L'atmosphère était humide et froide, au point que Joffrey Donwell pouvait sentir la condensation sur le sac plastique qui recouvrait sa tête. Il avait été poussé dans une voiture à la sortie de son travail, conduit dans cet endroit puis passé à tabac. Après s'être défoulé sur lui sans aucune explication, ses agresseurs lui avaient jeté un seau d'eau glacée pour être sûr qu'il soit encore vivant. Depuis, ils l'avaient laissé seul, ensanglanté, assit sur cette chaise dans le froid et les mains liées dans le dos. Il n'aurait bientôt plus de forces.
L'avaient-ils laissé là pour qu'il agonise ? À la résonance des lieux lorsqu'il avait imploré leur clémence, il se trouvait dans une cave. Était-ce en rapport avec l'aide qu'il avait apporté à l’enquêteur ? Il en était persuadé et avait même cru reconnaître parmi ses agresseurs l’un des agents de sécurité de la banque.
Soudain, il entendit une porte s'ouvrir et des pas se diriger vers lui. Une main enleva le sac de sa tête, mais le sang qui coulait sur ses yeux l'empêchait de distinguer quoi que ce soit.
— Qu'est-ce que vous lui avez fait ? C'est horrible, s’insurgea une voix féminine.
— Ah ouais, ils ne l'ont pas raté celui-là ! C'est écœurant. Kenneth, je croyais qu'ils devaient juste le conditionner à parler ! dit une voix masculine cette fois-ci.
Kenneth ? Ce n'était que le début de mon calvaire, pensa immédiatement Joffrey.
Tous les deux se connaissaient depuis des années et ne s'appréciaient guère. Alors que Donwell avait sympathisé avec Pierre, Kenneth, lui, avait tissé des liens avec Richard. Joffrey se souvenait bien de cet homme, grand et squelettique, au regard inquiétant. Il était Guide lui aussi, mais avait des capacités beaucoup plus développées que celles de ses congénères. Il n'avait qu'à toucher une personne pour la plonger instantanément dans ses angoisses les plus secrètes. Même si Joffrey ne l'avait jamais vu à l'œuvre, il avait entendu parler des séances de tortures qu’il avait infligées aux concurrents de Richard.
Rumeurs ! lui avait-on rétorqué lorsqu’il avait alerté son chef de branche.
— Vous avez les gènes de votre mère, jeune homme. Une vraie petite nature, dit Kenneth de sa voix profonde et calme à celui qui venait d’intervenir.
Il lâcha ensuite le sac qu'il avait dans les mains et repartit en direction de la porte.
— Amenez-le moi dans le salon que l'on puisse commencer à travailler tranquillement et essuyiez-lui le visage qu'il ne salisse pas tout, ordonna-t-il enfin.
— Julie, Agathe, aidez-moi à le porter jusqu'à la salle de bains qu'on le soigne un peu.
— C'est d'un docteur dont il a besoin Lukian, pas juste d'un pansement !
— Agathe, arrête de faire ta rabat-joie et aide-nous, rétorqua Julie.
Richard avait été prévenu de l'arrivée de Maïwenn et Mathias par un de ses contacts et il avait immédiatement envoyé ses petits-enfants sur place pour suivre les opérations. Roselyne était plus expérimentée, mais son départ précipité aurait pu éveiller les soupçons. Ils avaient pour objectif de découvrir coûte que coûte ce que l’enquêteur venait faire dans le pays.
Une fois lavé de son sang, Joffrey fut placé sur un fauteuil de cuir au milieu du salon. Encore endolori par les coups, il put tout de même entrevoir ses ravisseurs. Lukian et Agathe, quant à eux, étaient de part et d'autre du fauteuil, quelque peu choqués par son visage tuméfié. Ils se regardaient d'un air inquiet. Jusque-là, ils n'avaient pas pris conscience des moyens que leur grand-père était prêt à employer pour atteindre son but. Ils venaient de se rendre compte que quelque chose de grave allait se produire et que d'une façon ou d'une autre, ils y seraient mêlés.
Julie ne semblait pas avoir autant d'états d'âme. Elle avait fait le tour de la propriété et rejoignait maintenant le salon pour profiter du spectacle avec eux. À chaque pas, elle soulevait les draps que Rose avait disposé sur les meubles, pour les admirer. Le bruit des vagues et les bougies disposées aux quatre coins de la pièce accentuaient encore l'ambiance lugubre des lieux.
Kenneth entra dans la pièce silencieuse. Il avait retiré sa veste et retroussé avec soin les manches de sa chemise blanche, faite sur-mesure.
Lukian et Agathe se reculèrent instinctivement, lui laissant ainsi tout l'espace nécessaire. Sans un mot et avec un calme déconcertant, il saisit une chaise et s'assit en face de Joffrey.
— Est-il vraiment utile d'avoir recours à cette méthode ? Ne pensez-vous pas qu'il parlera si on l’interroge ?
Tous les regards se tournèrent vers Lukian qui avait osé rompre le silence presque religieux. Kenneth tourna calmement la tête vers le jeune homme.
— Bien sûr qu'il parlerait, mais où serait mon plaisir dans tout cela ? rétorqua-t-il.
Le sourire sadique qu'il arborait glaça le sang de l’apprenti Varlarc’h qui baissa les yeux et recula d'un autre pas. Julie au contraire profita de l'occasion pour s'approcher un peu plus de lui.
— J'aime votre façon de penser et j'aimerais beaucoup avoir un pouvoir comme le vôtre. Je peux faire quelque chose pour vous aider ?
— Vous taire, ce serait parfait. Mais vous pouvez rester près de moi et m'observer en silence mademoiselle.
Il semblait aimer avoir une admiratrice. Il la regarda avec complicité, puis posa ses mains sur les tempes de Joffrey qui écarquilla les yeux et hurla de douleur.
Réveillé en sursaut dans le canapé de son salon, Joffrey Donwell essuya la sueur qui perlait de son front. Il appela Martha, sa femme, puis Liam, son fils, mais la maison semblait vide. Il regarda sa montre qui indiquait vingt-deux heures trente et bien qu’il ne soit pas homme à paniquer, il était inquiet.
— Un mauvais rêve, rien de plus, se convainc-t-il avant de se diriger vers la cuisine.
En passant devant une commode, il remarqua un article de presse posé contre leur photo de mariage. Son cœur fut alors transpercé de part en part, il ne pouvait croire ce qu'il était en train de lire. Affolé, il monta quatre à quatre les escaliers menant à l'étage, entra dans sa chambre et ouvrit le dressing de son épouse, complètement vide. Le sang glacé, il se précipita ensuite dans celle de son fils, plus aucun meuble.
Joffrey redescendit, traversa la cuisine, prit une lampe torche puis courut dans le jardin où il les appela encore et encore. Tournant et virant à travers les parterres de fleurs, il finit par tomber à terre, laissant la lampe torche lui échapper des mains. Lorsqu'il la retrouva enfin, il la dirigea vers ce qui l’avait fait trébucher et qu'il prit d'abord pour une dalle de béton. Ce n'est qu'en se rapprochant davantage qu'il réalisa que c’était une pierre tombale.
La mémoire lui revint alors, l'article trouvé dans le salon disait vrai : sa femme et son fils étaient morts dans un accident quelques mois plus tôt et il se tenait devant leur sépulture. Comment avait-il pu oublier cela ? La douleur était telle qu’il ne parvenait pas à reprendre son souffle. Jamais auparavant, il n'avait connu un mal si grand. La main sur sa poitrine, il allait mourir là d'une crise cardiaque. Joffrey cessa de se battre et s'allongea sur la tombe avant de perdre connaissance.
Plus aucune peine, plus aucune souffrance, plus aucun sentiment... Le néant l'entourait, mais après quelques minutes de plénitude, une nouvelle douleur se fit sentir, encore plus intense que la précédente et accompagnée cette fois-ci d'une bouffée d'angoisse. Son cœur venait de repartir. Un battement... Puis un autre... Encore un autre... Jusqu'à redevenir régulier. Lorsqu'il reprit conscience et ouvrit les yeux, Kenneth était au-dessus de lui, contemplant son œuvre d'un air satisfait. Joffrey réalisa alors que tout ceci n'avait été qu'illusion et qu'il était toujours prisonnier.
— Maintenant, si tu ne veux pas que tout ceci devienne ta réalité, dis-moi ce que tu sais, lui murmura son bourreau.
— Merci pour cette soirée sympathique, Liam, lança Maïwenn alors qu’ils étaient au pied des escaliers la menant à sa chambre.
— Mais je t'en prie, ce fut un véritable plaisir. Laisse-moi t’aider à mettre le pendentif, insista le jeune homme en le lui prenant des mains.
Elle se retourna alors pour faire face à l’escalier et souleva ses cheveux. Liam passa doucement ses mains autour de son cou et attacha le bijou. En faisant cela, il ne put s’empêcher de poser un baiser sur son épaule.
— Voilà qui clôture bien ma journée, souri-t-elle.
— Nous pourrions trouver une meilleure fin encore, lui souffla le jeune homme à l’oreille tout en l’enlaçant.
C'est à ce moment-là que Maïwenn leva les yeux et vit Mathias, en haut des marches, qui les observait.
— Besoin de quelque chose Mathias ? demanda Liam d'un ton sec en le remarquant à son tour.
— Non, je venais voir comment allait Maïwenn, mais je vois qu'elle est entre de bonnes mains. On se lève tôt demain, lâcha son rival avant de regagner sa chambre.
— Oui papa, murmura Liam.
Cette phrase fit rire Maïwenn qui se retourna vers lui et l’embrassa.
— Il n’a pas tort. En d’autres circonstances…
— Je sais, je comprends, la coupa le jeune homme. Un jour peut-être, finit-il en se dirigeant vers la sortie du pub.
Alors qu’elle était dans sa chambre depuis trente minutes, on frappa à sa porte. Persuadée de se trouver face à Liam, elle ouvrit avec un grand sourire aux lèvres qui disparut instantanément lorsqu’elle vit Mathias.
— Visiblement, ce n’est pas moi que tu attendais. Je venais juste te dire que Liam et moi allons à Southampton. Son père n'est toujours pas rentré et je vais l’aider à le chercher, mais je ne voulais pas que tu t'inquiètes… Au cas où tu me cherches cette nuit.
— Ne t'inquiète pas, aucun risque, répondit-elle froidement.
— Au fait, tu es ridicule en pyjama, se moqua–t-il en partant. Maïwenn lui claqua presque la porte au nez et regagna son lit pour reprendre sa nuit là où elle l’avait laissée. Pourtant, son sommeil fut une nouvelle fois perturbé par des cris dans le pub et quelques minutes plus tard, le bruit d'une porte enfoncée la réveilla définitivement. Quelqu'un venait de forcer la chambre de Mathias. Elle n'eut pas le temps de sortir de son lit que sa porte était fracturée à son tour. Un homme l'attrapa alors violemment par le bras et l'arracha à ses couvertures en lui ordonnant de le suivre. Il lui jeta quelques vêtements et ses chaussures au visage, mais sans lui laisser le temps de les enfiler et pendant que cet homme la molestait, un second fouillait toutes les chambres de l'étage. Un frisson d'effroi la parcourut alors, car s'ils trouvaient la cassette qu’elle avait cachée derrière la vieille télévision de sa chambre, tout était fini.
Son agresseur lui fit traverser le pub où elle put voir Owen qui gisait sur le sol. Cette vision décupla sa peur et la paralysa complètement et c'est pourquoi elle n'opposa aucune résistance lorsqu'on la traîna dehors où un SUV aux vitres teintées les attendait. L'homme projeta Maïwenn à l'intérieur et monta à ses côtés. Le second les rejoignit quelques secondes plus tard à l'avant du véhicule. Ses passagers à bord, le conducteur partit en trombe sous les aboiements des chiens du quartier que ce remue-ménage avait réveillés.
— Tu as trouvé quelque chose ? demanda le conducteur.
— Rien du tout à part du liquide. Kenneth va être fou.
— Ne t'inquiète pas, la demoiselle lui dira ce qu'ils ont trouvé, rétorqua l'homme près de Maïwenn, tout en passant sa main dans la chevelure de la jeune femme.
Transie de froid et surtout de peur, cette dernière entreprit de passer son pull, mais son action fut stoppée par l'homme qui la plaqua contre son siège, la saisissant par la gorge.
— Pas bouger mignonne !
— J'allais mettre mon pull, j'ai froid, balbutia-t-elle.
Il consentit alors à enlever doucement sa main pour la laisser passer son pull noir, son jean et ses chaussures.
— Où m'emmenez-vous ?
— Pas de questions non plus, lui lança le conducteur qui l'observait dans son rétroviseur. Bande-lui les yeux, je ne veux pas qu'elle puisse voir le chemin, dit-il à l'homme près d'elle qui s'exécuta aussitôt.
L'angoisse de ne pas savoir ce qui l'attendait la fit frissonner alors que le tout-terrain s'immobilisait. Soudain, elle sentit une main s'approcher d'elle et une odeur étrange lui brûla les narines. Une fraction de secondes plus tard, on lui collait un chiffon sur le visage.
Du chloroforme, pensa-t-elle avant de s'effondrer.
Lorsqu'elle reprit conscience, la voiture était à nouveau en marche. Elle n'avait aucune notion du temps qui venait de s'écouler et décida de ne pas leur montrer qu'elle s'était réveillée. Le véhicule s'immobilisa encore et les trois hommes en descendirent, la laissant seule. En prêtant un peu l’oreille, elle entendit le grondement de vagues se brisant sur les rochers et l'idée qu'ils puissent la noyer lui vint à l'esprit. Elle paniqua. Ils ne l'avaient pas attachée, peut-être la pensaient-ils trop apeurée pour tenter quoi que ce soit ? Alors, elle arracha son bandeau, ouvrit sa portière et partit en courant sur le chemin de terre qu'ils avaient probablement emprunté quelques minutes plus tôt. D'aussi loin qu'elle se souvenait, jamais elle n'avait couru si vite, en chaussettes qui plus est.
C'était une nuit sombre, seul le croissant de lune offrait un peu de lumière dans ce chemin accidenté, si bien qu'elle trébuchât à plusieurs et se blessa à la cheville. Les pieds meurtris, trempée et glacée, elle resta quelques secondes immobile, assise dans le chemin. À quelques mètres de là, ses ravisseurs venaient de remarquer sa disparition et s'activaient pour la retrouver. Elle devait à tout prix se cacher. Sa cheville lui faisait horriblement mal, mais elle put tout de même s'enfoncer dans la forêt mêlée de grands arbres et de petits arbustes épineux, qui longeait ce chemin. Malgré les épines qui lui rentraient dans la chair, Maïwenn continua d'avancer puisant dans ses dernières ressources.
Les hommes dans le chemin de terre arrivèrent bientôt à son niveau, armés de lampes torches. Elle arrêta d'avancer, sur le qui-vive, contrôlant jusqu'à sa respiration pour ne pas se faire découvrir. Leurs lumières vinrent dans sa direction, sans la démasquer, et ils firent demi-tour. Allaient-ils lâcher prise aussi facilement ? Elle n'y croyait pas. Aussitôt partis, elle redoubla d'efforts dans les broussailles qui la mutilaient encore et encore. Elle devina bientôt les marquages d'une route, elle avait peut-être une chance de s'en sortir. Bien qu’à bout de forces, elle pressa encore le pas, mais à mesure qu'elle s’en approchait, quelque chose semblait se dresser devant elle. Le désespoir l'envahit lorsqu'elle comprit que c’était un grillage qui la séparait de la route, à un mètre d'elle. Maïwenn le secoua de rage puis, s'assit désemparée.
Si j'avais au moins eu mes chaussures...
La jeune femme fit alors un peu plus attention à ce qu'elle portait et réalisa que ce n’était pas ce qu’elle avait lors de son enlèvement. Elle se leva alors difficilement et regarda la lune, haute dans le ciel. Soudain, celle-ci vacilla.
— Pas encore ! Réveille-toi. Réveille-toi. Réveille-toi, se persuada-t-elle.
Un horrible mal de tête lui martela alors les tempes et son nez se mit à saigner. La forêt autour d'elle valsa et se déforma à l'en rendre malade. Tout se déchira comme un décor de papier, laissant place à un salon où elle était ligotée et entourée d'inconnus.
Trempée par la sueur et surtout terrorisée, elle tourna la tête à la recherche d'une personne familière. Sa vision était trouble, mais elle distingua tout de même ses ravisseurs qui la scrutaient avec intérêt. Ensuite, elle reconnut Lukian, qui la regardait d'un air inquiet. Assis en face d'elle, un homme pâle et fin la fixait. Il avait l'air contrarié, mais en même temps, il jubilait.
— Elle est forte, très forte. Cependant, je ne suis pas homme à me laisser impressionner. Tenez-la, avant qu'elle ne reprenne ses esprits, dit-il à l’un de ses hommes.
L’un d’eux s'exécuta et se plaça alors derrière elle pour éviter qu'elle ne bouge. Maïwenn tenta de se débattre, mais elle était exténuée et lui avait beaucoup plus de forces.
L'homme au teint blafard apposa ses mains sur les tempes de la jeune fille qui sentit revenir cette douleur atroce dans sa tête... Elle hurla.
— Kenneth, laissez-la tranquille, vous voyez bien qu'elle souffre trop ! cria Lukian.
Il tenta de s'approcher d'eux, mais on l’en empêcha. Ce dernier sortit alors de la pièce, refusant d'assister à ce spectacle.
— À nous deux maintenant, montre-moi ce que tu sais !
Kenneth était déterminé à briser la volonté de Maïwenn, c'était devenu une question d'honneur. Jamais personne ne lui avait tenu tête et ce n’est pas elle qui allait commencer.
Cela faisait maintenant plus de deux heures que Liam et Mathias étaient dans le centre-ville de Southampton. L’enquêteur commençait à perdre patience et le comportement du jeune Anglais lui paraissait de plus en plus suspect. Ce dernier le baladait de pub en pub sans résultat, alors au détour d'une énième ruelle, il le plaqua contre un mur :
— Ton père travaille dans une banque prestigieuse, il a une famille qui l'attend et tu veux me faire croire qu'il serait dans un de ces endroits ?
— Je n'en sais rien ! Tout ce que je sais, c'est qu'il n'est pas rentré. C'est tout, répondit Liam sur un ton agressif.
— C'est vraiment tout ? J'ai plutôt l'impression que tu veux me faire perdre mon temps. Tu m'as emmené dans les pubs les plus minables et je doute qu'un homme de la stature de ton père aille dans ce genre de quartier, explosa-t-il. Que les choses soient claires, reprit-il, soit tu me dis pourquoi tu m'as emmené ici soit je m'énerve pour de bon.
— Écoute, je suis désolé, mais je n'avais pas le choix, confessa Liam.
— De quoi parles-tu ? l’interrogea Mathias.
— Ils m'ont appelé tout à l'heure, ils ont mon père.
— Qui ?
— Kenneth et ses hommes. Tu sais qui est Kenneth ? Tu sais de quoi il est capable ? hurla Liam.
— Oui, j'en ai entendu parler, mais qu'est-ce qu'ils attendent de toi exactement ?
— Pour sauver mon père, je dois leur donner ce que vous avez trouvé dans le coffre de Pierre.
— Comment le leur donner, tu ne sais pas ce qu'on a trouvé, rétorqua Mathias de plus en plus nerveux
— Non mais en t’éloignant du Bed and breakfast, ça leur laisse le temps de chercher.
Mathias venait de comprendre pourquoi Liam avait tant insisté pour qu'il l'accompagne. Un flot de rage l’envahit et il frappa violemment le jeune homme au visage qui tomba à terre sans tenter de riposter.
— Il faut que l'on retourne là-bas immédiatement. Tu ne te rends pas compte, Maïwenn y est, qu'est-ce que tu crois qu'ils vont lui faire ? Et Owen, tu y as pensé ?
— Ils m'ont juré qu'ils ne les toucheraient pas, répondit Liam encore un peu sonné par le coup de poing.
— Et tu les as crus ? S'ils trouvent ce pour quoi ils sont venus, tu peux dire adieu à ton père. Nous devons y retourner au plus vite.
Ils regagnèrent leur voiture au pas de course et partirent en trombe en direction du Carlson Inn. La tension dans l'habitacle était palpable, seule la radio passant les tubes commerciaux du moment brisait le silence glacial. Liam savait qu'il avait commis une grossière erreur et Mathias était perdu dans ses pensées.
Une bouffée d'angoisse l'avait envahi pour stagner au milieu de son estomac et il n'aimait pas ce sentiment. Il se rendait compte que le sort de Maïwenn lui importait plus que ce qu'il avait imaginé. Même s'il essayait de se convaincre du contraire, la nécessité qu'elle l'aide à sauver Pierre n'était pas la seule raison de cet intérêt et la simple idée de la savoir en danger par sa faute, lui était insupportable. Était-ce le fait du danger dans lequel ils étaient tous les deux liés ? Ses pensées se bousculaient alors que défilaient à toute vitesse les paysages par les vitres du pick-up.
Liam stoppa sa voiture à quelques mètres du pub. Les bruits de lutte et les aboiements des chiens avaient réveillé le voisinage qui avait alerté la police. Hors de question pour les deux Guides de s'en approcher de trop près. La présence d'une ambulance sur les lieux avait fait monter la pression d'un cran au point que Mathias pouvait percevoir quelques tremblements de nervosité dans ses mains. Et si Maïwenn était morte ? Ils sortirent de la voiture pour observer discrètement la scène et virent Owen allongé sur une civière.
— Reste là, je vais voir ce qu'il se passe. Je connais les gens dans la région, dit Liam avant de rejoindre l'attroupement qui s'était formé autour du pub. Planté là, Mathias ne savait pas quoi faire. Si quelque chose de grave était arrivé à sa protégée, il ne se le pardonnerait pas. Il n'avait pas été à la hauteur, encore une fois. Cette idée fit remonter à la surface des souvenirs douloureux. Une source de déception pour son entourage, voilà ce qu’il avait souvent été.
— J'ai vu Owen, il a une commotion, mais normalement ses jours ne sont pas en danger. Par contre, pas une trace de Maïwenn, lui apprit Liam à son retour.
— Où penses-tu qu'ils aient pu l'amener ? lui demanda Mathias.
— Soit chez Pierre soit chez Richard. Par quel endroit veux-tu commencer ?
— La maison la plus proche d'ici.
— Alors nous allons chez Pierre, c'est à vingt minutes d'ici, répondit Liam tout en se précipitant vers sa voiture.
Le cottage se trouvait dans un endroit isolé. Un petit portail fermait la courte allée de gravier menant à la maison. Ils laissèrent le pick-up sur le bas-côté et entrèrent dans la propriété. Liam avait l'habitude de relever le courrier et de surveiller la maison en l'absence du couple Godest, c'est pourquoi il avait un double des clés. L'endroit semblait désert. Pourtant, Mathias resta quelques secondes immobile sur le pas de la porte, à l'affût du moindre bruit.
— Il n’y a personne ici, finit-il par dire.
— Je vais tout de même inspecter l’étage, lança Liam.
Pendant ce temps, Mathias se concentra. Il avait souvent croisé Pierre lors de sa formation de Varlarc’h. C’était aussi l’un des seuls à l’avoir soutenu lorsqu’il avait refusé de prêter serment. Cet homme connaissait toutes les ficelles des Guides et s’il avait dû cacher quelque chose, il savait pertinemment que sa maison serait la première fouillée.
Mathias regarda alors par une fenêtre et distingua une forme dans le jardin. Lampe-torche à la main, il se rendit dehors et se trouva devant un cabanon, fermé à clé. Il enfonça la porte sans ménagement et retourna de fond en comble l’endroit, sans rien trouver. Le Guide allait repartir lorsqu’il sentit une planche bouger sous son poids. Une fois arrachée, il plongea ses mains dans les entrailles de l'abri et y trouva un sac protégé par un emballage plastique. Il l'ouvrit et y trouva bien un magnétophone ainsi que d'autres documents. Emportant le tout avec lui, il rejoint Liam afin de se rendre chez Richard cette fois.
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Note de fin de chapitre:
J'espère que l'histoire vous plait. N'hésitez pas à me faire un retour, ça m'aide pour la suite! A bientôt peut-être
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