Trois ans s’étaient écoulés. Le temps avait eu raison de beaucoup de choses : le suicide de la mère d’Alexia, son déménagement forcé…
Et même ce jour-là…
C’était une belle journée d’été. Elle avait été voir les résultats du bac dans la matinée et il était un peu plus de treize heures quand le crissement de pneus sur du gravier lui parvint.
Elle regarda à la fenêtre de sa chambre, celle-ci lui offrait une vue sur l’immense maison de ses voisins et leur garage. Elle savait que les Tevenn travaillaient beaucoup. Ils partaient tôt le matin et revenaient parfois tard le soir. Alors que faisaient-ils chez eux en pleine journée ?
Mr Tevenn et sa femme descendirent. Puis un jeune homme aux longs cheveux blonds et au look de hippie sortit à son tour. C’était Delphin.
Alexia eut du mal à la reconnaître tant il paraissait sérieux vu d’ici. Il disparut dans la maison et réapparut brièvement à la fenêtre de sa chambre. Les joues d’Alexia rougirent, ses mains devinrent moites et elle sentit son cœur s’emballer dans sa poitrine.
Après ne l’avoir que trop vu et même haï, il avait été aux abonnés absents pendant trois années. Pourquoi d’un coup était-elle contente de le voir ? Pourquoi s’en souciait-elle aujourd’hui ?
Elle avait changé malgré elle. L’accident de Delphin l’avait changée. Au début, c’était simplement pour se décharger de sa culpabilité mais tout pendant son séjour à l’hôpital, elle s’était véritablement inquiétée. Plus les jours passaient, plus elle redoutait que son état s’aggrave ou soit définitif, qu’il soit un « légume » et ne puisse plus mener la vie qu’il avait. Et puis finalement, il était revenu chez ses parents avec un gros bandage sur la tête pour seule conséquence de son accident, puis il était parti quelques jours plus tard.
Elle descendit au rez-de-chaussée, s’attendant inconsciemment à ce qu’il vienne sonner lui demander comme autrefois si elle voulait découvrir la ville. Elle l’avait repoussé tellement de fois qu’elle en avait perdu le compte.
Mais les heures passèrent et Delphin ne se présenta pas la porte. Elle en avait envie et en même temps, elle le redoutait. Que lui dirait-elle ? Au fond, elle voulait juste savoir s’il allait bien, s’il n’avait pas de séquelles.
-Ça va, mon cœur ? demanda la voix de son père depuis le hall d’entrée.
Il était presque vingt heures et son père était rentré du travail.
Alexia eut un mouvement de malaise puis se lança :
-…Tu savais que Delphin Tevenn était revenu ?
-Oui, Alain allait le chercher ce matin à St Malo. Mais je croyais que tu « n’en avais rien à carrer de Delphin ».
-C’est vrai, admit-elle. C’est juste que ça fait drôle… je m’étais habituée à ne plus le croiser à chaque fois que je sortais.
-Tu sais, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, dit-il en ouvrant la partie congélateur du frigo. Pizza ?
-Sans viande.
-Tu fais ta vie, ma fille. Mais si je peux me permettre un conseil… Tu devrais aller lui dire bonjour. Vous êtes adultes maintenant. On fait tous des conneries quand on est jeunes, des choses qu’on regrette plus tard.
Joël soupira.
-Je regrette de mettre aussi mal comportée avec lui, avec toi aussi, dit Alexia. Je sais bien qu’on n’avait pas le choix, que c’était le seul moyen de continuer d’avancer. Je suis désolée de t’en avoir fait baver. J’ai été égoïste.
-Tu souffrais.
-J’irais toujours de l’avant désormais. Je te le promets.
-Tu l’as déjà fait, Alex. Quand Delphin a eu son accident, je me suis douté que tu avais assisté à la scène. Pendant trois ans, tu n’es pas restée seule dans ton coin à ruminer le passé… Tu as continué à vivre. Tu as eu ton bac. Pour quelqu’un qui a vécu d’horribles choses, tu t’en es bien tirée. Mais si tu tiens tant à faire une promesse. Promets-moi d’aller lui parler.
-… Je… D’accord.
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