Vanessa avait commandé une voiture sur le chemin du retour. Comme une idiote, elle était partie sans sa veste et trop fière, n’avait pas voulu revenir sur ses pas. Elle faillit finir congelée sur place avant que la voiture n’arrive. De plus, elle ne se sentait pas très fière d’avoir fui le bal de cette manière. Elle avait été là pour le travail, elle aurait dû rester jusqu’au bout afin de savoir comment la soirée allait se terminer. Mais Thomas Johnson lui avait fait perdre ses esprits et elle n’avait su réagir autrement. Elle décida d’envoyer un message à James dès le lendemain afin d’en savoir plus : sur l’héritier des Johnson, sa relation avec lui, la fin de la soirée… Ce n’était pas très fair-play envers son ami, en même temps, elle était sûre désormais que c’était lui qui l’avait poussée dans les bras de l’homme aux cheveux bruns. Ce n’était qu’un bon retour des choses.
Quand elle rentra chez elle, même la vue de ses décorations dans son appartement ne lui apporta pas la paix escomptée. Elle alla se coucher sans un regard vers le beau sapin qui clignotait dans son salon.
Le lendemain matin, elle eut du mal à se lever. Premièrement, elle était épuisée de la veille, deuxièmement, elle se sentait encore honteuse de son attitude et se demanda comment elle allait pouvoir affronter Jane Matthews qui lui demanderait certainement des comptes.
Elle décida d’envoyer un texto à James en lui proposant un rendez-vous pour discuter de la soirée de la veille. Elle espérait que son ami allait accepter sa proposition.
Pendant ce temps, au manoir des Johnson, Thomas prenait son petit-déjeuner en lisant The Guardian. Seul un petit article parlait de la soirée du bal mais il décida de ne pas le lire et referma le journal en le repliant devant lui. Il détestait déjà ce genre de mondanités et avait accepté avec beaucoup de réticence ce bal, il n’allait quand même pas lire cet article, écrit certainement sans intelligence et sans recul.
George buvait son café en silence à ses côtés. Thomas sentait que son oncle avait envie de lui dire quelque chose mais il semblait attendre le bon moment. Il décida de mettre les pieds dans le plat, il détestait les non-dits et les faux-semblants.
“Vous allez bien, mon oncle ?” lui demanda-t-il.
“Oui, très bien, Thomas. Pourquoi cette question ?” l’interrogea George d’un air interrogateur mais Thomas n’était pas dupe. Il connaissait son oncle sur le bout des doigts.
“Vous êtes très pensif pour une fois !”
“Cela m’arrive de réfléchir de temps en temps, Thomas !” ironisa-t-il d’un air légèrement vexé mais il avait compris le sous-entendu. “Je repense à la soirée d’hier.”
“Etait-elle à la hauteur de vos attentes ?” demanda Thomas.
“C’est plutôt à moi de vous demander cela ! J’ai organisé cette soirée pour vous ! Pas pour moi !”
“Et comme si j’avais eu le choix !” répliqua l’homme aux cheveux noirs d’un air lasse.
George regarda longuement son neveu. Il l’adorait mais de temps en temps, il trouvait qu’il prenait les choses trop à la légère.
“Cette soirée était très importante pour vous !” s’écria-t-il. “Vous deviez être présenté officiellement !”
“A 30 ans, c’est totalement risible !”
“Et la faute à qui ? Qui n’a jamais voulu s’introduire dans la haute société alors que vos parents et moi-même l'exigions depuis longtemps !”
“Et vous avez tous eu ce que vous vouliez ! S’il n’y avait pas eu ce satané testament, je serai bien resté tranquille dans mon manoir ! Oh, Mère doit certainement célébrer votre victoire dans sa tombe !”
“Ne dites pas cela, Thomas !” dit George, d’une voix tendue. “Ce n’est pas une façon de traiter votre mère. Elle a tout fait pour que vous jouissiez de votre liberté jusqu’au bout ! Mais elle se devait d’assurer l’avenir des Johnson !”
Thomas inspira profondément. Il avait eu des centaines de fois cette discussion avec son oncle. Il était vain d’en discuter à nouveau.
“Alors, qu’avez-vous pensé de cette soirée ? Et ne me retournez pas la question, mon oncle !” répliqua Thomas en voyant George tenté d’objecter.
“Cette soirée a été riche en rebondissements !” dit enfin son oncle, après quelques instants de réflexion. “Les Merrytown avaient l’air ravis que vous ayez dansé votre première danse avec Annabelle. Et vous avez bien tenu votre rôle ! Bien mieux que je ne l’aurais pensé !”
“Ce n’est pas parce que je ne vais jamais à ce genre de soirée que je ne sais pas me tenir en société !”
“Vous avez dansé avec toutes vos prétendantes.” continua George en ignorant la dernière remarque de son neveu. “Vous avez même redansé avec Annabelle Merrytown. J’ai cru à un moment que votre coeur l’avait enfin choisie !”
Thomas observa son oncle d’un air railleur. Ce n’était pas qu’il n’appréciait pas Annabelle, elle était très belle, cultivée et bien née. Il y avait juste quelque chose qui le dérangeait chez cette fille… Il ne la trouvait pas très sincère. Mais il décida de ne pas faire part de ses doutes à son oncle.
“Et ensuite, de façon surprenante, vous avez dansé avec cette jeune femme !” s’exclama George d’un air plus passionné. “Dites-moi, qui est-elle ? Je ne l’ai jamais vue ! De quelle famille vient-elle ?”
Thomas soupira. Il repensa à la jeune femme. Vanessa Bale comme l’avait présentée son cousin. Il devait absolument appeler ce dernier pour avoir plus d’informations car, malheureusement, elle avait disparu de la soirée après leur danse. Il l’avait cherchée partout du regard mais ne l’avait pas trouvée. Il l’avait même cherchée dans les toilettes -enfin, il avait demandé à l’un de ses serviteurs d’y aller à sa place. Si une femme l’avait trouvé dans les toilettes des femmes, il n’aurait pas eu juste un petit article dans The Guardian, il en aurait fait la Une !-. Il avait été désespéré et avait mis fin à la soirée abruptement, prétextant qu’il devait se reposer.
Pourquoi cette femme l’avait-il autant intrigué ? Quand il l’avait vue dans le petit salon, il avait apprécié sa simplicité et sa curiosité. Il avait bien remarqué qu’elle louchait sur les livres de sa bibliothèque. Et de plus près, quand il l’avait reconnu derrière Annabelle, il avait été séduit par son regard surpris, comme si elle se demandait ce qu’elle faisait là, et son charme inattendu. Elle n’était peut-être pas la plus belle femme qu’il avait rencontrée hier, mais c’était celle qui l’avait le plus intéressé. Cela se voyait qu’elle ne venait pas d’une noble famille. Elle n’avait aucun maintien et ne connaissait aucun des usages officiels. Mais il n’en avait que faire ! De plus, le testament de ses parents ne spécifiait pas qu’il devait se marier avec une jeune femme de la haute société anglaise. C’était son oncle qui en avait décidé ainsi, prétextant qu’ils ne pouvaient pas inviter toutes les femmes de la ville à son bal.
“Alors ?” demanda George d’un ton pressant.
“Je ne sais pas mon oncle. Je sais juste qu’elle s’appelle Vanessa Bale mais je ne sais pas qui elle est ! D’ailleurs, veuillez m’excuser mais je souhaite appeler mon cousin !”
Thomas se leva et prit congé de son oncle. Ce dernier le regarda faire sans rien dire. Il resta pensif pendant quelques instants. Thomas pouvait bien aimer la fille qu’il voulait, la seule chose, c’était de s’assurer que ses relations avec les familles qu’il avait invité n’en pâtissent pas. George soupira de lassitude, c’était encore à lui de s’occuper de cette partie-là, son neveu n’avait aucun sens des responsabilités pour ce genre de choses.
Quand Vanessa arriva dans les bureaux de Fashion Love ce matin-là, Howard lui sauta dessus et l’entraîna directement dans la salle de pause. Pendant qu’elle se servait une tasse de café, il la bombarda de questions.
“Alors, ce bal ? C’était comment ? Et ce Thomas Johnson ? Il ressemble à quoi ? Au fait, tu as répondu à ma soeur ? Car elle n’a pas arrêté de me harceler hier ! Elle veut un compte-rendu complet de la soirée !” dit Howard qui lui laissa à peine le temps de parler.
“Oui, oui, j’ai répondu à Emma ce matin ! Je lui ferai un résumé de vive voix, trop compliqué par écrit !” répondit Vanessa. “Sinon, cela s’est bien passé ! Heureusement, James était là !”
Howard s’assombrit au nom de son ancien meilleur ami.
“Et comment il allait ?” demanda-t-il d’une voix maussade.
“Il allait bien !” s’écria-t-elle en ne faisant pas attention à sa petite mine. “Il m’a aidé à me familiariser à ce milieu. J’ai découvert beaucoup de choses ! J’ai bien sûr trouvé que la famille Johnson en faisait trop : il y avait des serveurs partout, la salle de bal ressemblait à celle de la Reine d’Angleterre et l’héritier est arrivé comme une star…”
“Alors, il ressemble à quoi, ce Thomas Johnson ?”
Vanessa ne put répondre à Howard. Elle avait envie de lui dire qu’elle l’avait trouvé beau, qu’il lui plaisait mais elle se sentait bête de lui dire cela. Thomas Johnson était le sujet de son article, ce n’était pas un homme dont elle devait tomber amoureuse.
“Il est pas mal.” dit-elle simplement.
Howard plissa des yeux. Il sentait que Vanessa ne lui disait pas tout.
“Bon, j’ai un article à écrire.” s’exclama-t-elle soudain. “Tu sais que je n’ai que quatre jours pour rédiger un deux-pages ! Je ne dois pas perdre de temps ! En plus, la soirée est encore fraîche dans ma tête, je dois mettre au propre mes notes !”
Howard hocha la tête et la laissa partir sans poser de questions. Il y avait quelque chose qui n’allait pas. Vanessa ne réagissait pas comme à son habitude. Son visage s’assombrit encore plus.
Vanessa rencontra James pour déjeuner deux jours après le bal. Celui-ci avait accepté de la revoir rapidement ce qui l’avait beaucoup étonné.
“Comment vas-tu Vanessa ?” lui demanda-t-il après qu’il se soit assis sur sa chaise.
Elle avait décidé d’aller dans un petit salon de thé qu’elle affectionnait beaucoup : le Chamallow. C’était un café qui proposait les meilleurs chocolats chauds de toute la ville. De plus, la gérante aimait autant Noël que Vanessa et avait décoré son salon de thé comme il se devait. De la musique de Noël passait également et Vanessa ne put s’empêcher de fredonner quand elle entendit “Oh ! Vive le vent, vive le vent, vive le vent d’hiver !”.
Quant à James, il ne se sentait pas vraiment à sa place dans ce lieu. Mais il connaissait la passion de son amie pour Noël et ne dit rien. Néanmoins, les musiques de Noël n’étaient pas sa tasse de thé et il savait qu’il aurait du mal à supporter une heure de ces chants.
“Tout va bien, James. Et toi ?”
“Très bien, merci ! Tu es bien rentrée de la soirée du bal ?”
“Oui, ça a été. J’ai juste oublié ma veste au manoir.” dit-elle d’un air gêné.
“Tu veux que je demande à Thomas de te l’envoyer ?” Il avait posé cette question, un sourire sur les lèvres.
“Oh, non, ça ira… je veux dire, je n’en ai pas besoin ! C’est une vieille veste !” répondit-elle de plus en plus embarrassée.
James éclata de rire. Vanessa rougit.
“Mais pourquoi tu ris, James ?”
“Pour rien ! Enfin… si… c’est ta tête ! Je vois que mon cousin t’a tapé dans l’oeil !”
“Ton cousin ? Mais pas du tout !” s’écria-t-elle, elle n’avait plus les joues roses, mais écarlates.
“Oh, pourtant, tu avais l’air si gênée que je lui demande de te renvoyer ta veste… tu aurais vu ta tête !”
Vanessa ne sut plus où se mettre.
“Je ne suis pas du tout intéressée par ton cousin !” s’exclama-t-elle en mentant effrontément. “D’ailleurs, tu ne m’avais pas dit que c’était ton cousin ?”
“Désolé, je n’y ai pas pensé !”
“Du coup, tu le connais bien, non ?”
“Oui, plutôt bien, même s’il est un peu plus vieux que moi ! Que veux-tu savoir ? Car c’est pour ça que tu m’as fait venir, n’est-ce pas ?”
Vanessa se sentit à nouveau gênée.
“Je suis encore désolée James…”
“Ne t’inquiète pas ! Cela ne me dérange pas ! Je t’avoue, j’ai été content de te revoir il y a deux jours ! Et puis, j’ai comme l’impression que mon cousin n’est pas indifférent à ton charme…”
“Ne dis pas n’importe quoi !” dit Vanessa, mais son coeur avait déjà raté un battement en entendant ces mots.
“Il m’a appelé hier pour me demander plein d’informations sur toi !” dit James d’un air ravi.
“Comment ?”
“Hé oui ! Honnêtement, je pense que tu devrais le recontacter, cela lui ferait certainement plaisir !”
“Quoi ? Moi, contacter Thomas Johnson ! Il n’en est pas question !”
“Mais pourquoi ?”
Vanessa n’avait pas envie d’avoir cette discussion avec James.
“Parle-moi de cette fin de soirée !” lui demanda-t-elle en changeant de sujet.
Il l’observa quelques instants, puis décida de lui répondre. Ils parlèrent encore pendant une heure dégustant les sandwichs qu’ils avaient commandés. Le sujet tomba ensuite sur Howard et Emma.
“Comment vont-ils ?” demanda James d’un air incertain.
“Ils vont bien. Howard travaille avec moi à Fashion Love, il s’occupe de la rubrique sportive et cela fonctionne bien pour lui. Et Emma travaille dans une boutique de décoration. Elle s’y plait bien !”
“A-t-elle… un petit ami ?”
Vanessa resta silencieuse quelques instants.
“Non, elle est seule. Et toi, tu as une petite amie ?”
“Non, pas en ce moment…”
Vanessa voyait bien que James souffrait de leur séparation. Pourtant, leur rupture datait d’il y a trois ans maintenant. Elle prit une décision.
“Je vais organiser une soirée !” dit-elle brusquement. “Je t’inviterai toi, des anciens d’Oxford, et bien sûr Howard et Emma.”
“Ils ne voudront jamais venir !” se plaignit-il.
“Pas si c’est une réunion d’anciens élèves ! Ne t’inquiète pas !”
Elle lui fit un grand sourire, l’humeur de James monta d’un cran.
“Bon, tu es sûr qu’avec mon parrain, tu ne veux pas que je…” commença-t-il.
“Non, ça va ! Et tu en as déjà trop fait !”
Elle lui lança un regard perçant, il rougit. C’était bien lui qui l’avait bousculé pour la pousser dans les bras de Thomas Johnson.
Vanessa resta concentrée sur son article. Il ne fallait pas qu’elle rende un travail à moitié mal fait, l’article devait être parfait. Elle avait longuement réfléchi au ton qu’elle voulait prendre et après mûres réflexions, décida de prendre un ton légèrement sarcastique. C’était un pari osé mais Fashion Love ne faisait pas dans le politiquement correct. Elle devait démontrer à Jane qu’elle était capable de devenir une journaliste à part entière de ce magazine.
Il était déprimant de travailler le premier week-end de décembre. Elle aurait préféré se promener dans les marchés de Noël à boire un vin chaud et à manger des biscuits à la cannelle. Mais elle ne pouvait pas s’octroyer un moment de pause.
Néanmoins, vers 18h, elle n’en pouvait plus de son article. Elle avait bien avancé et elle pensait qu’elle pourrait largement finir dans les temps. Elle décida alors d’envoyer un message à Emma. Cela faisait un moment qu’elle n’avait pas vu sa meilleure amie. De plus, cette dernière l’avait harcelée de questions et vu qu’elle n’avait pas répondu à son dernier message de la veille, elle devait certainement lui en vouloir.
Pourtant, quand Vanessa proposa à son amie de venir passer la voir chez elle, Emma accepta immédiatement. Deux heures plus tard, la jeune femme rousse sonna à la porte de Vanessa. Elle se jeta à son cou dès qu’elle la vit.
“Oh, sympa ta déco !” lança Emma en regardant les décorations de l’appartement. “Ton sapin est magnifique !”
“Merci Emma !”
Emma retira son manteau, son écharpe, son manteau et ses bottes et vint s’installer sur le canapé. Elle avait apporté des plats à emporter du chinois du coin.
“Bon, tu as des tonnes de choses à me raconter ! Je veux tout savoir !” s’exclama Emma en acceptant l’assiette de riz que lui tendait son amie.
Vanessa sourit. A Howard, elle n’avait raconté que les grandes lignes mais elle savait qu’elle ne pourrait pas passer au travers des filets de sa soeur et que celle-ci lui demanderait les moindres détails. Quand enfin, elle termina de raconter sa soirée et comment elle s’était terminée, elle releva la tête vers Emma avec attente.
“Wow !” fit-elle simplement.
“Quoi ?”
Vanessa s’alarma. Emma n’était jamais aussi peu loquace.
“Il semblerait que ma petite Vanessa soit tombée amoureuse du prince charmant !” dit son amie, d’un air entendu.
“Quoi ? Mais pas du tout ! Moi, amoureuse ? Et de quel prince charmant parles-tu ?”
Mais Vanessa sentit une goutte de sueur couler sur sa tempe.
“Ce Thomas Johnson ! Il a l’air sorti d’un vrai conte de fées ! Il est beau, il a l’air intelligent et de surcroît, il est extrêmement riche !”
Vanessa renifla avec ironie.
“Peut-être, mais il faut pas exagérer non plus !”
“Arrête, Vanessa ! Tu n’as pas arrêté de l'encenser ! Tu parles de lui avec une telle ferveur !”
“N’importe quoi ! Il ne m’intéresse pas !”
Emma haussa un sourcil et sourit.
“Tu es tellement de mauvaise foi !”
“Mais Emma ! Tu te rends compte de ce que tu dis ! Moi être amoureuse de Thomas Johnson… Mais… je… ne peux PAS tomber amoureuse de lui… c’est Thomas Johnson !”
“Et pourquoi ?”
“Parce qu’on n’est pas du même milieu ! Tu aurais dû voir la façon dont ses invités me regardaient après qu’on ait dansé ensemble ! S’ils avaient pu, ils auraient allumé un feu en plein milieu de la pièce et m’auraient jeté dedans ! Je n’ai pas pu supporter leurs regards haineux !”
“Mais tu t’en fiches de ça !”
“Tu n’étais pas là ! C’était horrible !”
Emma soupira mais reprit la parole.
“Et lui, qu’en pense-t-il ?” demanda-t-elle.
“Comment ça, ce qu’il en pense ? Comment veux-tu que je le sache ?”
“Mais James... “ elle fit une pause en prononçant le prénom de son ancien petit ami. “Il t’a dit qu’il recherchait des informations sur toi ?”
“Oui, mais c’est sûrement par curiosité, c’est tout !”
Sa meilleure amie la regarda d’un air qui en disait bien plus long que son silence.
Quand Vanessa sortit de son appartement le lundi matin, elle fut surprise de voir une berline noire garée à côté de chez elle. Elle n’y fit pas attention et décida de marcher comme elle avait l’habitude de le faire chaque matin pour aller aux bureaux de son magazine. Pourtant, quand elle avança d’une centaine de mètres, un regard sur la route lui confirma que la voiture la suivait. Vanessa hésita à aller frapper à la vitre de la fameuse voiture ou à continuer son chemin. Elle n’aimait pas qu’on la suive ainsi. Elle continua à marcher sans tenir compte de la berline. Cependant, quand elle tourna à droite, la voiture accéléra et se gara juste devant elle. La vitre arrière se baissa.
Vanessa fut surprise de voir Annabelle Merrytown lui souriant à pleines dents.
“Vanessa Bale, c’est bien ça ?” lui demanda la jeune femme.
“Euh oui…”
“Cela vous dit que je vous amène jusqu’à Fashion Love ?” l’interrogea-t-elle.
Vanessa ne lui demanda pas comment elle savait qui elle était, où elle habitait et où elle travaillait. Les personnes riches comme les Merrytown devaient certainement avoir leur réseau d’information. James ne lui avait-il pas dit que cette famille travaillait dans les médias ? Elle hésita. Devait-elle accepter son invitation ? En même temps, elle était curieuse de savoir de quoi voulait discuter Annabelle.
“Je ne vais pas vous manger !” dit cette dernière avec un sourire.
“Alors, d’accord !” répondit Vanessa en acceptant la proposition.
Le chauffeur sortit immédiatement de la berline et lui ouvrit une des portes de la banquette arrière. Vanessa s’assit dans la voiture luxueuse. L’intérieur sentait le cuir et le neuf. Elle ne se sentit pas à sa place brusquement. Elle mit sa ceinture et la voiture démarra. Elle leva les yeux vers Annabelle et lui lança un rapide sourire. Celle-ci avait continué à la regarder pendant tout ce temps, avec un grand sourire sur les lèvres.
“Comment me connaissez-vous ?” demanda Vanessa, voulant aller droit au but.
“J’ai fait mes propres recherches.” répondit Annabelle en la regardant de ses yeux perçants.
“Pourquoi ?”
“Car je m’intéresse à vous ! J’ai été surprise de vous voir au bal du manoir des Johnson ! Je ne vous avais jamais vu !”
Annabelle avait dit ces mots avec un air enjôleur. Bien sûr, elle savait pertinemment que Vanessa ne faisait pas partie de “leur” monde. Mais elle ne releva pas le sarcasme de ses paroles. Elle sentait qu'Annabelle Merrytown n’était pas une femme avec qui il fallait se frotter.
“En effet, je n’étais pas là pour le bal en tant que prétendante mais pour couvrir l’évènement pour le compte de Fashion Love.”
“C’est bien ce qui me semblait.” dit-elle d’un air satisfait.
Vanessa aima de moins en moins la jeune femme.
“Savez-vous que les Merrytown et les Johnson ont une histoire commune ?” reprit Annabelle d’un air innocent.
“Non, pas vraiment !”
“Hé bien, nous nous connaissons depuis des générations, et il se peut que nous ayons des ancêtres communs mais assez éloignés. Mais quand je parle d’histoire commune, ce n’est pas de cela que je souhaite parler. Nous avons les mêmes valeurs, la même éthique et la même façon de voir les choses ! Nous sommes fiers de ce que nous sommes, de ce que nous représentons dans la haute société ! Vous voyez, nous faisons partie d’une certaine… élite !”
Vanessa se renfrogna encore plus. Elle détestait écouter ce genre de paroles mais elle laissa Annabelle parler pressentant les conclusions de son discours.
“Nous ne nous mélangeons pas avec… “les autres”... nous aimons rester entre nous et nous préférons que cela reste ainsi. Thomas Johnson est à la tête d’une très grande fortune. Et le commun des mortels ne sait pas ce que c’est que de gérer une telle fortune. En avez-vous une idée, mademoiselle Bale ?”
Vanessa ne prit même pas la peine de lui répondre. Elle lui lança juste un regard noir.
“Non, vous ne savez pas, forcément !” sourit Annabelle Merrytown d’un air entendu. “Vanessa Bale, je vais être directe avec vous. Thomas Johnson a besoin d’une femme qui puisse l’épauler autant dans sa vie personnelle que professionnelle. Il ne peut pas se mêler avec une personne… commune…”
Annabelle la dévisagea d’un air plein de sous-entendus. Vanessa comprit qu’elle était la personne commune dont elle faisait référence. Elle la détesta encore plus.
“C’est pourquoi je souhaiterais que vous ne vous approchiez pas de Thomas Johnson.”
Annabelle avait dit ses mots d’un air calme, toujours avec ce sourire sur ses lèvres.
“Je préfère que les choses soient claires entre nous, si vous voyez ce que je veux dire.” termina-t-elle.
Elle regarda Vanessa d’un air intense. Mais cette fois, elle ne souriait plus. Vanessa éclata de rire brusquement, ce qui la choqua.
“Non, mais vous vous prenez pour qui ?” s’exclama-t-elle en se tournant carrément vers elle. “Nous ne nous connaissons pas et vous venez me dire qui je ne dois pas fréquenter ! Comment osez-vous ?”
Annabelle Merrytown bouillonnait intérieurement. Elle avait envie de défigurer cette parvenue.
“Je fais ce que je veux !” dit simplement Vanessa. “Et si j’ai envie de sortir avec Thomas Johnson, eh bien, je sortirai avec lui, peu importe ce que vous en pensez ! Maintenant, laissez-moi ici, je vais terminer le chemin à pied !”
La voiture s’arrêta immédiatement. Elle défit sa ceinture et s’apprêtait à sortir lorsque Annabelle lui retint le bras d’une poigne ferme.
“Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous venez de faire !”
Vanessa lui lança un regard de mépris, secoua son bras pour qu’elle la lâche et lui ferma la porte au nez.