Lien Facebook



En savoir plus sur cette bannière

- Taille du texte +

Notes d'auteur :
Bonne lecture !
La police arriva à quinze heures vingt-trois, soit quatre-vingt-deux minutes après que Serge et Mireille aient découvert le corps de Monique en cherchant un endroit tranquille, et cinq cent soixante et onze minutes après le meurtre. Franchement, songea Augustine, c’était une cachette pitoyable que le meurtrier avait choisie. Elle-même était restée perchée sur sa branche du hêtre à observer les personnes s’agiter, les proches de Monique pleurer ou crier, les animateurs rassembler les groupes, la voiture de police arriver en fanfare comme s’ils ne s’étaient pas perdus en route.
Elle ne savait pas pourquoi elle ne s’était pas jointe aux autres mais après tout personne ne la cherchait et pourtant Natalie aurait dû se rappeler de son existence après la découverte du cadavre. Il y avait bien sûr la possibilité qu’elle l’ait réellement oubliée. Ou alors, elle ne voulait pas qu’elle puisse raconter aux policiers ce qu’elle avait vu, et ce n’était uniquement logique si elle était complice du meurtrier. On n’était jamais assez méfiant. Mais cela ne la dérangeait même pas.

Assise sur sa branche, Augustine avait l’impression d’assister à une histoire qui ne la concernait pas. C’était fou ce que les policiers et autres personnes étaient confiantes pour parler de choses confidentielles. Ils ne pensaient même pas qu’il pouvait y avoir quelqu’un dans le hêtre.
– Le corps a été déplacé, analysa le médecin légiste appelé sur les lieux. A première vue, je dirais que la jeune fille a été poignardée dans le cou tout simplement.
Et bien, elle aurait pu en dire autant.
– Vous estimez à quand l’heure du décès ?
– Je ne peux pas me prononcer avec précision mais je pense que ça remonte à ce matin.
Là aussi, elle aurait pu répondre avec davantage de précision. Et ce n’était pas du tout parce qu’elle avait vu ce qui c’était passé. Augustine gonfla les joues par dépit. Cela aurait été classe de leur crier l’horaire en sautant de l’arbre. Mais elle avait encore oublié son ardoise et ce serait très compliqué d’expliquer sa présence dans l’arbre alors que personne ne la cherchait.
– Des empruntes ? Une idée d’où le meurtre a pu être commis ? s’enquit le chef présent chez les autres policiers. Non ? Dans ce cas, interrogez tout le monde. Surtout l’animatrice responsable et le père de la fille. Quoique, je m’en occupe moi-même.
Elle aurait aimé assister à ces entretiens aussi… Mais alors elle serait aussi à découvert pour le meurtrier qui ne pouvait plus ignorer les rumeurs qui couraient sur sa folie du matin. Elle devait rester sur ses gardes et découvrir qui était coupable par ses propres moyens. Donc surtout à travers ses souvenirs de Monique.

Monique ne l’aimait pas dès le premier jour. Peut-être qu’elle ne l’aimait pas pas, et que c’était juste qu’elle l’avait jugée comme le membre le plus à-même de ne pas riposter aux moqueries. C’était comme ça que ça marchait entre enfants… Son regret était juste de ne pas avoir pu protéger Corinne des autres. Enfin bon, au moins personne ne pouvait suspecter la gamine.
Est-ce qu’il y avait quelque chose de louche qui entourait Monique et ses fréquentations ? Certainement sinon elle ne se serait pas faite tuer mais Augustine n’était pas capable de dire directement ce qui la dérangeait. De loin, elle menait une vie tout à fait ordinaire : elle participait aux activités de la colonie, elle gloussait avec ses amies, elle voyait son petit-ami, elle se moquait des plus faibles, elle cachait des choses à son père, elle riait, criait, ordonnait... Non, il n’y rien à tirer de ces souvenirs tels quels. Il lui fallait un autre angle d’approche que ce que faisait Monique.
Les motifs par exemple. Bien sûr, il pouvait s’agir de quelqu’un extérieur à la colonie mais le fait que le cadavre soit resté toute la journée ici rendait cette hypothèse de moins en moins crédible. Sauf s’il s’agissait d’une ruse pour faire accuser quelqu’un d’autre. Si ça se trouvait c’était pour cela que Natalie n’avait rien dit à la police : elle la suspectait elle et voulait la couvrir ! Heureusement qu’Augustine savait qu’elle ne l’avait pas tuée sinon elle penserait certainement la même chose.

Les motifs donc. Qui pouvait avoir une raison de tuer Monique ? Déjà la première catégorie qui la concernait : toutes les personnes dont elle se moquait et qu’elle rabaissait par simple plaisir. C’était le cas, d’elle-même – mais elle s’excluait quand même parce qu’elle savait qu’elle était dans le hall au moment du meurtre même si ce n’était pas un alibi –, d’Amandine, de Fabienne, de Serge et d’Antoine chez les grands. Les gamins de moins de douze ans étaient plutôt hors cause. Ils auraient du mal à planter le couteau dans la gorge avec l’angle qu’elle avait vu. Même Benjamin, le plus grand d’entre eux, n’y arriverait pas.
Ensuite, il y avait le motif classique de la jalousie. Là, le groupe d’amis de Monique pouvait être suspect, enfin si on pouvait parler d’amis… Martine, Mireille, Sylvie, Jérôme, Pierre et Maximilien. L’évolution de leurs relations amicales ou amoureuses étaient bien trop compliquées pour qu’elle les comprenne mais elle était certaine qu’il y avait du potentiel de drame. Et elle suspectait qu’il y en avait eu, vu comment ils s’étaient disputés la veille. Pourquoi n’avait-elle pas écouté ?
Le motif de l’argent paraissait plutôt improbable. Monique n’avait que quinze ans… C’était quand même improbable qu’elle ait de quoi motiver un héritier, ou qu’elle fasse du chantage à quelqu’un. Chantage… Menace ! Ça lui rappelait quelque chose… Le jeune homme du village, non ? Il lui voulait de l’argent mais ça n’avait pas de logique. En quoi la tuer arrangeait-il ses affaires ? Il y avait une histoire d’argent que Monique n’avait pas encore…

D’ailleurs est-ce qu’il y avait une mère dans la famille Germain ? Elle était mal placée pour trouver cela étrange qu’il n’y en ait pas, mais quand même. Le père dirigeait la colonie de vacances et la fille y passait les siennes et, durant les deux semaines, elle n’avait vu aucune femme venue pour voir les deux. Y compris le dimanche de visites de famille auquel son père n’avait pas pu venir et où elle avait donc eu le temps d’observer toutes les rencontres plus ou moins heureuses.
Mais ça pouvait peut-être expliquer les régulières balades en vélo que Monique entreprenait toute seule. Elle n’avait jamais emmené quelqu’un, pas même Maximilien après qu’ils s’étaient embrassés la semaine précédente. Est-ce qu’elle rencontrait quelqu’un durant ces balades ? Où est-ce qu’elle réussissait à aller jusqu’au village ? Il était quand même loin…

Coupant court ses réflexions avant qu’elle ait pu se lancer dans des calculs de distance, trois policiers revinrent du réfectoire pour s’adosser à leur voiture et sortir les étuis à cigarette.
– On n’en tire rien de ces gosses, se plaignit le petit enveloppé.
– Ecoute, au moins maintenant on sait qu’il y a une jeune de plus qui a disparu.
C’était probablement d’elle qu’ils parlaient. Au moins, quelqu’un avait bien dû se rappeler d’elle. Sauf s’ils avaient vérifié les listes d’inscription comme ça devrait se faire. Enfin, elle devait bien se montrer un jour ou l’autre. Même s’ils n’avaient pas l’air très futé, ils finiraient par la trouver. Et par la suspecter si ce n’était pas déjà le cas.
– Une folle de ce que disent les autres, précisa le dernier.
Ça faisait plaisir à entendre… Mais six cents soixante-six minutes après la mort de la victime, c’était un trop joli moment pour leur raconter la vérité. Et il était certain qu’ils pourraient faire beaucoup mieux avec ses informations qu’elle-même. Non, elle n’y croyait pas. C’était plutôt qu’elle allait avoir besoin de ce qu’ils lui diraient. Elle n’avait aucune confiance en eux. Si ça se trouvait, ils allaient conclure à un accident !
– Vous croyez que c’est un meurtrier en série fou et que la petite est aussi déjà morte, fit celui de gauche.
– J’espère que non, même si elle est introuvable depuis ce matin.
Augustine inspira un grand coup puis se laissa glisser de la branche, se contorsionna et atterrit derrière les trois policiers. Il était grand temps de faire avancer l’enquête.
Note de fin de chapitre:
Une hypothèse du coupable ?
Vous devez vous connecter (vous enregistrer) pour laisser un commentaire.