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Notes d'auteur :
Attention, ici Maïwenn n'a pas fini d'en voir de toutes les couleurs! ah ah ah!!
Tout était flou, Maïwenn avait de la brume dans les yeux et son corps était lourd. Elle avait aussi du mal à soulever sa tête, alors elle préféra la laisser tomber en avant. De toute façon, son visage était caché par ses cheveux qu’elle sentait gras et flasques. Peu à peu, elle reprit conscience de ses membres et réalisa qu’elle était assise, mais attachée par ce qui semblait être des sangles à chacune de ses extrémités. Elle tenta péniblement de s’en extraire, peine perdue. C’est alors qu’une voix se manifesta en face d’elle, il est vrai qu’elle avait vaguement repéré une silhouette, mais tout lui paraissait tellement lumineux. Puis l’obscurité à nouveau, elle perdit connaissance.

— Mademoiselle Deniel, mademoiselle Deniel.
Un flash de lumière la ramena à elle, mais il fallut plusieurs minutes pour que ses yeux fassent le point. Cette fois-ci, c’était la bonne. Même un peu engourdie, elle distinguait ce qui se trouvait dans la pièce ou plutôt, celui qui la fixait. Un homme, la cinquantaine, était assis en face d’elle. Il portait une blouse blanche et dans ses mains, tenait un calepin sur lequel il inscrivait scrupuleusement chacun de ses mouvements. Elle tenta de bouger mais une fois encore, sentit de larges liens l’en empêcher. C’est alors qu’elle réalisa être à demi-nue sous une tunique identique à celles des hôpitaux et ses pieds, déchaussés, commençaient à être glacés. Par réflexe, elle se tordit sur sa chaise pour cacher son corps et elle remarqua à ce moment-là deux armoires à glace prêtes à lui sauter dessus.
— On se calme mademoiselle Deniel, tout va bien, dit l’homme tout en faisant signe à ses gardes de ne pas bouger.
Eux aussi avaient des tenues médicales, mais l’esprit de la jeune fille refusait de réfléchir davantage et ne faisait que remarquer ce qui l’entourait.
— Savez-vous où vous vous trouvez ? Les sédatifs font encore trop d’effet, déclara l’homme en se levant, laissons-la, je reviendrai dans une heure, finit-il.

Elle se retrouva alors seule dans cette pièce lumineuse et pourtant très froide, elle avait si froid et peur aussi. Que faisait-elle ici ? Pourquoi était-elle attachée ? Qui étaient ces hommes ?
Ça y est, j’émerge, réalisa-t-elle.
À peine eut-elle fait ce constat que la porte s’ouvrit. C’était à nouveau l’homme et ses gardes. Une heure s’était écoulée déjà sans qu’elle s’en rende compte. Soudain, des flashs lui vinrent en tête : l’enlèvement, la lune, le salon, Lukian… Puis le noir.
— Des souvenirs mademoiselle Deniel ? Vous souvenez-vous de quelque chose ? insista l’homme en blouse blanche.
Elle aurait aimé répondre, mais sa gorge était trop sèche et ses lèvres meurtries pour dire quoi que ce soit. L’un des gardes lui apporta alors un gobelet d’eau qu’il lui tendit.
— Tiens. Prends-le, lui aboya-t-il dessus.
Devant la mine abasourdie de la jeune fille qui remua les poignets pour lui rappeler ses entraves, il grommela et approcha le verre de sa bouche.
— Oups, laissa-t-il échapper lorsqu’il déversa le contenu du verre sur son menton plutôt que dans sa gorge.
— M’enfin, que faites-vous ? s’emporta l’homme en blanc, laissez-moi faire et sortez si c’est cela, ordonna-t-il.
Le garde regarda la jeune femme avec mépris et fit un rictus satisfait à son collègue qui hocha la tête comme pour marquer son respect puis il claqua la porte.
Maïwenn regarda celui qui venait d’intervenir en sa faveur pendant que l’eau gouttait de son menton pour tremper sa tunique d’hôpital. Il prit une serviette en papier, posée sur une table au fond de la pièce et l’essuya. Il resta ensuite la fixer un instant avant de la détacher et de se rasseoir en face d’elle.
— Je ne pense pas qu’à l’heure actuelle vous soyez dangereuse.
Elle se frotta les poignets et remit un peu d’ordre dans ses cheveux, généralement ondulés, mais à présent en bataille.
— Mademoiselle Deniel, Maïwenn, savez-vous où vous êtes ? demanda-t-il encore une fois.
— Non, articula difficilement sa patiente.
— Vous êtes dans une clinique psychiatrique de haute sécurité. Savez-vous pourquoi ? Ou bien, qui je suis ?
— Non, souffla-t-elle.
— Je suis le docteur Lenoir, je vous suis depuis votre arrivée, il y a treize mois.
— Treize mois ? répéta Maïwenn.
— Nous avons dû vous mettre à l’isolement et vous sédater pendant de nombreux mois mais la mémoire va vous revenir petit à petit.
— Si vous le dites, rétorqua l’intéressée qui reprenait doucement un débit de paroles normal.
— Faites un effort. Quel est votre dernier souvenir ? insista le docteur.
Maïwenn sembla figée. Elle se concentrait sur les images qui lui venaient en tête.
— Je crois me rappeler d’un hôtel, enfin d’un pub. Pourquoi suis-je ici ?
— C’est ici que l’on place les gens dangereux.
— Je ne suis pas dangereuse.
— Vous avez été jugé comme tel par le tribunal.
— Le tribunal ?
— Vous avez été jugé coupable de meurtre.
— de…
— Vous ne vous rappelez pas avoir tué Pierre Godest ?
— Je ne vous crois pas.
— Vous et certains membres de votre organisation l’avez tué.
— Ca ne peut pas être vrai. Je ne fais partie d’aucune organisation.
— Vous niez faire partie d’un groupuscule se faisant appeler « Les Guides » ?
— Comment, comment connaissez-vous ce nom ? balbutia la jeune femme.
Le docteur Lenoir se leva, marcha jusqu’à la petite table au fond de la pièce et revint vers elle avec un journal qu’il lui tendit.
— Page deux, précise-t-il sans plus de détails.
Maïwenn l’ouvrit et constata avec stupeur qu’une photo d’elle illustrait un article portant sur le meurtre de Pierre Godest pendant la présentation du Visio- nerf. Elle avait été interpellée sur les lieux en compagnie d’un jeune Anglais, Liam Donwell prétendant être un Guide capable de contrôler les rêves d’autrui. Lors de leur procès, on les avait accusés d’être membres d’un mouvement à tendance sectaire, dont le leader, vu aussi sur les lieux, avait réussi à s’enfuir.
Les grands yeux verts de la jeune femme s’obscurcissaient à mesure qu’ils parcouraient les lignes de l’article.
— Parlez-moi de Mathias, votre chef, reprit le médecin.
Maïwenn le regarda, stupéfaite. Comment le connaissait-il.
— En treize mois, nous avons eu le temps de parler de lui… Même si vous ne vous en souvenez plus. Et Liam en parle aussi. Il le décrit comme votre chef et affirme avoir des pouvoirs… Magiques, finit-il en se raclant la gorge.
La jeune femme restait silencieuse, ne sachant pas s’il fallait coopérer ou non.
— Ce sont eux qui se sont baptisés « Les Guides », n’est-ce pas ? interrogea Lenoir.
— Ils ne se font pas appeler comme cela, se sont des Guides, voilà tout.
Lenoir remua sur sa chaise, satisfait qu’elle lui parle enfin d’eux.
— D’après Liam, les Guides peuvent entrer dans les rêves d’autrui et influencer nos pensées. C’est ce qu’a fait Mathias Omnès, il a influencé vos pensées ? reprit-il.
— Pas du tout. Enfin, il est entré dans mes rêves avant que nous nous rencontrions vraiment, mais il ne m’a jamais influencé. Nous sommes équipiers maintenant.
— Je vois, rétorqua Lenoir en notant quelque chose sur son calepin.
— Vous voyez quoi ? s’emporta Maïwenn, vous croyez que je mens, que je suis folle ?
— Équipiers… Et amants, lança son interlocuteur.
— Pas du tout ! s’offusqua la jeune femme.
— Bien sûr, calmez-vous. Donc si je récapitule, votre équipier est un Guide qui peut entrer dans les rêves des gens et les influencer. Vous, vous avez tué un homme et vous vous êtes fait prendre pendant que lui a disparu. Et vous lui faites toujours confiance ?
— Je sais ce que vous pensez, rétorqua Maïwenn.
— Vraiment ? Vous croyez pouvoir lire dans mes pensées ?
— Quoi ? Pas du tout. Je suppose juste que vous vous dites que je me suis fait embrigader par des illuminés qui m’ont lavé le cerveau.
— Et c’est faux d’après vous ?
— Évidemment. J’ai vu ce dont les Guides étaient capables et ça n’a rien à voir avec les agissements d’une secte. Mais vous ne me croyez pas.
— Peu importe. Ce qui compte, c’est ce que vous croyez. Et Pierre Godest dans tout cela ?
— Je ne vois pas de quoi vous parlez. Je n’ai tué personne.
À ces mots, le docteur baissa la tête tout en la secouant et continua de prendre des notes.
— Vous me prenez pour une folle.
— Mathias est le chef de votre équipe, c’est lui qui donne les ordres, n’est-ce-pas ? enchaina Lenoir sans relever ce que venait de dire sa patiente.
— Non pas du tout.
—Vous aviez bien un chef, celui qui vous a dit quoi faire, où aller, pourquoi ? Aidez-moi à vous aider. Quelle est votre idéologie ?
— Je n’en ai pas, combien de fois faudra-t-il que je vous le dise ?
— Bien. Vous maintenez ne pas vous souvenir de comment vous êtes arrivé à cette présentation ni ce qui vous a mené à tuer Pierre Godest ?
— Je ne sais pas de quoi vous parlez, c’est une erreur, murmura la jeune femme.
L’homme paru très contrarié, remonté même. Il cessa d’écrire, se leva sans un regard pour sa patiente et quitta la pièce.
Après quelques minutes de solitude, les lumières de la pièce s’éteignirent sur Maïwenn. Elle eue beau appeler, personne ne vint et elle finit par s’endormir là, sur sa chaise, dans le froid.

Une lumière vive la réveilla sans qu’elle ait la notion du temps qui s’était écoulé. Un bruit de clé se fit entendre puis le docteur Lenoir apparut dans l’encadrement de la porte avec un plateau de nourriture à la main.
— Bonjour, lança Maïwenn.
Le médecin ne répondit rien et posa le plateau sur la table du fond.
— Pourquoi êtes-vous allé dans une banque de Southampton ?
La jeune femme était fatiguée tant physiquement que psychologiquement et ne put répondre.
— Qu’avez-vous prit dans la salle des coffres ? la pressa-t-il en se positionnant derrière elle.
— Je…
— Oui ? L’adresse où se cache Pierre, c’est ça ?
L’esprit de Maïwenn était encore embrumé.
— Des documents peut-être ? Qui disaient quoi ? incriminaient qui ? répondez ! s’énerva le médecin.
— Vous venez d’employer le présent, souffla la jeune femme.
— Quoi ?
— Vous venez d’employer le présent : « L’adresse où se cache Pierre », vous auriez dû dire l’adresse où se cachait Pierre.
Le médecin se plaça en face d’elle et sembla réfléchir pendant que Maïwenn fixait le néon au-dessus d’elle.
— Il vacille, finit-elle par dire.
L’homme expira alors fortement et gifla Maïwenn qui tomba à terre.
— Ca suffit, dis-moi ce que tu as pris à la banque et où se trouve Pierre, intima-t-il.
Le sol se mit alors à trembler pendant quelques secondes. Puis, il y eu un bruit de déchirement et une fissure se forma sur le mur derrière le médecin jusqu’à devenir un trou duquel surgit la femme polynésienne qui était déjà apparue dans les rêves de Maïwenn.
— Laisse-la tranquille, elle est sous ma protection, dit-elle.
Le médecin Lenoir n’était qu’une illusion crée par Kenneth. C’est lui qui faisait maintenant fasse à la Polynésienne.
— Qu'a-t-elle de si particulier pour que tu interviennes ? demanda l'homme.
— Tu le sauras bien assez tôt. Réglons nos petits différents maintenant, à moins que tu n'aies peur de m'affronter, poursuivit-elle.
— Peur de toi, Noelyse ? Oui, réglons cela tout de suite. Je m'occuperais de ta protégée quand j'en aurais fini avec toi.

Maïwenn fut alors aspirée en avant par la déchirure. La rapidité de l'action fut telle qu'elle eut le souffle coupé. Elle reprit conscience dans le salon où Kenneth gisait à ses pieds, comme mort. Elle tenta de se lever et de s'échapper mais Julie l’en empêcha. Cette dernière l'attrapa par le bras et la jeta à terre.
— Que lui as-tu fait, hein ? Nous savons tous que c'est toi et tu vas payer ! lui cria-t-elle.
Maïwenn, étourdie, ne put rien répondre et la blonde excédée, ordonna aux gardes de s'emparer d'elle, laissant Kenneth au bon soin d'Agathe.
— Amenez-la dans la salle de bains, nous allons l'aider à se réveiller, ordonna Julie.
Très obéissants, les trois hommes traînèrent Maïwenn dans la salle de bains jusqu’à ce que leur nouvelle maîtresse leur fasse signe d'attendre. La blonde prit alors le temps de remplir la baignoire et ceci fait, ses hommes plongèrent la tête de Maïwenn dedans.
— Ça va peut-être lui rafraîchir les idées ! jubila-t-elle.
L'un des hommes remonta la prisonnière à la surface pour qu'elle reprenne sa respiration, puis la plongea à nouveau. Ces quelques secondes d'air ne lui avaient pas suffi, Maïwenn tenta de se dégager. C'est alors qu'elle sentit qu’on lui immobilisait les jambes, pour éviter qu'elle ne se débatte.
Sous l'eau, les bruits venant de la surface étaient comme étouffés pour laisser place aux seuls battements de son cœur qui ralentissaient peu à peu.
Elle allait perdre connaissance lorsqu'on la ramena une nouvelle fois hors de l'eau. Julie la regarda alors avec de la haine plein les yeux, mais aussi du plaisir à la voir souffrir.
— Tu es disposée à nous dire ce que tu lui as fait et comment l'en sortir maintenant ?
Maïwenn, reprit son souffle à plusieurs reprises et Julie perdit patience.
— Réponds ou je te noie de mes propres mains ! dit-elle en la saisissant par le col.
Sa tortionnaire, qui semblait aimer particulièrement son nouveau rôle, poussa l'homme qui lui tenait toujours la tête pour prendre sa place et la plongea violemment de nouveau dans l'eau.
Lukian entra alors dans la salle de bains. Lorsqu'il vu les mains de sa sœur sur la tête de Maïwenn, il se précipita sur elle pour la raisonner avec une telle fougue que les gardes ne purent le stopper. Il attrapa Julie par le bras et l'attira vers lui, permettant ainsi à Maïwenn de sortir la tête de l'eau.
— Tu es folle ou quoi ?! Tu veux la tuer, c'est ça ? hurla-t-il.
— Non, je ne vais pas la tuer, je veux juste lui faire peur pour qu'elle parle.
Voyant son frère en colère, elle décida de changer d'attitude. Depuis toute petite, elle savait comment se comporter pour attendrir son entourage, mais malgré ses efforts, Lukian ne semblait pas se calmer cette fois-ci.
— Tu te rends compte de ce que tu es en train de faire ? Et pourquoi ? Pour obtenir des informations pour grand-père ? Il n'en a jamais eu rien à foutre de nous et tu le sais bien.
—Bien sûr que je le sais, mais je veux qu'elle nous dise comment sauver Kenneth. Tu as vu ce qu'elle lui a fait ?
— Sauver Kenneth ? Cet homme est complètement barje. Il me donne la chair de poule. Tant mieux s'il est dans les vapes, qu'il y reste ! continua Lukian.
— C'est ce que tu penses de lui ? Et bien, sache que c'est la première fois que je rencontre quelqu'un comme moi, hurla sa sœur, hystérique.
Lukian resta stupéfait. Il savait qu'elle pouvait être cruelle, mais de là à s'identifier à Kenneth.
— Et oui, moi aussi je suis barje comme tu dis et je veux le sauver pour qu’il m'apprenne ce qu'il sait. Maintenant, laisse-moi en finir avec elle.
— Je ne vais pas rester là sans rien faire pendant que tu tortures cette pauvre fille. Je crois qu'on a tous dépassé les bornes ce soir.
— Je n'ai rien fait à Kenneth.
Maïwenn avait l'esprit un peu plus clair et voyait en Lukian l'opportunité de gagner du temps avant qu'ils ne décident de l'achever. En furie, Julie la saisit par la gorge et serra de toutes ses forces.
— Si tu m'étrangles, tu ne sauras jamais ce qui s'est réellement passé, réussi à articuler Maïwenn.
— Elle a raison Julie, renvoie les gardes au chevet de Kenneth. Tu vois bien qu'elle ne peut pas s'enfuir, tempéra Lukian.
Les gardes se tournèrent vers Julie qui, après un temps de réflexion, leur fit signe de partir. Maïwenn, accroupit sur le sol, reprenait doucement son souffle lorsque ce fut au tour d'Agathe d'entrer dans la pièce.
— Mais qu'est-ce qu'il se passe ici ? dit-elle en se précipitant auprès de Maïwenn. Vous avez tous perdu la tête ou quoi ? Aider à retrouver Pierre d'accord, mais devenir des meurtriers, sûrement pas !
— Julie, tu devrais retourner auprès de Kenneth, on s'occupe d'elle, enchaîna Lukian, content de trouver un prétexte pour l'éloigner.

Sa sœur céda à contre cœur et regagna le salon. Agathe saisit alors une serviette qu'elle donna à Maïwenn par essuyer ses cheveux et se réchauffer un peu.
— Lukian, nous devons la faire sortir d'ici. Lui faire peur dans ses rêves, c'était drôle, mais je ne peux pas cautionner cela.
Le visage d'Agathe était devenu livide et la panique pouvait se lire dans ses yeux. Son frère acquiesça volontiers et ils entreprirent alors de soulever Maïwenn pour l'aider à se relever. Il demanda ensuite à son ainée de trouver un passage par lequel ils pourraient la faire sortir pendant que lui restait à ses côtés. Elle ouvrit une première porte, mais il s’agissait des toilettes avec une petite lucarne. Toujours en silence, elle ouvrit la seconde porte. Elle venait de trouver le bureau de Richard, pourvut d'une fenêtre coulissante donnant sur l’entrée de la maison.

Agathe entra dans la pièce, ouvrit la fenêtre et passa la tête. Elle aperçut alors deux ombres se faufiler entre les voitures.
— Mathias, c'est toi ? Mathias ? C'est Agathe, viens par là... Vite, murmura-t-elle dans la nuit.
Liam et l’enquêteur se regardèrent, méfiants.
— j’y vais. Nous sommes découverts de toute façon. Vas chercher ta voiture au cas où ça tourne mal, dit Mathias.
Le jeune homme s'exécuta et regagna la route pendant que son compagnon s'approchait avec prudence.
— Lukian et moi voulons faire sortir Maïwenn d'ici. Ils sont devenus fous, ils vont la tuer et nous ne voulons pas être mêlés à ça. On voulait la faire sortir par la fenêtre. Rentre.
— Et Joffrey, où est-il ?
— Il ne savait pas grand-chose et il était bien trop amoché pour parler. Ils l’ont abandonné devant les urgences de Southampton. Tu comprends, c’est l'un des nôtres tout de même, ironisa-t-elle.
Mathias hésita encore un instant, mais s'il voulait sauver sa protégée, il n'avait pas le choix. Agathe vérifia d'abord que le chemin soit libre, puis le conduit dans la salle de bain. Quand elle le vit, Maïwenn poussa un soupir de soulagement. Lui, la serra de toutes ses forces, choqué de voir son état.
— mais qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? demanda-t-il horrifié.
Il réalisait l'erreur qu'il avait faite en l'entraînant dans cette histoire. Lui-même était surpris de l'acharnement dont faisaient preuve les alliés de Richard, mais il connaissait les Guides et il avait appris à se défendre... Pas elle.

Ce qui venait de se passer dans cette maison allait à l'encontre de toutes les règles qu'on lui avait inculquées.
Lukian, quant à lui, observait. Il n'avait pas ouvert la bouche, même à l'arrivée de Mathias. Éduqué pour être Varlarc’h, il savait qu'ils étaient allés beaucoup trop loin. La seule manière qu'avait Kenneth pour s'en sortir, c’était d'éliminer la fille.
— Nous devons absolument la faire sortir d'ici au plus vite, finit-il par dire.
Mathias acquiesça et, tout en soutenant Maïwenn, prit la direction du bureau, c’est alors que Lukian lui attrapa le bras :
— Laisse Agathe s'en charger.
Les deux femmes quittèrent alors la pièce.

— Que veux-tu Lukian ? Plus je reste ici, plus je risque de me faire prendre. Je suis surpris que personne ne soit encore venu voir ce qui se passe ici d'ailleurs.
— Ils sont trop occupés par Kenneth. Il est comme dans le coma et Julie pense que Maïwenn en est la responsable. Sache que même si je laisse ta copine partir, je continuerai à chercher Pierre. Nous serons amenés à nous revoir.
— Tu penses toujours que ton grand-père est le mieux placé pour diriger ?
— Pierre a caché l’existence de son fils alors qu’a-t-il fait à Victor ? Pour moi, la réponse est évidente. Il doit répondre de ses actes.
— Tu juges sans savoir. Je suis l’enquêteur ici, laisse-moi faire mon travail.
— Je crois que tu n’es plus objectif. As-tu des preuves qu’il n’ait pas trahi ?
Mathias tourna la tête, embarrassé, il ne pouvait rien révéler pour le moment.
— C'est bien ce que je pensais, continua Lukian.
— Je trouverai de quoi disculper Pierre, ne t'inquiète pas. En attendant, merci de ton aide.
— C'est la première et la dernière fois. Après cette nuit, chacun pour soi.
Agathe revint dans la pièce, seule.
— C'est bon Mathias, ton ami l'a prise avec lui, vous pouvez y aller, dit-elle nerveusement.
— Il y a trois gardes dans le salon, il va falloir que tu coures vite Mathias et maintenant, frappe moi, c'est la seule façon de nous couvrir.
Sans aucune hésitation, Mathias le frappa puis il repartit prudemment vers le bureau de Richard. Lukian, dont la lèvre était rougie par le sang qui coulait, s'allongea ensuite sur le sol pendant qu'Agathe donnait l'alerte. Les gardes se précipitèrent dans la salle de bains pour constater l'évasion de leur prisonnière et le temps qu'ils rejoignent leur véhicule, la fugitive avait une bonne avance. Ceci ne les empêcha pas de se lancer à sa poursuite.

Liam appuyait sur l'accélérateur pour être sûr de ne pas être rattrapé, mais il n'y avait qu'un seul chemin pour rejoindre la route principale, impossible de tromper leurs poursuivants.
— Putain Liam ! Ils ne vont pas nous laisser partir comme ça, accélère ! cria Mathias.
— Je ne fais que cela.
Accélérant un peu plus sur la petite route, le contrôle du pick-up devenait approximatif.
— Attention ! s'écria Mathias.
Une paire de feu venait en face d’eux dans l’autre sens alors que la voie était trop étroite.
— Un tracteur ? Non mais on est maudit ou quoi ? hurla Liam.
L'engin venait de mettre son clignotant pour tourner dans un petit chemin de terre sur leur gauche, mais ils ne pouvaient pas risquer de s'arrêter. Liam accéléra encore et contourna le tracteur en entrant dans le fossé sous les hurlements de ses passagers. Le tracteur s'immobilisa immédiatement. Dans le rétroviseur, Liam vit le conducteur brandir son poing dans leur direction en hurlant de toutes ses forces.

— Où allons-nous maintenant ? demanda-t-elle à Liam.
L'adrénaline venait de retomber et le jeune homme était à présent silencieux.
— Et mon père, Mathias ? Ils vont le tuer après ça, hein ? dit-il sans répondre à la question de Maïwenn.
— Agathe m'a dit qu'ils l'ont déposé à l'hôpital avant d'enlever Maïwenn. C'est l'un des nôtres, ils savent qu'il ne parlera pas de cela à la police ou même au grand cercle tant que Pierre ne sera pas revenu.

Le jeune anglais prit alors son portable. Sa mère lui avait laissé un message l'informant que son père se trouvait effectivement aux urgences. Bien que soulagé de savoir son père en vie, l'angoisse de ne pas avoir plus de précisions lui fit garder le silence quelques minutes avant de reprendre la parole :
— Nous avons un bateau à la Marina de Southampton, je vous amène là-bas pour la nuit. J'irais demain récupérer vos affaires au Carlson Inn, annonça-t-il.
À trois heures du matin passé, ils étaient tous exténués, peu importait où ils passaient la nuit. Maïwenn finit même par s'endormir sur la banquette arrière.
Une heure plus tard, Liam gara sa voiture sur le parking de la marina. Le bateau familial était très spacieux et avait tout le confort nécessaire.
— Mon père est banquier, il aime impressionner ses clients.
— Je n'ai rien dit, précisa Mathias.
— Tu n'avais pas besoin, j'ai vu ton regard, souri le jeune anglais.
Pendant ce temps, Maïwenn dormait toujours. Lorsque Mathias ouvrit la portière, il resta immobile un instant, les yeux rivés sur la jeune femme.
— J'espère que ça valait le coup de la mêler à tout ça, lâcha Liam.
— Je vais être plus prudent à l'avenir, répondit Mathias, embarrassé.
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