Ce matin, la montagne gronde.
La fumée noire descend jusque dans la vallée, glissant paresseusement le long des flancs de pierre. Les cloches du village sonnent. On n'entend plus les oiseaux, dans la forêt. Même les aboiements des chiens se sont tus.
Suzana lisse nerveusement les plis dorés de la robe de cérémonie. La colère du dragon résonne jusque dans les murs de la petite cabane où elle est enfermée depuis hier soir. Bientôt, tout ne sera que cendres et flammes ; rasé, son village, et avec lui toute vie.
Il n'existe qu'un seul moyen de les sauver tous, racontent les anciens. Un cadeau pour apaiser le dieu de la montagne.
Elle a été choisie, déclarent les anciens entre leurs lèvres fripées.
Elle a été choisie, ils répètent en enduisant sa peau laiteuse d'huiles et de baumes au parfum entêtant.
Elle a été choisie, ils murmurent avec déférence en l'habillant de la plus fine soie, si rouge qu'elle croit voir le sang couler entre ses doigts.
Elle aurait voulu leur crier de prendre sa place, puisqu'ils l'envient si ardemment.
Mais à quoi bon ? Peu importent la colère et les larmes. Elle a été choisie.
Mais Suzana ne compte pas se laisser mourir sans rien faire. Il est temps ; avec précaution, elle soulève une planche du cabanon et extrait de la cache un fourreau ouvragé. La lame est aiguisée, elle le sait. Elle s’en est assurée.
Le katana disparait sous les plis de sa robe. Il est temps.
Le grondement sourd du dragon fait trembler le sol.
Il l’appelle.
Les anciens entrent, et avec eux résonnent les tambours. Suzana aurait du trembler de peur, comme toutes les autres. Les anciens prient, et elle aimerait qu’ils en finissent. La litanie est un supplice. Les anciens se lèvent, un par un, et la procession commence.
Aujourd’hui est jour de fête, car le dieu de la montagne sera enfin apaisé.
Elle ne sait plus si c’est son cœur ou le battement des tambours.
Aujourd’hui est jour de fête, et la foule est en liesse.
Elle discerne le visage de sa mère, aussi stoïque et immuable que la pierre. De son père, des larmes d’argent se perdant dans sa barbe si noire. Ils devraient être fiers. Leur enfant va épouser un dragon.
Les anciens avancent, un pas après l’autre, et son chemin est couvert des pétales des fleurs qu’ils répandent.
Le temps semble se dilater.
L’attente est interminable.
Enfin, la procession arrive au pied de la montagne. L’air n’est plus que fumée noire, soufre et encens. Les cloches du village sonnent une dernière fois, lointaines.
Enfin, le silence tombe.
Les anciens se sont tus.
Suzana disparait au creux de la montagne, et sa robe est derrière elle comme une trainée de sang. Son chemin est tracé par la lueur des torches. La lame si soigneusement dissimulée est dans sa main et brille de l’éclat des flammes. Elle n’a pas peur.
Aujourd’hui, Suzana tuera un dragon.
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Notes d'auteur :
Hola !
Les textes de ce calendrier sont inspirés d'un playlist aléatoire, dont le premier titre est Hells Bells de AC/DC. J'espère qu'il vous plaira !
Les textes de ce calendrier sont inspirés d'un playlist aléatoire, dont le premier titre est Hells Bells de AC/DC. J'espère qu'il vous plaira !
Note de fin de chapitre:
Merci d'avoir lu, et à demain pour la suite du calendrier !
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