Il n’y avait pas grand monde dans le dortoir quand Augustine y entra. Elle récupéra son ardoise et deux feutres et profita d’être penchée sur son tiroir pour scruter les adolescents présents. Sylvie et Martine discutaient étrangement calmement sur le lit de cette dernière. Peut-être était-ce une simple impression mais la brune avait les yeux rougis comme si elle avait pleuré. Son amie lançait des regards assassins en direction de la troisième jeune fille présente. Amandine, assise contre son lit, lisait tranquillement un livre comme si rien de ce qui se passait ne la concernait. Ce n’était pas tellement faux. Sauf que comme elle n’était pas au dortoir au moment où le cadavre avait été déplacée, elle était une suspecte plus qu’évidente. Enfin maintenant que les policiers avaient son témoignage.
– Elle a dit que c’était bien fait pour Monique, se remit à sangloter Martine.
Augustine fronça les sourcils avant de comprendre que cette plainte lui était adressée. Jamais Martine ne lui avait adressé la parole pour autre chose que pour l’insulter. Franchement ça ne lui avait pas manqué. Elle se redressa et se rapprocha des autres. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien répondre à ça ? Le mieux, c’était de ne rien dire. C’était souvent la meilleure solution.
– Bah, c’est vrai, retorqua Amandine d’un ton désespéré. Elle n’était pas sympa. Au contraire, elle harcelait même les plus petits. Même si elle ne s’est que rarement prise à moi, ce n’est pas le cas pour les autres. Augustine par exemple en a fait les frais, vous n’y êtes pas étrangères non plus. Pensez à la petite Corinne que vous avez réussi à faire partir avec vos commentaires. Et après, répétez-moi que je devrais être triste. Bon débarras, je dis.
« Il ne faut pas dire de mal des morts. » inscrit la fille de pasteur sur son ardoise. Les préceptes de politesse avaient quelque chose de rassurant dans une situation aussi malaisante que celle-ci. Son vis-à-vis plissa les yeux pour déchiffrer sa réponse puis haussa les épaules.
– Qu’est-ce que ça peut bien changer ? Elle est morte, elle n’entend plus. Et qu’elle n’était pas une sainte, tout le monde le sait.
Les deux autres filles s’étaient remises à renifler dans leurs mouchoirs sales et Augustine supposa qu’elle pouvait tout aussi bien s’éclipser et les laisser à leurs occupations. Et alors qu’elle ne lui avait jamais accordé d’attention, Amandine se leva et la suivit jusqu’à la porte.
– Tu comptes enquêter ? lui demanda-t-elle à voix basse dans le couloir. Parce que moi, ce matin, j’étais à côté du portail, tu sais, là où il y a le trou dans la clôture et…
Augustine la regarda sceptique. Normalement les gens qui se trouvaient à proximité de ce genre d’endroit ne restait pas dans la colonie…
– Oui, bon, se reprit Amandine en se rendant compte de sa bourde. En tout cas, il y a le copain de Monique, tu sais celui du village qui lui refile la drogue, qui est entré. Forcément je me suis cachée et je l’ai suivi.
« Il est allé où ? » la pressa la jeune muette quand son vis-à-vis se tut pour faire durer le suspense. Une partie de son esprit peinait encore à croire que cette solitaire de seize ans l’avait choisie elle pour se confier. C’était certainement quelque chose que la police voudrait savoir et que la grande n’allait pas leur dire pour pas se rendre suspecte. Après tout, elle devait être dans les environs aussi.
– Aux abris avec le matériel de jeu, chuchota Amandine. Là où on a trouvé Monique !
Augustine hocha la tête, légèrement déçue. Pas au réfectoire alors.
– Et là, il a parlé avec Monique, continua la plus âgée sans se rendre compte de la réaction de la plus jeune. Je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite par contre parce qu’ils m’ont vue et que le jeune homme m’a assommée avec une pierre. Regarde, j’ai une énorme bosse sur la tête !
La plus petite se mit sur la pointe de pied pour réussir à voir quelque chose dans la chevelure rousse et écarquilla les yeux encore davantage. Amandine avait vraiment une bosse et avait même encore des petits bouts d’écorce dans les cheveux comme si elle s’était couchée par terre. Il devenait quand même très louche, ce jeune homme du village.
– Du coup ce midi quand tout le monde a commencé à chercher Monique j’ai demandé à Antoine, tu sais celui avec les lunettes et l’air d’intello… Bah, je lui ai demandé qui était dans le dortoir des garçons ce matin avant le lever. Il se réveille toujours à cinq heures pour bouquiner. Par contre, il se rappelait plus bien, et m’a promis d’y réfléchir.
« Tu veux qu’on aille lui demander maintenant ? »
– Bah oui, faut qu’on trouve le coupable avant que la police ne pense que l’une de nous l’a tuée, tu ne penses pas ? Et peut-être que l’un d’eux à vu quelque chose. Mais ceux qui dormaient ne sont d’aucune utilité.
« Chez nous, il manquait Mireille aussi. Et Fabienne. »
– Comme toujours pour Fabienne, rigola l’ainée. Je suppose qu’on l’a vue toutes les deux avec Serge près du lac. Je ne sais pas où toi tu passes ton temps mais je ne pense pas que quelque chose échappe à tes yeux baladeurs.
Augustine rougit et baissa immédiatement le regard vers ses pieds. Son père détestait quand elle laissait traîner les yeux au lieu de le regarder quand il lui parlait. Mais Amandine lui donna un coup de coude amical.
– Allez, viens, la petite inspectrice.
Les deux filles trouvèrent Antoine devant une fenêtre qui donnait sur le réfectoire, en train d’observer le remue-ménage des policiers en train de chercher la scène de crime que leur avait indiquer Augustine – ce que les deux autres ne pouvaient pas savoir. Il était bien caché entre quelques buissons mal taillés et se trouvait de l’autre côté par rapport à la cour avec le hêtre. Augustine n’aurait jamais pensé à venir ici et pourtant elle avait une grande expérience des cachettes.
– Ah Amandine, fit-il quand celle-ci lui donna une pichenette sur le crâne. J’ai vérifié. Ce matin il manquait Serge, Hugo, Maximilien et Jérôme.
La rousse approuva d’un hochement de tête et voulut répondre quelque chose mais un bruissement dans leurs dos les fit se retourner. Augustine leva les sourcils en reconnaissant le jeune homme du village. Maintenant qu’elle le voyait, elle se souvenait d’un seul coup des menaces exactes qu’il avait proféré à l’encontre de Monique. Les avait-il mis en exécution ? Tout semblait tendre dans cette direction.
– Oh, la fouineuse de ce matin, fit-il d’une voix trainante. Vous n’auriez pas vu un couteau quelque part dans les buissons ? J’ai perdu le mien ce matin.
Augustine plissa le front. Et il revenait le chercher alors qu’il y avait la police partout ? C’était un peu trop simple, là. En même temps, il n’avait pas l’air très futé non plus. Mais quand même… Il y avait quelque chose qui clochait.
– On tient le coupable ! s’exclama Amandine, victorieuse.
Le meurtrier avait une voix de fille ! Voilà ce qui clochait. Ce jeune homme à la voix grave ne pouvait pas être le meurtrier. Il pouvait avoir déplacé le corps ensuite mais il ne pouvait pas s’être disputée avec Monique dans le réfectoire. Mais est-ce qu’il l’avait fait comme le prétendait Amandine ? Possible… En tout cas, beaucoup plus crédible que si par exemple Mireille l’avait déplacée toute seule. Question de taille tout simplement.
Mais ça, Amandine et Antoine ne pouvaient pas le savoir. Pour eux c’était évident : le coupable était revenu sur la scène du crime pour récupérer son arme. D’ailleurs le couteau pouvait bien correspondre…
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Notes d'auteur :
Bonjour, bonjour !
Après une petite absence, voici un nouveau chapitre.
Bonne lecture !
Après une petite absence, voici un nouveau chapitre.
Bonne lecture !
Note de fin de chapitre:
Alors une supposition ? (d'ailleurs il reste encore deux chapitres et l'épilogue)
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