Vanessa se leva avec réticence en ce matin de 24 décembre, son jour préféré. Pourtant, elle n’arrivait plus à se réjouir. A quoi bon fêter Noël quand le coeur n’y était plus ?
Ses parents avaient tenté de lui remonter le moral sans grand succès. Toute la semaine, elle les avait aidés dans la préparation du repas du réveillon de Noël et du lendemain : elle avait préparé des chocolats, aidé sa mère dans la confection de la bûche, avait choisi le chapon avec son père et ce matin, elle devait l’aider à le cuire. Cela prendrait plusieurs heures.
Elle était également allée plusieurs fois chez ses grands-parents et avait aidé sa grand-mère à tricoter des bonnets et des écharpes qu’ils offriraient cet après-midi lors d’une fête organisée par la ville pour les personnes qui n’avaient pas les moyens de fêter Noël.
Malgré l’ambiance de fête dans la maison et dans toute la ville, Vanessa n’arrivait pas être heureuse. Quand Thomas l’avait quitté, elle avait pleuré pendant des heures car elle s’était finalement rendue compte de ses sentiments à son encontre. Mais elle savait aussi que leur histoire était impossible. Il était trop riche, avait trop de responsabilités, n’était pas du même milieu qu’elle. Annabelle Merrytown avait eu raison. Elle ne pouvait pas être à ses côtés.
Cela lui avait été douloureux de renoncer à lui. Thomas paraissait un homme hautain et prétentieux aimant ses privilèges. Pourtant, il n’avait pas hésité à cuisiner avec elle alors qu’il ne savait pas du tout cuisiner, il l’avait accompagnée à l’hôpital sans aucune arrière-pensée, il avait fait des efforts pour trouver une activité qui pourrait lui plaire, même si elle détestait le patinage. Il était maladroit, honnête, sincère et foncièrement gentil.
Elle n’avait pas supporté qu’il croit qu’elle se jouait de lui, de ses sentiments, qu’elle aimait Howard, qu’elle se moquait de lui. Il ne l’avait pas cru et pourtant, quand il avait tenté de l’embrasser, elle l’avait repoussée.
En réalité, elle était totalement perdue. Elle ne savait pas ce qu’elle voulait. Sa raison lui dictait de ne pas s’engager dans cette relation car elle risquait de souffrir, ils étaient bien trop différents. Mais au fond d’elle, son coeur et son corps voulaient Thomas.
Elle avait pensé que rester quelques jours chez ses parents, loin de Londres, de lui et de ses amis, lui permettrait d’y voir plus clair mais elle n’avait toujours pas trouvé de réponses à ses questions. Car si vraiment elle devait renoncer à lui, la décision en était d’autant plus douloureuse.
Alors que les Bale s’apprêtaient à partir pour aller à la fête de Noël de la ville, la sonnette de la porte d’entrée résonna. Madame Bale alla ouvrir alors que Vanessa terminait de se préparer. Sur l’insistance de sa mère, elle portait un pull rouge et blanc représentant un cerf sous la neige tricoté par sa grand-mère. Vanessa n’était pas d’humeur à la fête mais elle n’avait pas eu la force de protester. Elle avait donc accepté de porter ce pull qu’elle avait pourtant adoré les années précédentes.
“Vanessa, ma chérie ! Veux-tu descendre, s’il te plaît ?” lança sa mère du rez-de-chaussée.
“Oui, j’arrive, maman !” répondit-elle en se regardant une dernière fois dans son miroir.
Elle avait des cernes sous les yeux et sa peau était trop blanche, comme si elle était malade. Elle haussa les épaules et descendit en attrapant son sac à main et son caban.
Quand elle marcha dans le couloir, elle entendit le rire de ses parents. Étonnée, elle entra dans le salon. Elle resta stupéfaite en regardant la scène qui s’offrait à elle.
Thomas Johnson était assis sur le fauteuil habituel de son père, ses parents étaient sur le canapé et lui servait le thé. Elle eut du mal à intégrer ce que ses yeux voyaient car l’héritier des Johnson, habillé d’un costume chic et certainement hors de prix, semblait déplacé dans un salon où il y avait un gigantesque sapin décoré qui clignotait derrière lui, des décorations de Noël sur tous les murs et des grosses chaussettes de Noël pendant sur la cheminée. Grizzly, le chihuhua de Vanessa, était posé sur les genoux de Thomas et ce dernier le caressait nonchalamment tout en sirotant sa tasse de thé.
“Que… que faites-vous là ?” demanda finalement Vanessa, reprenant contenance.
“Je suis venu vous voir !” répondit-il en lui souriant.
Vanessa plissa les yeux. Pourquoi lui souriait-il ainsi comme si leur dernière rencontre avait été effacé de sa mémoire ?
“Nous… n’avons pas le temps !” lança Vanessa. “Nous devons aller à une fête organisée par la ville !”
“Mais Vanessa, cela peut attendre !” dit sa mère, indignée par l’attitude de sa fille.
“Non, nous allons être en retard !” s’écria-t-elle, d’une voix ferme.
“Puis-je venir avec vous ?” demanda Thomas vers ses parents.
“Non !” lança Vanessa.
“Mais bien sûr !” dit son père en même temps.
Thomas lui lança un regard ironique en haussant les sourcils et se leva en même temps que ses parents, tout en prenant Grizzly dans ses bras. Il le posa délicatement sur le sol. Vanessa ne dit rien. Et pendant tout le trajet qui les emmenèrent jusqu’à la salle des fêtes, elle resta silencieuse. Thomas, qui était monté à l’avant, discutait courtoisement avec son père, du temps qu’il faisait à Londres, de son travail, de son émerveillement pour la petite ville de campagne dans laquelle il se trouvait aujourd’hui. Madame Bale, qui était assise à l’arrière, lançait des regards plein de sous-entendus à sa fille. Mais celle-ci ne disait toujours rien, broyant du noir.
Ils arrivèrent devant la salle des fêtes et trouvèrent une place pour se garer. Les Bale, aidé de Thomas, sortirent les affaires qu’ils avaient apporté pour la fête : une partie des écharpes et bonnets tricotés par la famille ainsi que trois gâteaux. Ils déposèrent les cadeaux sous le grand sapin et les gâteaux sur le buffet. Ensuite, ils retrouvèrent les grands-parents de Vanessa qui étaient déjà présents. Ils s’embrassèrent et Monsieur Bale présenta Thomas. Vanessa fut encore plus embarrassée. Comment le présenter ? Bien sûr, comme un ami, mais elle voyait bien que ses parents et ses grands-parents étaient charmés par la politesse et la cordialité de l’homme et qu’ils soupçonnaient qu’il était un peu plus qu’un ami pour leur fille ou petite-fille.
Ils écoutèrent silencieusement le discours du maire, puis, se dirigèrent vers le buffet pour se restaurer. Madame Bale ordonna à sa fille de s’occuper de son invité. D’un air bougon, Vanessa entraîna Thomas jusqu’au bar et lui proposa un verre de vin chaud. Il fronça le nez.
“Qu’est-ce que du vin chaud ?” lui demanda-t-il en plissant les yeux.
“Un vin rouge que l’on cuit avec de l’orange, du sucre et de la cannelle,” lui répondit-elle d’un air froid.
“Comment gâcher du bon vin… !”
Il eut l’air encore plus dégoûté.
“Nous n’avons que ça à vous proposer !” s’écria-t-elle. “Désolée de ne pouvoir vous proposer qu’une boisson “commune” !”
Thomas se tut et accepta néanmoins le verre que lui tendit Vanessa. Il le renifla avec méfiance et but une gorgée pour goûter. Il fit la grimace. La jeune femme le regarda en haussant les sourcils.
“Je peux ne pas aimer, non ?” lança-t-il d’un air légèrement revêche.
“Oui, tout le monde n’aime pas le vin chaud,” avoua-t-elle.
“Cela me rassure !”
Néanmoins, il continua à siroter le vin sans se plaindre. Ils s’étaient mis dans un coin de la salle et un lourd silence s’installa entre eux. Pour Vanessa, ce n’était pas à elle de parler. Elle attendait que Thomas fasse le premier pas mais il semblait ne pas vouloir rompre leur silence. Au bout d’un moment, elle n’en put plus.
“Pourquoi êtes-vous venu jusqu’ici ?” lui demanda-t-elle d’une voix légèrement agacée.
Elle se tourna vers lui et le regarda dans les yeux. Il l’observait également et soupira. Il détourna finalement son regard.
“Car il fallait absolument que je vous revois !” répondit-il, d’un air gêné.
“Et ?” insista-t-elle.
“Et… je voudrais m’excuser pour mon attitude de la dernière fois. Je n’aurais pas dû vous embrasser comme je l’ai fait. C’était inapproprié mais j’ai agi sous le coup de la colère. Je voudrais également m’excuser pour… ne pas vous avoir fait confiance, pour avoir pensé que vous vous jouiez de moi et qu’après être sortie avec moi, vous êtes sorti avec votre ami Howard. Emma et Howard Harrington m’ont tout raconté !”
“Comment ça, ils vous ont tout raconté ?”
Thomas lui narra leur visite, ce qu’il avait appris, les manigances d’Annabelle Merrytown ainsi que les aveux de cette dernière. A mesure qu’il racontait son récit, le coeur de Vanessa s’allégea.
“Veuillez accepter mes sincères excuses, Vanessa !” termina-t-il finalement.
Il la regarda à nouveau et cette fois, ses yeux l’imploraient de le pardonner. Vanessa se sentit soudain plus détendue et ne réussit pas à lui en vouloir plus longtemps.
“Je vous pardonne, Thomas !” dit-elle. “Ce n’est pas de votre faute mais entièrement celle d’Annabelle Merrytown, elle a tout fait pour que nous ne soyons pas ensemble !”
“Et elle a quasiment réussi !” s’écria-t-il.
“Hum… mais nous ne sommes pas ensemble, Thomas ! Je veux dire, je vous l’ai déjà dit, nous ne pouvons pas être ensemble !”
“Parce que nous ne venons pas du même monde, c’est ça ?” la railla-t-il.
Vanessa évita son regard insistant.
“Oui,” souffla-t-elle.
“Foutaises !” lança-t-il. “Avouez que je vous plais, Vanessa !”
“Et si vous me plaisiez, qu’est-ce que cela changerait ?” s’écria-t-elle avec véhémence.
“Cela changerait tout ! Regardez-moi, Vanessa !”
Il la força à le regarder dans les yeux en la tournant vers lui.
“Dites-moi dans les yeux que je ne vous plais pas et je vous laisserai tranquille à tout jamais ! Mais s’il y a une chance pour que vous m’aimiez, je ferai tout pour que nous soyons ensemble car, moi, je n’ai pas peur de vous avouer mes sentiments ! Je vous aime, Vanessa, depuis le premier jour où je vous ai rencontré !”
Vanessa ne détourna pas son regard. Son coeur palpitait de plus en plus fort, il lui criait de lui dire la vérité, d’écouter ses propres sentiments, de ne pas le fuir. Mais elle avait peur. Pas de tous ces gens qui la regarderaient avec mépris ou avec haine. Elle se fichait de ces personnes-là. Ils n’étaient que des excuses. Il avait raison, elle avait juste peur de ses propres sentiments. Jamais elle n’avait rencontré un homme tel que Thomas Johnson. Jamais elle n’avait aimé comme elle l’aimait lui.
Elle s’apprêta à dire quelque chose mais sa grand-mère saisit cette occasion pour venir les voir et leur parler. Thomas et Vanessa s’éloignèrent l’un de l’autre.
Les Bale invitèrent Thomas à partager le repas du réveillon de Noël avec eux. Vanessa se sentit embarrassée.
“Maman, je suis sûre que Thomas a autre chose à faire que de passer le réveillon de Noël avec nous !” lança-t-elle dans la voiture.
“Cela ne me dérange pas !” s’écria Thomas, guilleret.
Vanessa le regarda en haussant les sourcils, il lui sourit. N’était-ce pas ce même homme qui disait détester Noël ?
“Je suis venu comme ça et je n’ai rien prévu pour ce soir !” continua-t-il.
“Cela signifie que vous n’avez pas d’endroit où dormir ?” s’exclama Madame Bale.
“Non, pas encore, je comptais demander à mon secrétaire de me réserver une chambre quelque part mais je vous avoue, j’ai oublié de le contacter !”
“Il est hors de question que vous payiez une nuit d’hôtel ! Vous allez dormir chez nous ! Nous vous préparerons la chambre d’amis !” s’écria la mère de Vanessa.
“Et vous n’arriverez jamais à trouver une chambre d’hôtel à cette heure-ci !” renchérit cette fois le père de Vanessa.
Leur fille était horrifiée. Le richissime Thomas Johnson qui vivait dans un château de 50 pièces allait dormir dans la maison de ses parents qui faisaient à peine 120 m².
“Et je vous prêterai un pyjama !” continua son père d’un air joyeux.
Vanessa faillit faire une crise cardiaque tellement l’idée de Thomas portant le pyjama de son père lui était absurde. Ce dernier souriait comme si de rien n’était. En la voyant le dévisager, il lui fit un clin d’oeil. Il semblait s’amuser de la situation. Elle fut tentée de rire aussi, plus de tension qu’autre chose, mais l’ignora.
“Vous reprendrez bien un peu de chapon, Thomas ?” lui proposa la grand-mère de Vanessa.
“Oui, merci ! Il est délicieux !” répondit ce dernier.
Vanessa était assise en face de Thomas qui mangeait avec appétit tout ce que la famille Bale lui proposait. Elle l’observait du coin de l’oeil et guettait tous ses gestes. Ce dernier était poli, respectueux, riait des blagues lancées par son grand-père et écoutait avec attention les anecdotes que lui racontait son père.
Au bout de quelque temps, la discussion tourna autour de Vanessa, au plus grand désespoir de cette dernière. Thomas, quant à lui, devint encore plus attentif et écouta avidement la mère de la jeune femme. Vanessa leva les yeux au ciel quand sa mère parla du jour où elle avait mouillé sa robe après avoir vu le Père Noël.
“Maman !” s’écria-t-elle. “Ne raconte pas cette histoire à Thomas ! C’est gênant !”
“Mais je veux l’entendre !” s’exclama-t-il en ignorant le regard noir qu’elle lui lança.
“Oh, eh bien, Vanessa adorait le Père Noël quand elle était petite. Je vais vous montrer sa première photo avec lui !” continua sa mère sans écouter sa fille.
“Non, maman, pas de photos !” s’écria à nouveau Vanessa.
“Mais moi, je veux les voir ces photos !” rit Thomas.
“Dixit celui qui déteste qu’on le prenne en photo !” lui lança-t-elle d’un air ironique. “Quand me montrerez-vous une photo de vous avec une barbe de trois ans ?
“Jamais de la vie !”
“J’aurais vraiment dû vous prendre en photo avec ce tablier à fleurs !” marmonna-t-elle.
Sa mère arriva avec le fameux album et l’ouvrit devant une Vanessa de deux ans, qu’on reconnaissait à cause de sa touffe de cheveux châtains, qui posait devant l’objectif un grand sourire sur les lèvres à côté du Père Noël. Elle tourna les pages et montra d’autres photos de Vanessa chaque fois plus âgée qui posait à nouveau avec le Père Noël.
“Voilà ! C’est après cette photo ! Tu devais avoir six ans, ma chérie !” continua sa mère.
Vanessa se renfrogna, elle n’avait pas envie que sa mère évoque le passage le plus honteux de sa vie.
“Chaque année, Vanessa attendait avec impatience de voir le Père Noël. Cette année-là, elle avait compté chaque jour qui passait. Le jour J, elle était tellement surexcitée qu’elle en oublia d’aller aux toilettes et commença à avoir envie d’aller faire pipi pendant qu’elle attendait son tour dans la file. Malheureusement, ce jour-là, il y avait du monde qui voulait prendre une photo avec le Père Noël et Vanessa ne voulait pas laisser sa place. Bien sûr, elle ne m’a rien dit. Elle souffrait en silence. Elle a attendu, jusqu’à ce qu’elle puisse faire la fameuse photo. Mais nous n’avons pas eu le temps d’arriver jusqu’aux toilettes, elle avait déjà fait pipi dans sa culotte. Elle a ensuite pleuré jusqu’à ce que nous rentrions à la maison ! Pauvre bichette !” lança sa mère d’un air attendri, elle leva sa main vers la joue de sa fille qui la dégagea en grognant.
“Je te hais, maman !” répliqua cette dernière.
“Et vous êtes quand même retournée faire une photo avec le Père Noël l’année d’après ?” demanda Thomas, d’un air hilare.
“Oh oui, et cette fois, Vanessa avait prévu le coup !” répondit sa mère.
Thomas éclata de rire.
“Honnêtement, si cela m’était arrivé, jamais je n’aurais refait de photo avec le Père Noël ! Cela m’aurait traumatisé !” s’exclama-t-il après avoir repris ses esprits.
“Mais pas notre Vanessa, elle aime bien trop Noël pour ça !”
Vanessa leva à nouveau les yeux au ciel.
“Et vous, Thomas ?” demanda cette dernière soudain. “Quel traumatisme avez-vous eu dans votre enfance pour détester Noël à ce point ?”
La question jeta un froid parmi les convives. La famille Bale n’était pas au courant de l’aversion de Thomas pour cette fête. Soudain, Vanessa se sentit un peu bête d’avoir posé cette question indiscrète devant ses parents et ses grands-parents. Ces derniers restèrent silencieux. Thomas se sentit mal à l’aise et lui lança un regard mécontent.
“Euh… Je…” tenta-t-il de dire.
“Oubliez ma question !” s’écria-t-elle soudain. “Maman, je crois qu’il est l’heure de sortir le pudding !”
“Hum, oui, ma chérie !”
Madame Bale se leva et commença à débarrasser la table.
“Joyeux Noël !” lança le père de Vanessa d’un air ravi.
Il était enfin minuit et les Bale se levèrent tous pour s’embrasser. Thomas resta assis sur sa chaise ne sachant que faire. Vanessa lâcha sa mère et s’approcha de lui.
“Joyeux Noël, Thomas !” lui dit-elle avec un sourire.
Sans qu’il ne réponde quoi que ce soit, elle l’embrassa sur les deux joues.
“C’est pour vous !” s’écria-t-elle en lui donnant un cadeau qu’elle avait caché dans son dos.
“Mais pourquoi ? Je n’ai rien pour vous !” répondit-il, d’un air gêné. “Je ne peux pas accepter !”
Pourtant, il regardait le cadeau dans ses mains, les yeux étincelants.
“Vous pouvez l’ouvrir !” continua Vanessa. “Je suis désolée, ce n’est pas grand chose. Je ne savais pas que vous alliez venir, donc, j’ai fait au mieux…”
“Ne vous excusez pas !”
Thomas ouvrit le paquet et découvrit une écharpe en laine bleue.
“C’est vous qui l’avez tricotée ?” demanda-t-il, les yeux pétillants.
“Oui ! Et je suis vraiment désolée car il a beaucoup d’imperfections mais bon… comme je vous ai dit, j’ai fait au mieux…”
“Elle est magnifique !”
Il déplia l’écharpe et la mit autour de son cou. Il lui fit un grand sourire.
“Je vous remercie, Vanessa !”
Ils étaient très proches l’un de l’autre et Vanessa crut qu’à un moment, il allait l’embrasser mais sa mère attrapa Thomas par le bras pour lui donner son propre cadeau.
Vanessa et Thomas étaient assis sur le canapé du salon devant le feu de cheminée. Ils buvaient un dernier chocolat chaud avant d’aller se coucher.
Les grands-parents de Vanessa étaient rentrés chez eux et monsieur et madame Bale étaient déjà dans leur chambre. La mère de Vanessa avait préparé la chambre des invités pour Thomas et y avait déposé un t-shirt et un bas de pyjama sur le lit. Thomas avait regardé les vêtements d’un air dubitatif mais n’avait rien dit. Il n’avait pas eu le courage de redescendre dans le salon dans cette tenue et était arrivé habillé de sa chemise et de son pantalon de costume. Vanessa n’avait fait aucune remarque.
“Alors, dites-moi la vérité ! Pourquoi n’aimez-vous pas Noël, Thomas ?” lui demanda-t-elle. Elle s’était changée en pyjama et s’était enveloppée sous un plaid.
Thomas, assis à côté d’elle, resta pensif quelques instants en plongeant ses yeux dans le feu de la cheminée.
“Je n’ai jamais fêté Noël avec mes parents,” dit-il enfin. “Vous savez que je viens d’une famille stricte. Ma mère m’a élevé en respectant les traditions des Johnson. Noël était pour elle une fête des gens “communs”. A la maternelle, on fêtait toujours Noël chaque année et nous créions un cadeau que nous devions ensuite offrir à nos parents. Cela pouvait être une simple couronne en papier, un collier en perle ou encore une assiette peinte par nos soins. Quand j’étais petit, je m’appliquais toujours à faire ces cadeaux. Mais à chaque fois que j’en ramenais un, ma mère ne prenait même pas la peine de l’ouvrir et le jetait à la poubelle en me disant que cette fête n’était pas digne des Johnson, que c’était juste une fête commerciale, que nous ne nous abaisserions jamais à la fêter. Au bout de quelques années, je n’offrais plus les cadeaux que je faisais pour mes parents. Je les jetais dès que je sortais de l’école. Petit à petit, j’ai commencé à dénigrer mes amis quand ils parlaient de Noël, répétant juste les mots de mes parents. Puis, j’ai moi-même commencé à détester cette fête.”
Thomas s’arrêta de parler et prit une grande inspiration.
“Voilà pourquoi j’ai toujours détesté Noël. Ma révélation n’a rien d’exceptionnelle. J’étais juste un enfant déçu. Mais je dois vous avouer que depuis que je vous connais, mon regard sur cette fête a changé. Vous m’avez appris ce qu’était le vrai esprit de Noël : aider les autres et passer du temps en famille. Je suis juste triste de ne le découvrir que maintenant. J’aurais tellement aimé fêter Noël avec mes parents comme vous le faites avec les vôtres.”
Vanessa le regarda. Il avait l’air triste. Elle se rapprocha un peu de lui.
“Il n’est pas trop tard, vous savez ! Certes, vous ne fêterez jamais Noël avec vos parents mais il n’est pas trop tard pour vous. Ce qui est important, c’est que vous ayez compris la valeur de cette fête et que vous l'inculquiez plus tard à votre propre famille.” le rassura-t-elle.
“Merci Vanessa !” lui dit-il en lui souriant.
Il lui jeta un coup d’oeil.
“Vous ne m’avez toujours pas répondu !” s’écria-t-il soudain. “Vanessa, donnez-moi votre réponse, s’il vous plaît ! J’ai besoin de savoir !”
Ses yeux gris étaient plongés dans les yeux marron de la jeune femme. Vanessa ne pouvait plus détacher son regard du sien. Elle entendait son coeur battre très fort dans sa poitrine. Elle avait l’impression que ses oreilles bourdonnaient. Son ventre se tordait dans tous les sens. Elle avait la gorge sèche et se râcla la gorge quand elle prit sa décision.
“Vous me plaisez, Thomas !” dit-elle enfin. “Vous m’avez plu dès que j’ai posé mes yeux sur vous ! Vous avez bien sûr des côtés que je déteste. Vous êtes prétentieux, n’avez aucune honte à utiliser votre argent et vous donnez l’impression que tout vous est dû.”
Thomas sourit à ces mots.
“Mais à force de vous côtoyer, j’ai appris à vous connaître,” continua-t-elle. “Vous n’êtes pas aussi prétentieux que vous voulez bien le faire croire. Je me suis rendue compte que vous étiez quelqu’un de simple et que vous pouviez vous contentez de peu. Quand vous riez, sincèrement, votre visage s’illumine ! Vous avez fait des efforts pour moi, vous avez fait des choses que vous n’auriez jamais fait et vous vous en êtes sorti royalement ! Vous avez une certaine naïveté qui me fait totalement craquer ! Oui, vous me plaisez, Thomas et je n’ai plus peur de le dire !”
Elle le regarda ensuite avec appréhension.
Ce dernier lui fit le sourire le plus éclatant qu’elle n’ait jamais vu. Son coeur palpita encore plus fort dans sa poitrine. Sans attendre son consentement, Thomas s’approcha d’elle et l’embrassa avec passion. Vanessa accepta son baiser et oublia toutes ses peurs et ses incertitudes.
Vanessa n’avait jamais rêvé de rencontrer son prince charmant pour Noël.
Mais il s’avère que parfois, il faut juste se laisser porter par ses propres intuitions. Ecouter et suivre son coeur, c’est ça aussi l’esprit de Noël.