– Dépêchez-vous ! cria Grégoire, l’animateur, en enfourchant son vélo. On n’a pas toute la journée.
Augustine fixait son vélo avec méfiance. Avec ses deux roues alignées et son léger cadre, il ne lui inspirait pas confiance. Tout cela semblait bien instable. Oh, elle savait qu’on pouvait se déplacer dessus mais elle n’avait jamais eu l’occasion d’essayer. Finalement, maintenant qu’elle devait le faire, elle ne le sentait pas du tout. Ça avait l’air vraiment pas pratique.
– Hé, la muette, l’interpella Monique Germain. On attend plus que toi, alors bouge-toi.
Ne pas montrer que ses paroles la blessaient. Se conformer au groupe. Ne pas montrer qu’elle n’avait jamais fait de vélo. Ce ne serait qu’un motif de moquerie de plus. Et c’était ridicule d’avoir peur d’essayer. Tous les autres avaient l’air tout à fait à l’aise sur leurs bicyclettes. Monique en faisait pour le plaisir plusieurs fois par semaine. Même Corinne à ses côtés donnait l’impression d’en faire depuis toujours. Il n’y avait que les trois tout petit qui ne participaient pas à cette sortie et qui restaient à la colonie avec Marie-Joëlle. Ils avaient de la chance.
– Moi, j’y vais, déclara Monique. Grégoire, tu n’as qu’à rester avec les minables.
– Monique, on avait déjà fait les groupes ! protesta Natalie. Tu es censée rester avec moi pour m’aider avec les moins expérimentés.
Augustine se sentait un peu visée. Mais évidemment elle n’était pas la seule à ne pas pouvoir suivre le rythme de Monique et de ses amis. Par contre, elle était bien la seule à ne pas avoir enfourché son vélo. Inspirer, expirer. Elle pouvait le faire. L’adolescente passa la jambe droite devant la selle et se hissa dessus. Le vélo tangua dangereusement.
– C’est la première fois que tu en fais ? lui demanda Corinne sur le ton de la confidence.
Augustine hocha la tête tout en faisant des tests avec les deux freins sur le guidon pour trouver lequel correspondait à quelle roue. Si elle avait bien suivi, pédaler et prendre de la vitesse devrait suffire à lui faire garder l’équilibre.
– Bon, bah, mon groupe, on y va, fit Natalie d’un ton soulagé. Monique, passe devant et suis le groupe de Grégoire à une allure raisonnable.
Le groupe démarra et commença par suivre la petite route en direction du village. De plus en plus rassurée, Augustine se risqua à jeter un coup d’œil autour d’elle. Elle était en fin du peloton et pouvait donc se concentrer entièrement sur son équilibre et son vélo. Ce n’était pas si facile que ça en avait l’air quand on voyait Monique ou Grégoire filer à toute allure pour faire de petites courses pour le camp.
– Pourquoi tu n’en as jamais fait ? l’interrogea Corinne.
C’était une bonne question en fait. Après tout, son père faisait tout en vélo puisqu’il n’avait pas de voiture. Mais elle, elle n’était jamais montée sur une bicyclette de sa vie. Elle allait à l’école à pied puis en car. C’était étonnant qu’elle ne fût jamais tentée par ce type de déplacement qu’elle voyait tout de même au quotidien, mais même là elle avait encore le sentiment de faire quelque chose réservée aux autres. Elle voulut hausser les épaules, c’était compliqué en tenant le guidon. C’était gênant quand même d’avoir les mains prises comme ça. Non, franchement, le vélo, elle ne trouvait pas ça super pour le moment.
– Moi, je trouve que c’est génial pour se déplacer vite, lui exposa la petite fille sans attendre de réponse. Tout le monde va en vélo chez moi. Mais je suppose que c’est différent selon les endroits. En tout cas, je suis trop contente qu’on fasse une promenade en vélo tous ensemble. Ça change des interminables randonnées !
Augustine avait un peu de mal à comprendre l’enthousiasme de sa nouvelle amie. Que ce soit une petite promenade en fin d’après-midi ou une sortie de toute la journée, ils faisaient toujours la même histoire : ils partaient en plusieurs grands groupes et ils revenaient par deux ou par trois parce qu’ils s’étaient perdus ou avançaient à des vitesses différentes. Indéniablement le groupe se dissolvait et ceux de la fin ne pouvaient jamais en profiter réellement puisqu’ils étaient juste en train d’essayer de rattraper ceux de devant. Pourquoi serait-ce différent en vélo qu’à pied ?
L’air frais de la forêt lui soufflait dans le visage et Augustine ne pouvait pas s’empêcher de trouver cela très agréable. Le vélo n’était pas si terrible que ça.
– Tu aimes finalement ? Tu sais, on dirait même plus que c’est la première fois que tu en fais ! s’exclama joyeusement Corinne.
Elle avait dû afficher un sourire trop ostensible… Mais il était vrai qu’elle commençait à apprécier la promenade. Concentrée sur l’activité et sur son équilibre encore instable, elle n’avait plus du tout pensé à toutes ces autres choses qui parasitaient d’habitude son esprit. Oublié le regard des autres, partis les soucis du quotidien, éloignés les regrets des souvenirs. C’était apaisant de rouler ainsi, le nez au vent et la tête centrée sur la tâche. Elle hocha la tête en essayant de retenir toutes les pensées qui refluaient vers elle. Maintenant qu’elle en avait prise conscience, la paix pouvait-elle encore être présente ? Elle l’espérait en appuyant sur les pédales pour accélérer et laisser les désagréments derrière elle.
Le chemin tourna et la fin du groupe se retrouva au beau milieu de la colonie de vacances. Augustine en fut déçue. Juste au moment où elle avait commencé à apprécier le vélo… non, elle n’appréciait pas le vélo, elle appréciait le fait que cela lui occupe l’esprit. Tous ses doutes revenaient d’un seul coup. Elle souffla, heureuse que cela se soit mieux déroulée que ce qu’elle avait craint. Elle s’était imaginée les pires scénarios où elle tombait juste devant la roue de quelqu’un, où elle se prenait un arbre, ou où tout le monde se moquait d’elle. Rien de cela ne s’était passé et elle s’en réjouissait. Par contre, elle avait mal aux jambes... Peut-être bien qu’elle referait du vélo plus tard. Mais pour le moment, l’expérience lui suffisait.
– Mais où est-ce que Monique est encore passée ? s’énerva Natalie quelque part derrière elle. Elle était censée m’aider pas s’échapper pour s’amuser ! Il y en a marre à la fin !
– Je comprends, fit Marie-Joëlle en brandissant sa louche. Un jour, je finirais par la mettre dans un pâté… Allez, Corinne, Augustine, Antoine, venez m’aider à couper les légumes.
Comme toujours, c’était eux qui se retrouvaient de corvée cuisine, mais Augustine et Corinne ne pensaient pas à s’en plaindre. Couper les légumes permettait d’en chiper sans se faire remarquer par les groupes d’enfants populaires qui les dédaignaient. Cela leur permettait de leur échapper tout court d’ailleurs. Un peu comme le vélo au fond. Oui, c’était décidé, elle voulait refaire du vélo et elle en demanderait un à son père à son retour. Il était grand temps qu’elle puisse se déplacer plus librement. Le vélo, c’était la paix et la liberté.
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Notes d'auteur :
Bonjour, bonjour !
Grâce à Sifoell, vous avez droit à un nouveau chapitre (et la fin de l'histoire un jour ^^). Merci
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Note de fin de chapitre:
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