Dix heures du matin, le soleil brillait et se reflétait dans l’eau du port où des nuées d’oiseaux recherchaient les miettes laissées par des plaisanciers. Une légère brise faisait tinter les mats des bateaux et, assis là sur le bois chaud de ce magnifique voilier, Mathias réussit presque à oublier les ennuis dans lesquels il s’était fourré jusqu’à ce que son téléphone sonne.
— Et ben, vous êtes dur à joindre Monsieur Omnès, s’exclama Philippe lorsque Mathias décrocha.
— Ouais, quelques petits soucis, rien de grave. Alors, le verdict ?
— C’est officiel, Maïwenn est bien la petite fille de Pierre.
—Ah…D’un côté, tant mieux, ça peut expliquer ses capacités mais de l’autre ça la met davantage en danger.
— C’est vrai. Je vais faire d’autres tests et j’attends les résultats des comprimés que tu m’as donné l’autre jour. Je te tiens au courant.
— Merci. À bientôt Philippe.
Lorsqu’il regagna la cabine, Maïwenn sortait de la douche et se trouvait dans le salon. Vêtue de jeans et d’un t-shirt, ses cheveux encore humides collaient à la peau de ses bras nus.
— Que se passe-t-il encore ? demanda-t-elle en voyant le visage fermé de Mathias.
— C’est officiel. Tu es la petite fille de Pierre.
— J’imagine que ça n’arrange pas nos affaires.
— C’est peu dire. Tant que Pierre n’est pas disculpé, cela te mets en danger mais cela explique pourquoi tu m’éjectes de tes rêves. Probablement une capacité de ton côté Guide, conclut-il enfin.
— Oui ça me servira pour m’évader par l’esprit quand je serai en prison pour meurtre, rétorqua Maïwenn avec moins de légèreté. Je n’arrive pas à croire qu’on m’ait caché la vérité tout ce temps. Victor était-il en bas de chez moi par hasard ?
Mathias s’approcha d’elle et posa ses mains sur ses épaules :
— Écoute, pour le moment nous devons nous concentrer sur notre mission : innocenter Pierre.
— Et mon père.
— Et ton père bien sûr. Tiens, j’y pense, tu devrais arrêter de prendre tes médicaments. Tu sais maintenant que tu n’es pas folle.
— Je ne sais pas, je n’ai pas le droit de les arrêter brutalement, cela peut être dangereux je crois. Il faudrait que je demande à Trubard.
Mathias fronça les sourcils.
— Allez, essaye au moins de diminuer la dose progressivement alors, négocia le jeune homme.
— J’interromps quelque chose peut être ?
La voix venait de l’extérieur, juste à l’entrée de la cabine. Mathias se retourna rapidement et recula Maïwenn de son bras pour la placer derrière lui. Un homme, avec une épaisse touffe de cheveux ébouriffée, se tenait devant eux.
— Je ne voulais pas vous faire peur, continua-t-il, tout en entrant.
Il était vêtu d’un pantalon de costume sombre et d’un pull léger gris souris dont le col en V laissait apparaître une chemise blanche. Il avait sous le bras un blaser bleu marine et dans sa main, une vieille sacoche en cuir. Il posa ses affaires sur la table du salon et s’installa tranquillement sur un siège.
Un fan de Columbo celui-là, se dit d’emblée Maïwenn.
— mais allez-y, je vous en prie, faites comme chez vous ! lui lança Mathias.
— Désolé pour mon irruption dans vos… Petites affaires jeune homme, mais il y a plus urgent pour le moment.
— Tout d’abord, qui êtes-vous ? demanda Maïwenn, offusquée par ce manque de politesse.
— Ah oui pardon. Je m’appelle John…John Clerks. Je suis historien.
— Et vous nous voulez quoi John Clerks, historien ?
— Je veux la vérité, c’est tout, Monsieur Omnès.
— Comment connaissez-vous mon nom ? demanda l’intéressé en l’attrapant l’intrus par le col.
— On se calme Mathias. Je le sais, tout comme je sais que vous avez de gros ennuis, rétorqua Clerks, regardez dans ma sacoche.
Maïwenn s’exécuta et sortit un journal français. Sur la première page on pouvait lire : « Meurtre de Victor Godest, l’entreprise dans la tourmente et des suspects introuvables » le tout accompagné des photos de Pierre et Maïwenn.
— Oh c’est pas vrai ! lâcha la jeune femme.
— Il va falloir être plus discret, maintenant que tu es recherchée. Encore que comme tu n’es pas très photogénique on a peut-être une chance, railla Mathias en regardant la une.
— Ce n’est pas drôle.
— Je suis d’accord avec elle, acquiesça Clerks, toujours aux mains du Guide.
— mais attendez voir une minute ! Ce livre est de vous ? lui demanda Maïwenn en montrant un ouvrage trouvé dans la sacoche.
— Oui, j’en suis l’auteur.
— Lâche le Mathias.
— Non, je ne crois pas, il ne m’inspire pas confiance, il semble fourbe, argumenta l’intéressé.
— S’il te plait, insista Maïwenn.
Pour avoir la paix, Mathias finit par obtempérer, non sans bousculer Clerks une dernière fois.
— Ma voisine m’a conseillé de vous lire, expliqua alors la jeune femme.
— Je suis content d’avoir des fans en France ! s’enorgueilli John.
— Je n’irais pas jusque-là, corrigea la jeune femme. Vous connaissez les Guide mais en quoi pouvez-vous nous aider ?
— Comme vous devez déjà le savoir, mon père s’est fait harcelé par un Guide pendant la guerre. C’est ce qui m’a conduit à faire des recherches poussées, mais ceci m’a aussi apporté de nombreux ennuis. Vos congénères, Mathias, ne voient pas d’un bon œil que j’enquête sur eux. Il y a plusieurs années de cela, j’ai été contacté par Victor Godest. Il était au courant de mes recherches. Il voulait des informations sur une mort qu’il jugeait suspecte.
— Une mort ? s’inquiéta Maïwenn
— Oui, il m’a promis toutes les informations en sa possession si je découvrais ce qui était arrivé à un comptable, mort il y a des années. Il m’a dit qu’on avait conclu à l’époque à une crise cardiaque mais qu’il soupçonnait autre chose.
Mathias devint crispé. Il avait déjà entendu parler de cette histoire et n’avait pas envie qu’elle remonte à la surface.
— Et en quoi cela peut nous aider ? dit-il sèchement.
— J’ai appris beaucoup de choses sur les Guides. J’ai transmis ces informations à Victor peu de temps avant qu’il ne meurt. Je pense avoir trouvé l’identité de l’assassin de ce comptable. Malheureusement toutes les personnes que j’ai interrogées se sont rétractées par la suite... Etrange non ?
— Qui était cet homme ? Qu’avait-il de si important ? interrogea Maïwenn.
— Et bien, il était comptable dans une entreprise que possédaient les frères Godest avant que Richard n’en devienne le seul propriétaire. Victor soupçonnait des falsifications de comptes et des détournements.
— Cela ne nous explique en rien comment vous nous avez trouvé, le coupa sèchement Mathias.
L’enquêteur voulait absolument changer de sujet pour ne pas faire face aux informations qu’avait Clerks et Maïwenn commençait à le remarquer.
— C’est simple, je vis dans la région et quand j’ai appris pour « l’accident » de Monsieur Donwell, je me suis dit que ça valait le coup de venir faire un tour… J’ai eu raison.
— Et pourquoi devrions-nous vous croire sur parole ? rebondit la jeune femme.
— Parce que vous êtes dans de sales draps et je pense être le seul à pouvoir et surtout à vouloir éclairer votre lanterne, sourit l’homme.
— Dans ce cas, nous vous écoutons Monsieur Clerks, dit Maïwenn en lui faisant signe de se rasseoir à la table.
L’homme sembla soulagé. Il s’exécuta puis il commença son récit :
— Pour les besoins de mon enquête, je suis allé en Bretagne. J’ai fouillé dans le passé de l’époque et retrouvé le fils d’une petite frappe de Quimper. Pas très malin, après quelques verres, ce dernier m’a parlé de son père qui se vantait souvent d’avoir commis le meurtre parfait pour le compte de bourgeois qui vivaient à l’étranger. Après quelques recherches, il s’est avéré que son père avait reçu une forte somme d’argent et surtout un emploi de conducteur de camion dans une société de la région, la TFG.
— La TFG ? Est-ce que ce nom doit nous évoquer quelque chose ? demanda Maïwenn.
— Mathias, cela vous évoque-t-il quelque chose ? sourit l’historien.
— Transport de France Godest, une des sociétés de Richard, répondit l’intéressé.
— Tu déconnes. Richard l’aurait payé pour tuer cet homme ?
— Tout le monde a cru à une crise cardiaque alors que, toujours d’après ce que m’a raconté son fils, l’homme aurait sympathisé avec sa cible. Profitant d’une soirée arrosée, il lui aurait mis du poison, à l’époque indétectable, dans son verre.
— Mais je suppose que vous n’avez aucune preuve de cela, minimisa Mathias.
— Pas directement, mais j’ai réussi à me procurer le contrat d’embauche et lorsque j’ai fait part de mes découvertes à Victor, il a semblé très intéressé.
— Alors pourquoi n’en a-t-il jamais parlé ? dit Maïwenn.
— Parce qu’il est mort avant de le pouvoir, répondit John.
— Etes-vous en train d’insinuer que Richard aurait fait éliminer son propre frère ? demanda Mathias.
— Tout ce que je sais, c’est que Victor voulait appeler son frère et le faire avouer pour pouvoir l’enregistrer. Malheureusement, je n’ai jamais su s’il avait réussi.
Les deux jeunes gens se regardèrent à nouveau.
— Mathias, tu penses à la même chose que moi ?
— Bien sûr, la cassette qu’on a trouvée dans le coffre de Pierre, dit-il en se levant.
— Vous avez une cassette ? Qui a-t-il dessus ? s’empressa de demander Clerks.
— Nous n’avons pas pu l’écouter encore, lui répondit Maïwenn.
— Nous devons absolument récupérer la cassette. Nous n’avons pas non plus eu le temps de lire les documents trouvés chez Pierre, ajouta Mathias en se levant.
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Notes d'auteur :
Ce chapitre revient de loin puisque cela fait un moment que je n'ai pas posté! En tout cas, j'espère que vous allez tous bien (vos proches aussi) et que vous allez passer un bon moment à lire ce texte!
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