bonne lecture.

 

 

Zélie est allongée sur le dos dans l'herbe des jardins de l'hôtel. Un palmier lui dispense une ombre salutaire, elle a l'impression de ne jamais avoir eu aussi chaud de sa vie. Elle a cueilli un bouquet de fleurs rempli de fourmis puis s'est sentie lasse et s'est allongée, après avoir ôté ses lunettes. Elle n'aime pas ces lunettes noires qui l'empêchent d'être éblouie et ressemblent presque à un masque de plongée. Le rempart de ses paupières suffit pour filtrer les rayons du soleil qui lui font pleurer les yeux. Son bouquet de fleurs rouges dans la main, elle se sent sombrer dans le sommeil. Isidore a du se lever et se coller devant la télé, et papa et maman dormaient encore quand elle est allée dans le jardin de l'hôtel sur lequel la terrasse de leur suite est ouverte. Elle a laissé ses claquettes, aussi, et les bruits autour d'elle, la vie qui se réveille, les oiseaux qui chantent à tue-tête et les femmes de ménage qui poussent leur chariot devant elles, la bercent autant que la petite brise.

Et c'est toujours le même rêve qui revient, et lui fait monter aux yeux des larmes qui ne viennent pas du soleil mais de sa tristesse, de celle de sa famille aussi. Le bureau blanc, le médecin qui parle à ses parents avec plein de mots compliqués qu'elle n'a pas compris. Et le regard de Zélie dérive sur ces murs immaculés qui lui font monter les larmes aux yeux, jusqu'à la fenêtre et l'immense arbre que le vent fait danser. Zélie entend les pleurs de sa mère, mais c'est surtout ceux de son père qu'elle n'a jamais vu craquer de sa courte vie, qui lui ont fait se dire qu'elle avait quelque chose de grave aux yeux. Et ce rêve revient, et revient constamment, comme pour la préparer à ne plus rien voir, un jour.

Zélie se réveille en pleurnichant, ouvrant grand les yeux, pour les refermer aussitôt. Le soleil lui brûle les yeux. Elle s'assied brusquement, et les hibiscus rouges qu'elle tenait dans la main viennent se disperser sur sa chemise de nuit, sur ses jambes nues. Zélie frotte ses yeux et cherche à tâtons ses lunettes, ses claquettes, ses fleurs, ses longs cheveux blonds venant, mêlés à des brins d'herbe et des feuilles mortes, la couvrir comme un voile.

Elle entend du bruit autour d'elle, c'est plus de bruit que n'en ferait un chat.

« Hey, petite, ça va ? Tu es tombée ? »

Zélie secoue la tête, cherchant, les yeux fermés, la femme qui lui parle avec cet accent chantant.

« Non, mais je ne retrouve pas mes claquettes, mes lunettes. Et j'ai fait tomber le bouquet pour maman. »

La femme se rapproche, réunit rapidement les affaires de Zélie, puis semble hésiter. Elle sent les mains de la femme lui mettre ses lunettes dans les siennes, alors Zélie les installe sur son nez. Elle cache le soleil devant, dessus, sur les côtés. Mais elle peut ouvrir les yeux.

« Tu es aveugle ? »

Zélie a un petit pincement au coeur qu'elle ignore, et secoue la tête.

« Pas encore. » dit-elle d'une petite voix.

La femme dont elle discerne les contours, foulard noué sur ses cheveux, blouse fleurie par-dessus sa robe, lui enfile ses claquettes et l'aide à se relever. Elle lui frôle le front.

« Tu ne devrais pas dormir dehors, il fait trop chaud pour une petite blanche comme toi. »

Elle la serre contre elle, l'embrasse sur le sommet du crâne et la ramène, sur les indications de Zélie, jusqu'à la terrasse, avant de toquer à la fenêtre.

« Bonjour, je t'ai ramené ta petite soeur, elle était dans le jardin. »

Isidore lève la tête de la télé et regarde Zélie et la dame, la bouche ouverte. Avant qu'il n'ait eu le temps de dire quoi que ce soit, sa mère sort de sa chambre, en peignoir, et demande.

« Quoi ? »

Sa voix est un petit peu trop forte au goût d'Isidore qui ouvre de grands yeux sur elle, attendant qu'elle l'engueule. Il devait juste surveiller Zélie qui a tendance à n'en faire qu'à sa tête, le temps que ses parents se reposent le matin, mais il a été trop absorbé par sa série télé. Mais l'invective ne vient pas, et sa mère récupère Zélie en remerciant la femme de ménage. Il se passe plein de choses dans leur regard qu'elles ne se disent pas. Un dialogue de mamans silencieuses qui savent.

 

La musique est tonitruante et la danseuse, toute de voiles et de dorures parées, évolue entre les tables où les touristes mangent, dans le grand restaurant de l'hôtel. Un serveur vient leur apporter du pain, et la femme de ménage de ce matin vient déposer sur leur table un bouquet de fleurs, toutes plus belles les unes que les autres, et qui ont meilleure mine que les hibiscus que Zélie a cueilli ce matin, et laissé tomber dans le jardin.

« C'est pour la petite. »

Le serveur vient leur amener des boissons et dit quelque chose en arabe à la femme qui semble s'emporter.

« C'est mon frère, c'est un imbécile. Bon appétit. »

Le même dialogue silencieux se passe entre la femme de ménage et leur mère qui lui dit.

« On vient d'arriver ce matin, c'est pour ça qu'on s'est couché en arrivant, l'avion avait du retard, on a passé douze heures à l'aéroport. »

« Oh, ça a du être si long. Vous allez vous baigner tout à l'heure ? »

Zélie claque des mains.

« Oui ! Je n'ai jamais vu la mer, que de l'avion, mais il faisait nuit. »

Sa mère passe une main affectueuse dans le dos de Zélie.

« On habite à Bourges, en plein milieu de la France, les enfants n'ont jamais vu la mer encore. »

Zélie ajoute, pétillante.

« Mais je sais nager, j'ai appris à la piscine avec l'école. »

A la fin du repas, Zélie et Isidore sont intenables. Même que leur père a haussé le ton, ce qu'il ne fait quasiment jamais.

« Je vous ai dit qu'on rentre à la chambre ranger un peu tout votre bordel, et récupérer les affaires de plage, et ensuite on y va. »

Les enfants s'impatientent, tout en faisant semblant d'attendre, mais c'est tellement long alors qu'ils débordent d'énergie et que leurs parents sirotent leur thé vert à la menthe brûlant et hyper sucré. Zélie a goûté, elle n'aime pas du tout. Surtout qu'il y a des amandes dans le fonds, elle se demande pourquoi on met des amandes dans un thé vert à la menthe trop sucré.

 

Le vent porte l'odeur de la mer et du sel, une odeur chaude et salée que Zélie n'a jamais senti de sa vie. Elle a l'impression que ses cheveux ont la couleur des rayons du soleil, mais sa peau est toute blanche, comme la lune dans la nuit noire, mais elle va dorer, bientôt, si le soleil arrive à passer les couches de crème solaire. Leur mère a tellement frotté Isidore qu'il est tout blanc et sent l'amande douce, ce qui fait rire aux éclats Zélie qui doit être pareille. Isidore prend la main de sa sœur et ils avancent sur le sable brûlant. Maman se dit qu'elle aurait du penser à leur acheter ces sandales moches pour ne pas qu'ils se brûlent les pieds. Et elle aurait peut-être dû être plus insistante pour que Zélie porte le tee-shirt anti-UV, elle est si pâle.

La petite fille avance, les lunettes noires sur le nez, la main dans celle de son grand-frère, l'autre main balayant devant elle et sur le côté. Sans s'en rendre compte, elle commence à acquérir ces habitudes de non-voyants, tâtonnant, étant plus attentive à ce qu'elle entend. Et là, ses oreilles sont envahies par le bruit du roulement des vagues, et de l'effervescence sur le sable chaud quand la mer se retire. Elle entend aussi les touristes sur la plage bondée, qui se parlent dans tellement de langues différentes. Une silhouette vient sur sa gauche prendre sa main. Maman, c'est toujours maman, et papa est derrière elle, elle sent l'odeur de son après-rasage qui est bien trop entêtante. Mais l'odeur de la mer, lourde et salée, emporte celle de l'après-rasage. Elle emporte tout, comme les vagues.

Zélie rentre facilement dans l'Océan, même si l'eau est un peu froide à son goût, mais quand elle vient lécher son ventre, ses mains se crispent sur celles de sa mère et d'Isidore.

« T'as peur, Zé ? Tu veux venir sur mon dos et je nage pour toi ? »

Zélie acquiesce, soudainement très émue, et son frère vient près d'elle, se mouille, avant de plonger sa tête sous l'eau, Zélie clignant des yeux. Maman est à côté et ne dit rien, pour une fois. Elle n'essaie pas de la convaincre de retourner sur la plage. Ils sont tous autour d'elle. Papa, maman, Isidore. Rien ne peut lui arriver.

Isidore surgit de l'eau en s'ébrouant et Zélie essaie de le taper gentiment mais ne rencontre que le vide. Fermant ses mains en coupe, Isidore arrose sa petite sœur qui frissonne dans le vent venant du large.

« Mets tes mains sur mes épaules, Zé, et on va nager. Tu bats des pieds et c'est tout, je fais tout le reste... »

Zélie acquiesce, pas très rassurée, mais elle n'en montre rien. Elle met ses mains sur les épaules d'Isidore, qui tout doucement, se laisse aller en avant dans l'eau. Zélie éclate d'un rire incertain, les mains crispées sur les épaules, battant des pieds, la tête sortie le plus possible de l'eau, comme la tête d'une tortue sa carapace.

« Desserre tes doigts, Zé, tu me fais mal. »

Quand elle est plus à l'aise, elle desserre sa prise.

« Tu veux qu'on aille là où on n'a plus pied ? »

Zélie ne répond pas, au début.

« Maman va s'inquiéter...

- Maman s'inquiète toujours, ils sont trois mètres derrière, la plage est surveillée et je suis le meilleur nageur de ma classe.

- Si tu veux... »

Ils s'éloignent doucement au large, Zélie s'en rend compte parce qu'elle entend les voix de la plage moins distinctement. Soudain, quelque chose frôle le pied de Zélie et elle pousse une exclamation de surprise.

« Des petits poissons, c'est tout... Rien d'assez gros pour te manger. »

Zélie éclate de rire, suivie par Isidore qui continue à nager tranquillement dans la mer.

 

Maman a insisté pour qu'ils aient un parasol, et Zélie néglige le transat que de toutes manières Isidore s'est attribué, le regard perdu sur les filles en maillot. Assise dans le sable, elle discute avec sa famille en faisant glisser le sable qu'elle recueille dans ses mains, et en écartant ses doigts. Le sable à l'ombre du soleil est tiède et sent tellement le sel qu'elle a l'impression de le goûter sur sa langue.

« Maman, tu sais, le docteur il a dit que moins je verrai, et plus mes autres sens seraient plus forts. »

Zélie reconnaît à la qualité du silence autour d'elle, comme une bulle d'intimité qu'elle vient de créer, que sa famille est toute ouïe. Elle entend maman pousser un drôle de soupir saccadé, et c'est papa qui répond.

« Oui, tes sens vont s'affiner, et tu verras autrement. »

Zélie entend un bruit de chute et se retourne brusquement.

« Quelqu'un s'est fait mal. »

Les regards de la famille Berruyer se dirige vers le gamin qui est tombé de son transat et que sa grand-mère a déjà ramassé dans ses bras.

« Il n'a rien. »

Zélie se retourne de nouveau vers ses parents.

« En fait, je vais pas vraiment devenir aveugle. Parce que mes autres sens vont se développer.

-Oui, fait papa du bout des lèvres, tenant la main de maman, mais ça, Zélie ne le sait pas.

- Ben alors c'est pas grave, c'est pas tout à fait comme si je ne voyais plus rien. Tout ira bien. »

Elle conclue avec un petit sourire assuré et rêveur, continuant de jouer avec le sable entre ses doigts, et son père, sa mère et Isidore la regardent avec des yeux humides. Zélie inspire l'air riche et chaud de vent, qui lui apporte l'odeur de la mer, celles des cuisines du restaurant qui fonctionnent tout le temps, et le parfum d'amande douce de leur crème solaire. Son sourire s'agrandit encore.

Tout ira bien.

Note de fin de chapitre:

Hello,

Le texte suivant est déjà avancé, j'ai tout planifié et écrit à droite à gauche. Je vais mettre un petit coup de collier pour finir le recueil dans les temps.

Alors, vous me détestez ?

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