Lien Facebook



En savoir plus sur cette bannière

- Taille du texte +

Pendant que Clerks et Mathias faisaient le gué de l’autre côté de la rue, Maïwenn se dirigea vers le Carlson Inn et passa discrètement par-dessus les rubans posés par la police. Sans perdre de temps, elle récupéra la cassette qui se trouvait toujours à l’arrière du vieux téléviseur. Puis, elle ramassa quelques-unes de ses affaires et retrouva les deux hommes.

— Où allons-nous maintenant jeunes gens ? demanda John.
— Nous ? Maïwenn et moi, retournons au bateau écouter l’enregistrement, vous, vous faites ce que vous voulez, rétorqua Mathias.
— Ah non mon bon garçon, je vous ai dit pas mal de choses, je fais partie du voyage, c’est donnant-donnant et non-négociable.
Mathias protesta encore avant d’admettre qu’ils n’avaient pas le choix. Ils retournèrent donc tous les trois à la marina. De nouveau assis autour de la table du salon, le suspens était à son comble lorsque Mathias appuya sur le bouton de lecture.

« Richard ? C’est Victor… Comment vas-tu ? »
« Bien et toi ? Que me vaut le plaisir de ton appel ? »
« Je vais entrer dans le vif du sujet…Je sais ce que tu as fait à ce pauvre homme »
« Je ne vois pas du tout de quoi tu parles, quel homme ? »
« Le comptable qui sortait avec Roselyne, l’assistante de Pierre »
« … »
« J’ai parlé à celui que tu as payé, il m’a tout raconté…Tu l’as engagé dans ton entreprise ensuite »
« Tu penses savoir beaucoup de choses mais as-tu des preuves pour m’accuser ainsi ? »
« Tu nies, donc ? Et si j’en parle au grand cercle ?»
« Que veux-tu à la fin ? »
« La vérité, Roselyne mérite bien cela. Et Pierre aussi »
« Ah tiens, Pierre ! Le fils prodigue, on y revient toujours. Je n’ai rien fait du tout au comptable. »
« Bien sûr. Tu vas devoir t’expliquer cette fois Richard, c’est très grave. »
« Arrête tes menaces immédiatement »
« Et puis, quel courage. Tous les documents sont signés de la main de ta femme »
« Comment ? Revois tes sources, Rose n’a jamais signé de documents sans mon accord. Laisse ma famille tranquille, car à partir de maintenant tu n’en fais plus partie. »

La cassette se finissait ainsi. Aucun aveu ni aucune preuve contre Richard ne ressortait clairement.
— Et bien. N’est pas enquêteur qui veut. Comment peut-on être chef de branche et si peu subtile dans un cas pareil ? s’indigna Clerks.
— C’était son frère, le défendit Maïwenn, il s’est laissé emporter par ses sentiments.
— Ouais grossière erreur. Du coup, nous n’avons rien, conclut Mathias.
— Tu devrais lire ça
Mathias se saisit alors de l’enveloppe que lui tendait Maïwenn. Il s’agissait des informations amassées par Victor et une lettre écrite de sa main à destination de Pierre que le Guide lu à haute voix :

Mon cher frère,
C’est la boule au ventre que je t’écris cette lettre. Lors de notre dernière conversation téléphonique je t’ai fait part de mes inquiétudes quant à ma sécurité et celle de ma famille mais sans t’en donner la raison. Je préfère te l’écrire afin que tu puisses conserver une preuve de ce que je vais t’annoncer. On me suit depuis quelque temps, j’en suis persuadé et ce depuis le jour où j’ai voulu confronter notre frère à son effroyable geste.
En effet, j’ai découvert que la mort de ce comptable, l’ami de ton assistante de l’époque, n’était pas naturelle mais qu’on l’avait empoisonné. L’homme qui l’a exécuté s’est vu offrir un poste dans l’entreprise de Richard, comme tu pourras le constater dans les documents ci-joints.
Je n’ai aucune idée du pourquoi de ce meurtre, détournement de fond j’imagine, mais lorsque j’ai voulu en discuter avec Richard, il n’a rien voulu savoir. Je le soupçonne maintenant de vouloir m’éliminer afin de camoufler son acte. Bien sûr, je pourrais prévenir le grand cercle, mais les informations que j’ai en ma possession, et que je te transmets avec cette lettre, sont trop minces pour affirmer quoi que ce soit. Je crois me souvenir que l’une de tes amies est une devineresse, peut être pourrait-elle nous aider ?
Cependant s’il devait m’arriver malheur, je compte sur toi mon petit frère pour faire la lumière sur cette sombre histoire.

Affectueusement
Victor

Une copie d’un contrat de travail et la retranscription de la conversation qu’avait eue John avec le fils du meurtrier accompagnaient la lettre.
— Effectivement, c’est léger, mais c’est un début, concéda Mathias.
— Dans sa lettre, Victor demande à son frère si son amie « Devineresse » peut les aider. Je n’avais pas fait le lien, mais, il y a quelques mois, Pierre est allé en Polynésie rendre visite à une vieille amie, dit John d’un ton enthousiaste. Avec un peu de chance, c’est la même. Pourquoi un si long voyage sinon.
— mais comment savez-vous tout cela ? s’indigna Maïwenn.
— Que voulez-vous c’est en étudiant à fond mes sujets…
— En épiant plutôt… le coupa Mathias
— En étudiant, insista Clerks, que je connaîtrai le plus de choses sur les Guides.
— Richard avait laissé un message sur le répondeur de Pierre lui disant qu’il avait vu une certaine… Noelyse je crois. Ils ont peut-être vu la même personne, pointa la jeune femme.
— Et cette personne sait peut-être des choses au sujet du meurtre. La devineresse comme il l’appelle, surenchéri Mathias.
— Une devineresse, de mieux en mieux, ironisa Maïwenn.
— Noelyse ? Pas très courant, dit l’historien tout en sortant des documents de sa sacoche avant de poursuivre. Je crois avoir déjà vu ce prénom au cours de mes recherches.
— mais vous êtes quel genre d’historien au juste ? Vous travaillez pour une université ?
— Non, plus maintenant. Je me consacre aux Guides et à mes livres.
— Vous vous trimbalez toujours avec tout ça ? s’étonna Mathias.
— On a déjà cambriolé ma maison, je préfère effectivement avoir l’essentiel sur moi. L’interrogatoire est fini ?
Il tourna rapidement les pages de ses cahiers à la recherche de l’information.
— Tiens voilà. Je n’ai pas grand-chose à son sujet : elle voit les évènements passés, présents ou futurs.
— Elle est devineresse donc, s’amusa Maïwenn.
— C’est bien cela, répondit Clerks sans relever l’ironie, Noelyse ferait partie d’une grande famille de Guides qui sera, je pense, à la réunion sur l’île de Till.
— Vous êtes aussi au courant pour la réunion ? demanda Mathias un brin énervé.
— Disons que tout le monde ne tient pas autant sa langue que vous, répondit l’homme, très satisfait de lui-même.
Ils ne leur restaient plus que quelques jours pour retrouver Pierre ou Noelyse avant que n’ai lieu la conférence de presse puis la réunion du cercle.

Les documents en leur possession ne disculpaient pas Pierre mais prouvaient en revanche que Richard était mêlé de près ou de loin à un meurtre. Ils ne pouvaient ignorer ces informations et encore moins les garder pour eux. Aussi, le soutien de Noelyse serait le bienvenu tout comme celui de la mère de Mathias mais cette dernière vouait une haine sans limite à Pierre. Il avait longtemps été son mentor mais le meurtre du comptable les avait éloignés. Elle était persuadée que son ancien patron avait fait assassiner son compagnon pour masquer des problèmes d’argent.

Clerks leur proposa alors d’aller chez lui pour scanner les documents et les envoyer par mail à Roselyne afin de la convaincre de les aider. L’opération était risquée, car si elle en parlait à Richard, ils perdraient leur effet de surprise et lui, aurait le temps de préparer sa défense. Cependant, ils devaient tenter le tout pour le tout.
La maison de Clerks, située dans un petit village au cœur de la New Forest, était délabrée. Sans parler du jardin en friche qui n’avait pas dû voir de tondeuse depuis des mois.

Malgré la clé introduite dans la serrure, la porte d’entrée resta bloquée. L’historien, embarrassé par cette situation, lui donna un coup d’épaule pour qu’elle s’ouvre et se justifia aussitôt de cet accueil surprenant :
— Comme je vous l’ai dit, ma maison a été visitée et depuis la porte d’entrée reste coincée. Il faut vraiment que je m’en occupe, mais avec tous mes voyages, je n’ai pas eu le temps.

Désormais légèrement paranoïaque, il vivait quasiment dans le noir. Seule la cuisine, qui donnait sur une véranda, permettait à la lumière d’entrer. John alluma le plafonnier, laissant ainsi ses invités découvrir un peu plus son intérieur dans lequel de nombreuses reliques égyptiennes, probablement fausses, ornaient des meubles sculptés. La seule trace de modernité dans cette pièce était l’ordinateur portable posé dans un coin et recouvert de plusieurs livres anciens empilés les uns sur les autres.

John invita les jeunes gens à s’asseoir sur le canapé après l’avoir épousseté. Il les laissa ensuite seuls quelques minutes, le temps d’aller chercher une imprimante scanner qu’il posa sur la table basse devant eux. Dans ce décor, Maïwenn et Mathias étaient très mal à l’aise. John semblait être une personne solitaire. Était-il réellement fiable ? Il se disait historien mais semblait sur au chômage et obsédé par les Guides.
— Je sais ce que vous vous dîtes, la bibliothèque devant la fenêtre, qui est cet énergumène ? mais rassurez-vous, je ne suis pas fou… Juste un peu trop prudent, je l’avoue. Depuis que Victor est décédé, je suis méfiant.
Tout en disant cela, il déroula une longue rallonge afin de brancher l’imprimante et alluma l’ordinateur.
— En guise de bonne foi, je vous laisse regarder tout ce que j’ai récolté ces dernières années. Donnez-moi une minute, dit-il en quittant la pièce.
L’homme revint quelques instants plus tard, un carton dans les bras.
— Je ne laisse rien dans mon ordinateur sans avoir d’écrits… Trop risqué.
Vous devez vous connecter (vous enregistrer) pour laisser un commentaire.