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Assise sur un rocher face à la mer, j'observe les vagues qui se déchaînent. Elles viennent mourir avec fracas contre les rochers, laissant l’écume comme seule trace de leur passage. Cette sorte de mousse qui ondule quelques minutes sur l'eau avant de disparaître. Le soleil passe faiblement entre les nombreux nuages. De couleur gris foncé, noirs, ils menacent de déverser sur nous des litres d'eau.

Le vent, fait voler mes cheveux autour de mon visage. Sans quitter la mer et le ballet mouvementé des vagues des yeux, je resserre mon gilet en laine autour de mes épaules. Il fait de plus en plus froid à mesure que les jours passent. D'ailleurs, cela fait quelques jours que la radio locale a annoncé l'arrivée d'une tempête qui nous touchera dans les prochaines heures. Celle-ci risque de faire beaucoup de dégâts dans la région.

Cela fait deux mois que le tournage a commencé. Au début, je faisais souvent la navette avec Londres. L'Écosse a été choisi pour sa ressemblance avec les paysages de mon roman. Il y a une semaine, par soucis d'écologie, j'ai décidé de limiter mes trajets, et, de venir passer quelques jours ici. C'est plus facile à faire avec une enfant qui n'est pas encore scolarisée et, un métier qui peut s'exercer partout.

— Je savais que tu serais ici.

Je commence à connaître cette voix. Il n'ajoute rien et vient s'asseoir à mes côtés sur ce rocher un peu inconfortable. Les yeux toujours vers l'horizon, je sens son regard se poser sur moi.

Du coin de l'œil, je le vois lever la main gauche et l'approcher de mon visage. Il hésite, secoue la tête et repose sa main à côté de lui, sur le rocher.

— Eleanore te réclame, murmure-t-il en observant à son tour la magnifique vue qui s'offre à nous.

— Elle vous aime tous, je réponds en quittant les vagues des yeux.

Je tourne la tête vers lui et observe ce visage que je connais presque par cœur à présent.

Sa légère barbe de quelques jours qui le vieillit de quelques années.

Ses cheveux mi-longs noirs.

Les ridules autour de ses yeux qu'il nie avoir.

La petite cicatrice sur son nez.

Ses yeux d'un bleu profond et intense qui rencontrent les miens et pétillent lorsqu'il me sourit.

 

— Tu sais, commence-t-il doucement.

Mais, très vite, ses yeux bleus deviennent orageux.

— Son père n'est qu'un idiot ! Idiot d'être parti lorsque tu étais enceinte. Maintenant, c'est lui qui perd et n'a pas la chance de connaître cette enfant incroyable. Moi...

Il se stoppe, fronce les sourcils et, me regarde. Son regard s'adoucit puis il ajoute, d'une voix plus douce, presque timide :

— Je ne t'aurais jamais abandonné.

Je rougis. Ma gorge se serre. Nerveusement, je triture la manche en laine de mon gilet. Je suis mal à l'aise. Tom ne connaît pas toute la vérité.

Il ne sait pas que, je n'ai pas donné la possibilité au père d'Eleanore d'apprendre son existence avant et après sa naissance. Il ignore que le père d'Eleanore, est aussi acteur.

Bien sûr, je regrette de mentir mais, je ne me voyais pas lui dire ça si peu de temps après notre rencontre. Je ne le connaissais pas suffisamment pour me confier à lui sur cette situation particulière.

Cela aurait pu donner quelque chose du genre : « Tu sais Tom, le père d'Eleanore est un acteur très connu avec qui, j'ai couché juste une fois ». Et de rajouter en voyant sa tête : « non, non, je ne suis pas folle ».

Hors de question !

Peut-être qu'un jour, si j'ai le courage de tout lui raconter. Mais, pas maintenant.

 

 

— Tu es gentil Tom, je réponds en me levant.

Il me tend la main pour m'aider car, la roche devient glissante à mesure que le soleil descend sur l'horizon et que l'humidité se lève. Une fois sur le chemin de terre, il enlève sa main et marche à mes côtés.

Je m'entends très bien avec Jane et Tom. Hors tournage, je passe beaucoup de temps avec eux. D'ailleurs, ils viennent souvent avec Eleanore et moi, jouer aux touristes d'un jour. Depuis le début de nos petites vacances improvisées, nous avons visité tous les quatre, quelques villages environnants. Eleanore a adopté les deux acteurs très rapidement. Elle les considère comme des membres de notre famille.

 

L'hôtel où nous logeons se trouve à dix minutes à pied de la mer. C'est là, que l'équipe a pris ses quartiers le temps du tournage. Pour être au plus près de l'action, j'ai donc loué une chambre pour la durée de nos vacances. Ce petit hôtel de bord de mer, qui cadre merveilleusement bien avec le paysage, fait plus pension de famille que gros hôtel touristique. Il appartient à un charmant couple de soixantenaires. Ils l'ont hérité d'un oncle éloigné. Depuis, avec beaucoup d'amour, ils prennent soin du bâtiment et des gens qui y passent. Ce couple est exceptionnel et d'une grande gentillesse. Ils adorent Eleanore comme la plupart des membres de l'équipe. Et elle leur rend bien.

— Oh, dit Tom en ouvrant la porte d'entrée de l'hôtel.

Curieuse, je lui jette un regard interrogateur, pendant que, en parfait gentleman, il se recule pour me laisser passer devant lui.

— Je vais pouvoir te présenter mon meilleur ami. Il vient passer deux jours ici. Je suis certain que tu vas très bien t'entendre avec lui. Il est aussi fou que moi, si ce n’est plus, ajoute-t-il en riant.

Tom ne m'a jamais parlé de son meilleur ami. En revanche, il m'a présentée à ses parents quand ils sont venus lui rendre visite, il y a une semaine. En si peu de temps, Tom m'a considérée comme une sorte de petite sœur. Je suis persuadée que si cela continue, il va bientôt demander à ses parents de m'adopter.

 

Au souvenir de la personnalité adorable de sa maman, je souris. Elle est si souriante et prévenante avec tout le monde. Elle aime son fils plus que tout et l'encourage dans chaque étape de sa vie.

Le soir, la veille de leur départ, nous étions à table lorsqu'elle m'a avouée être une fan. Ce qui, m'a fait rougir intensément. Tom, assis à mes côtés en a profité pour me taquiner. Sa maman ne part jamais sans emporter mes romans dans ses bagages et, a fini par me demander si je voulais bien les lui dédicacer . Ce que je me suis empressée de faire. Elle est admirative de mon parcours d’autrice et maman.

Sa réaction est en totale opposition à celle de ma propre mère. Quand elle a appris que j'étais enceinte, elle m'a ordonnée de me débarrasser de cet enfant qui, selon elle, m'empêcherait de réussir ma vie. Notre relation a toujours été compliquée. Depuis, elle l'est encore plus. Mais, cela ne me gêne pas car, j'ai la chance d'avoir un père formidable. Compréhensif, et à l'écoute, il est la définition du père idéal que tout enfant rêve d'avoir.

Jack et lui m'ont accueillie à bras ouverts quand je suis arrivée chez eux en pleine nuit. Ils m'ont aidée pendant ma grossesse et, après la naissance d'Eleanore. D'ailleurs, ils sont heureux d'être grands-pères aussi jeunes pour pouvoir en profiter plus longtemps. Ils prédisent déjà qu'ils seront de vieux râleurs complètement cons !

 

Lorsque nous entrons dans le salon à l'éclairage tamisé, un feu accueillant ronfle dans la cheminée. Jane fait rire Eleanore avec des grimaces dont elle seule a le secret. Ma petite fille rit aux éclats encourageant la jeune femme à continuer à faire le clown.

Tom laisse échapper un rire lorsque sa cousine imite un éléphant, dévoilant notre présence dans la pièce. Lorsqu'elle me voit, Eleanore se met debout et court vers moi en riant. Pour être à sa hauteur, je m'accroupis et ouvre grand mes bras pour la réceptionner. Une fois son petit visage caché dans mon cou, je la sers fort contre moi et me relève avec elle.

— Arrête de sourire comme un idiot Tom, rigole Jane en se moquant de son cousin.

Je me tourne vers lui avec Eleanore toujours dans mes bras. L'air de la mer l'épuise et vu l'heure, elle ne va pas tarder à s'endormir. Elle tient une mèche de mes cheveux, qu'elle frotte contre son visage. Attendrie, je dépose un baiser sur le sommet de son crâne en la serrant contre moi. Je l'aime tellement.

— Cela te va tellement bien, murmure-t-il en souriant.

— Tom, câlin Eano et maman, l'invite la petite qui tend un bras vers lui pour qu'il nous rejoigne.

 

Amusé, l'acteur sourit. Ma fille a de drôle d'idée parfois. Cependant, d'un mouvement de tête, je l'invite à s'approcher de nous. Une fois à notre hauteur, Eleanore tend un bras vers lui pour l'approcher davantage et se tenir à son cou. Elle me tient toujours avec l'autre main. Au final, cette proximité me met légèrement mal à l'aise. Notre position est difficile à décrire mais c'est la première fois que je suis aussi proche physiquement d'un homme depuis la nuit où Eleanore a été conçue.

Un flash me fait sursauter, je relève les yeux et regarde Jane qui, en a profité pour nous prendre en photo.

— Vous êtes trop chou, dit-elle en montrant la photo sur son portable.

 

C'est vrai que la photo est très jolie. Eleanore et Tom sont vraiment très bien dessus. Ils sourient tous les deux. Ma puce a les yeux qui pétillent. Le regard de l'acteur est doux. Moi par contre, mes joues sont rouges et mon sourire est crispé.

— Léa, va falloir qu'on travaille ton sourire, se moque Jane en me faisant un clin d'œil.

Adepte de l'autodérision, je commence à rire de moi lorsque Jane se tourne vers la porte de la pièce en écarquillant les yeux. Elle sourit et s'élance vers la sortie .

— Je n'en reviens pas que tu sois ici. Tom ne m'a rien dit, dit-elle, d'une voix légèrement aiguë et surexcitée.

 

Intriguée, je me tourne vers la porte. Après ce bref câlin à trois, Eleanore a voulu rester dans les bras de Tom qui lui montre des gravures d'animaux sur le manteau de la cheminée. Ils s'entendent bien tous les deux.

Jane est à moitié cachée dans les bras d'un homme assez grand qui la sert avec force contre lui. Plus grand qu'elle, il doit se pencher en avant pour l'enlacer. Le visage de l’inconnu est caché par la capuche de son sweat noir.

Ce doit être lui, le fameux meilleur ami de Tom.

 

 

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