Je sais bien que ton p'tit égo est au point zéro. T'avais besoin de faire le beau, le Zorro.
Allongée sur le lit, j’essaye d’ignorer les préparatifs de Vincent en feignant d’être absorbée par mon téléphone. En réalité, je n’en perds pas une miette. Cette chemise blanche qui fait ressortir sa peau dorée et ses cheveux sombres. Ce parfum que j'adore, Invictus, boisé et magnétique. Il est pressé. En retard peut-être. Une soirée entre policiers dont, évidemment, je ne me souvenais pas. Alors que j’ai passé la journée à l’appartement et que je n’avais qu’une hâte : qu’il rentre. Déception.
Je sais bien que notre duo à quelques défauts. Horizontaux et verticaux. J'le sais trop.
Clairement, notre communication n’est pas optimale. En outre, avec mes horaires impossibles, c'est compliqué de me tenir à jour. J’ai pourtant essayé de mettre en place un calendrier où chacun noterait son emploi du temps mais Vincent ne l’investit absolument pas. Comme tout ce qui concerne de près ou de loin la gestion du foyer au quotidien. Vaste chapitre qui me fait souvent grincer des dents. Et ce soir, je me retrouve le bec dans l’eau.
Une miss s'immisce subrepticement entre nous. Indices, prémices qui rendent fou.
A tous les coups, cette miss qui m'insupporte sera en plus invitée. Une de ses collègues dont je me méfie. Caroline. Toujours à minauder devant mon chéri. Sans arrêt à lui envoyer des messages. C’est évident qu’elle craque pour lui toutefois impossible de lui faire entendre raison. Lorsque j’évoque le sujet, il balaye mes soupçons. En général, j’ai même droit à un petit couplet sur la jalousie qu'il trouve tellement sexy chez moi. C'est vrai que je suis jalouse. Possessive. Vincent attire les regards. C'est indéniable. Surtout en uniforme. Et il en joue. Et ça me rend folle. Même s'il m'assure que je suis l'Unique.
Caprices d'artiste qui trahissent un genre de goût. J'dévisse, j'rap'tisse. Je suis à bout.
Il claque la porte et je me retrouve seule. Dépitée. L'âme en peine. Je risque de broyer du noir si je reste ici. Un plan qui ne me convainc qu'à moitié. J'envoie un message de détresse à mes amis. Heureusement, je n'ai pas à attendre très longtemps leur réponse. Un selfie festif avec ce qu'il faut de bières et de cocktails m'indique où les rejoindre. Un peu plus tard, je parcours donc la rue piétonne de Montorgueil. Cette artère animée, bordée de cafés et de restaurants à la réputation branchée. Dans la lumière des lampadaires, les passants déambulent sur les pavés. La douceur du printemps flotte dans l'air et les terrasses sont remplies. Je laisse mon regard dériver. Et soudain, je me fige. Comment est-ce possible ? Il est là. Vincent. Avec elle. En tête-à-tête.
La miss si mystérieuse, visse et me casse mon cou.
Pétrifiée, je n'arrive pas à saisir immédiatement la scène dans sa globalité. Comme si elle était morcelée. Chaque détail me heurte un à un. Au compte-gouttes. S'incrustant violemment sur ma rétine. Son rouge à lèvres tape-à-l'œil. Ses boucles d'oreilles créoles qui tanguent quand elle penche gracieusement la tête. Ses doigts qui frôlent les siens lorsqu'elle saisit son verre de vin. Sa gorge qui s'offre alors qu'un rire coule en cascade. Le sourire charmeur qu'il lui renvoie. Cette connivence qui me frappe en plein cœur. Sans que je n'en ai réellement conscience, je m'avance vers eux. Je me faufile entre les tables serrées en bousculant des clients. Le faux-jeton lève les yeux. Il a le bon goût de se décomposer en me reconnaissant.
— Madison ?
— Je dérange peut-être ?
Étonnamment, ma voix est calme. Pourtant, je suis à deux doigts de la crise de nerfs. La rage monte en moi comme un ouragan destructeur. J'ai envie de hurler. D'attraper cette bouteille de bordeaux pour la briser avec fracas. D'arracher ce chignon parfait. De faire un scandale. Vincent semble comprendre mon état d'esprit puisqu'il se lève précipitamment et me prend par le bras pour m'entraîner à l'écart. Après quelques mètres, je me dégage brutalement et j'attaque :
— Tu m'as menti !
— Je t'ai dit que je voyais des collègues, dément-il effrontément.
— Des collègues ! insisté-je.
— Fabien a décommandé au dernier moment, annonce-t-il calmement.
— Bien sûr ! Quel heureux hasard ! Comme c'est facile. Et tu n'as pas jugé bon de décommander à ton tour ? Plutôt que de passer du temps avec cette raclure qui n'attend qu'un signe de toi pour sauter dans ton lit !
Il se rapproche. Ses mains sont chaudes. Les miennes glacées.
— C'est juste une collègue.
T'es complice. Tu me dis pas tout. Éclipse bien triste.
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Notes d'auteur :
Une miss s'immisce de Exotica ici (paroles en italique)
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