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Notes d'auteur :
Et voici le chapitre 2 ! (oui, cette fois j'évite l'attente de plusieurs semaines entre 2 chapitres, sinon cette histoire va vraiment traîner dans mon ordi pendant des mois encore...)

J'espère que ça vous plaira, on commence à aborder vraiment le thème de la "quête" qui était celui de l'AT !

Le mot "oidhreacht" signifie "héritage" en gaélique, et ça se prononce à peu près [aïrokt].

Bonne lecture !
Airmid dut puiser tout son courage dans la terre pour faire face à son père, lors de son jugement. Meurtrier. Traitre. Le dieu guérisseur était agenouillé face à Lug, la tête inclinée, mais ses yeux ne fixaient pas le sol. Airmid le voyait fusiller leur roi du regard, elle voyait ses mains trembler et sa mâchoire crispée. Aucun remords ne semblait l’habiter, pour le crime qu’il avait commis.

- Dian Cécht, ton acte exige un châtiment, asséna Lug. Tu as pris une vie, de la façon la plus parjure qui soit. Ton fils était innocent de tout crime, seule la jalousie a motivé ton geste.

Airmid sentit la colère et le chagrin gonfler son coeur, mais elle ne pouvait s’exprimer. Le jugement revenait à Lug, et à lui seul. Elle ne pouvait que contempler, et songer à son frère si sauvagement assassiné, pour le seul motif qu’il avait dépassé son maître.

- Ma sentence sera la suivante. Dian Cécht, tu seras privé tes pouvoirs.

Un murmure parcourut la foule des Dé Danann présents. Lug demeura impassible, semblant ignorer les réactions à son jugement.

- Je ne te laisse que celui de te guérir. Ne pouvant pas mourir à moins de subir une trahison semblable à celle que tu as infligée à ton fils, tu auras l’éternité pour faire pénitence. Tu seras exilé sous un dolmen, loin de notre terre, où tu purgeras ta peine.

Malgré elle, Airmid éprouva une once de compassion pour son père qui, elle le voyait bien, luttait pour ne pas montrer son désespoir. Dian Cécht se releva, lentement, et redressa la tête, fixant leur dieu droit dans les yeux.

- Les rois ont la mémoire courte semble-t-il, Airgetlám, dit-il en insistant sur le surnom de Lug que lui avait valu son bras d’argent. Miach n’a fait qu’achever mon oeuvre.

- Tu as été récompensé pour cette oeuvre, mais tu as tourné le dos à cette reconnaissance le jour où tu as fait payer à ton fils le talent qu’il avait hérité de toi, répondit Lug, le regard dur et froid.

Le dieu-médecin demeura silencieux. Airmid ignorait s’il acceptait le jugement, ou s’il tâchait de ne pas alourdir sa peine. Elle évita son regard, lorsqu’il leva les yeux vers elle, et ne fit pas un pas vers lui lorsqu’il s’éloigna, entamant un exil qui ne connaîtrait pas de fin.

La sentence était sans appel.



Le bûcher de Miach fut porté jusqu’à la plaine des Piliers, près d’un lac. Lug était présent, le rituel de mort fut exécuté par Dagda. La pluie tombait, se mêlant aux larmes d’Airmid et des autres Túatha. Lorsque Lug mit le feu au bûcher, le crépitement des flammes se mêla à celui des gouttes d’eau sur le lac.

Les cendres de Miach furent enterrées au bord du lac, près de la tombe de Núada comme Lug l’avait souhaité. Le jeune dieu guérisseur reposerait à jamais près du roi auquel il avait rendu toute sa légitimité de souverain. Une pierre blanche émergea des profondeurs du lacs et vint recouvrir le monticule de terre sous lequel dormaient désormais les cendres.

- Miach, que ton esprit n’erre pas trop longtemps avant de rejoindre Tir na nOg, le pays de l’Éternelle Jeunesse, déclama Dagda d’une voix aussi profonde que la terre. Tes exploits seront chantés sur l’île d’Irlande aussi longtemps que ceux qui s’en souviennent vivront.

Il s’interrompit avant de reprendre d’une voix plus douce.

- Airmid, mon enfant, approche.

La jeune femme obéit, le pas hésitant. Dagda prit sa main dans la sienne et reprit :

- Je ne peux pas ramener Miach à la vie. Mais ma magie est assez puissante pour te transmettre ses pouvoirs. Airmid, par la volonté de Núada, ton frère a été élevé au rang de dieu de la Guérison. Je connais tes prédispositions pour la médecine des plantes, c’est pourquoi je pense qu’il est juste que te revienne son statut de dieu. Airmid, je te nomme déesse de l’Herboristerie, et je n’ai aucun doute quant au bon usage que tu feras de tes nouveaux pouvoirs.

Encore abasourdie, Airmid s’inclina devant le druide qui lui sourit chaleureusement. Elle sentit alors une chaleur passer dans tout son corps et, lorsque Dagda lâcha sa main, c’était une force nouvelle qui semblait l’habiter.

- Je m’engage à servir le peuple des Túatha en vertu de l’honneur qui m’est fait, dit-elle en se tenant bien droite. Je perpétuerai le travail de mon frère et transmettrai ses connaissances et les miennes à ceux qui viendront après nous.

Alors les Túatha face à elle s’inclinèrent. Lug et Dagda eux-mêmes lui témoignèrent le respect dû à son nouveau rang et à ses nouveaux pouvoirs en baissant la tête. Puis dans le silence, l’assemblée se dispersa. Tous rejoignirent leurs cairns respectifs, Lug disparut dans un éclat de lumière, Dagda s’évanouit dans la brume avec sa harpe, et bientôt il ne resta plus que Cairdre et elle devant la pierre blanche.

Aussi brutalement que si la foudre la frappait, Airmid sentit s’abattre sur elle tout le désespoir et la peur que les précédents instants avaient quelque peu annihilés. Elle se laissa tomber à genoux devant la tombe de Miach, ses longs cheveux roux trainant dans la boue et son visage ruisselant de larmes et de pluie.

- Je ne peux pas… gémit-elle. Je ne peux pas faire ça, je n’en suis pas capable… Cairdre, je ne serai jamais à la hauteur, je ne suis pas digne du rang de déesse.

- Dagda et Lug croient en toi, Airmid, lui dit-il en s’agenouillant près d’elle. Ils savent que tu peux poursuivre le travail de Miach.

- Mais il en savait tellement plus que moi ! À quoi me servent ses pouvoirs si je n’ai pas le savoir nécessaire pour les mettre en pratique ? Il connaissait les plantes comme personne, et il n’avait même pas trouvé toutes leurs vertus…

- C’est la tâche qui t’est dévolue à présent, Airmid. Peu importe le temps que ça prendra, je sais que tu parviendras à achever son travail et à transmettre ce savoir aux Túatha qui nous succèderont.

Airmid fut prise d’un nouveau sanglot. D’une main tremblante, elle effleura la pierre blanche en murmurant :

- Miach… Je ne peux pas faire ça sans toi… Reviens, je t’en prie…

Cairdre l’entoura de ses bras et elle se laissa aller contre lui, pleurant silencieusement. Ce fut alors qu’un phénomène étrange se produisit… La terre se mit à vibrer, comme si toutes les vies qui s’y trouvaient cherchaient à sortir. Airmid et Cairdre se relevèrent, leurs mains jointes, figés dans la stupeur.

- Airmid, regarde ! s’exclama Cairdre en désignant la tombe.

La jeune femme contempla, ébahie, la pierre blanche se couvrir de feuilles, de fleurs, de branches et de graines. Il semblait y en avoir des centaines de variétés, dont beaucoup qu’elle n’avait jamais vues. Elle lâcha la main de Cairdre et s’approcha de la tombe. Elle n’en croyait pas ses yeux, d’où venaient toutes ces plantes ?

Un étrange brouillard déroba alors à ses yeux tout ce qui l’entourait et dans le vent, une voix lui chuchota à l’oreille : « Voici toutes les plantes qui peuplent notre terre. À toi d’en trouver les vertus, de les nommer, comme je l’ai fait avant toi. Longue vie à toi, petite soeur. »

La brume se dissipa et Airmid se rendit compte qu’elle souriait. La confiance de Lug, de Dagda, de tous les Túatha Dé Danann, n’était que peu de chose face à celle que lui accordait son frère. Elle se tourna vers Cairdre qui parut soulagé de la voir sourire. Tous les deux, ils collectèrent la myriade de plantes qui couvrait la pierre, faisant apparaître une grande besace dans laquelle Airmid disposa délicatement chaque feuille, chaque graine, chaque pétale. Lorsqu’ils eurent terminé, elle contempla la tombe, redevenu blanche comme neige. Puis son regard se tourna vers le soleil au zénith, qui perçait les nuages maintenant que la pluie avait cessé.

Elle voyait se dessiner devant elle la longue route vers la connaissance, vers la possibilité de guérir tous les maux à l’aide de ce que la terre lui donnait. Son voyage commençait.
Note de fin de chapitre:
Voilà, on entre dans la quête en elle-même, celle de la connaissance absolue de l'herboristerie, qui est la véritable essence de la déesse Airmid dans la mythologie celte (quasiment aucun personnage n'a été inventé dans cette histoire, il n'y a que Cairdre, et encore j'étais convaincue d'avoir utilisé un personnage existant mais je ne trouve nulle part ce nom dans les figure mythologiques celtes, donc je suppose que j'ai dû l'inventer !).

Merci d'avoir lu :)
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