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Son instinct de mère a visiblement repris le dessus. Je suis toujours aussi perplexe. J'ouvre la bouche avant de la refermer aussitôt. J'allais presque dire la vérité ! Ce n'est pas une bonne idée. C'est illégal après tout. Ce serait comme confesser un meurtre ! Aucune chance que cela n'arrive.

Et si elle m'interdisait de jouer ? Elle le fera sûrement.

Je ne pourrai pas m'en remettre.

- J'étais avec des amis.

Je suis tout sauf convaincant. Je n'ai jamais su vraiment bien mentir, surtout dans l'état de fatigue et de détachement dans lequel je me trouve actuellement, surtout avec une voix aussi éteinte et rauque que celle avec laquelle j'ai parlé. Putain, si j'avais eu plus de points de charisme, ce serait bien mieux passé. Qui m'a foutu des statistiques de bases aussi pourries ? Je secoue la tête, elle me fait toujours autant souffrir. La vieille pince les lèvres, peu dupe. Pourtant, cela ne semble pas être sa première préoccupation. Elle se saisit de l'un de mes bras et m'oblige à m'allonger sur le canapé, ce qui évidemment, n'est pas de refus. Je me sens comme anesthésié. J'ai même un peu de mal à comprendre tout de suite ce qu'elle dit. Je la regarde, hagard, m'apporter de l'eau, prendre ma température, me donner quelques uns des précieux médicaments de notre réserve. Me voici redevenu son petit Aloïs, malade et inoffensif. Un petit enfant dont les mauvaises fréquentations l'influencent et le tirent vers le bas.

- Tu dois faire attention à ton verre ! Regarde toi, on te l'a dit cent fois, si tu ne fais pas attention, quelqu'un peut facilement glisser quelque chose dedans. Ho regarde toi Aloïs, on dirait un junkie ! J'espère que tu n'en prends pas par plaisir. Franchement ! J'espère qu'il ne s'est rien passé de grave !

Je la laisse inventer une histoire pour moi, je la laisse croire que la drogue m'a rendu ainsi, en deux jours. De toute façon, personne ne sait vraiment ce qu'est la drogue, ici. On n'en voit que rarement, c'est un cher et luxueux produit. J'ai du mal à croire qu'elle me pense capable de me procurer une denrée aussi rare, ou que des étrangers gâcheraient leurs produits pour des inconnus dans une soirée lambda.

Tout de suite les grands mots, tout de suite les grands maux. Je ferme les yeux. Le sommeil me gagne à la vitesse de l'éclair, en plein milieu du monologue de ma mère. Un sommeil noir, lourd, sans une once vie, seulement du vide, rien d'autre. Un repos dans son plus simple objectif : soulager mon corps à bout et mon cerveau endormi.

Quand enfin je me réveille, j'entends mes parents discuter. Ils sont vraisemblablement juste devant moi. Je n'ouvre pas les yeux. J'écoute.

- On ne peut pas le laisser faire quand même, chuchote un peu trop fort la vieille.

- Tu préfères l'empêcher de sortir ? Je le connais, on ne pourra pas le retenir très longtemps. Suivons plutôt mon idée, elle marchera, je t'assure chérie. Il suffit d'un peu de patience et on comprendra vite ce qu'il se trame.

Le silence s'installe, mon géniteur doit sûrement être en train d'enlacer ma génitrice, pour la rassurer. Elle soupire profondément. Je ne veux pas savoir ce qu'ils font, je garde les yeux fermés, je lutte contre le sommeil qui tente de me reprendre dans ses bras, pour m'emmener vers les limbes vides de mon esprit.

Des discussions banales viennent remplacer le sujet de ma terrible addiction à la drogue. Je ne sais que penser de tout cela. Je commence à peine à retrouver des sensations normales et cela me donne toujours aussi mal à la tête. J'ai l'impression que mes sens sont devenus cinq fois plus sensibles, alors qu'ils ne font que retrouver leurs sensations originelles. Mon corps tout entier est fébrile, douloureux et épuisé.

J'ouvre finalement les yeux, la lumière m'agresse la rétine, les couleurs, bien que plus vives qu'avant, me semblent à la fois mornes et agressives. Mes parents, eux, sont toujours devant moi. Ma barre d'énergie est une peu remontée et ma barre de vie est à priori à son maximum. Pourquoi je ne les vois plus sur l'interface ? Peut-être dans les options j'ai du les désactiver par inadve...

Qu'est-ce que je raconte ? C'est la vraie vie ici, Aloïs. Tu peux le voir, tout est fade et triste. Morne et ennuyeux. C'est la vraie vie.

Malheureusement.

- Ça va mieux ? Tu as meilleure mine en tout cas, me rassure la vieille, téléportée automatiquement à mon chevet.

Je hausse les épaules, encore un peu endormi, ou assommé.

- J'ai soif.

Un verre d'eau a tôt fait de se retrouver dans ma main. J'en bois de longues gorgées, le liquide semble glacial, il me brûle l'estomac. J'ai envie de vomir.

Cette journée me semble interminable. Je fais des aller-retours entre la salle de bain et le salon. Ma mère a pris congé pour moi. J'ai dormi à peine deux heures. J'aurais voulu un peu plus. Toute cette maison me semble au minimum de réglages graphiques. La luminosité est basse, les graphismes sont grossiers et surtout l'agencement n'a aucun sens. La télévision ne parvient pas à m'intéresser plus de deux minutes. Reportages, films, séries. Bordel qu'est ce que ça me semble futil. C'est tellement peu interactif. Je tente plus tard de jouer sur la console du salon. J'abandonne rapidement tant les sensations sont inexistantes, la vue, l'ouïe ? C'est tellement obsolète, j'en ai presque pitié.

Ma mère finit, enfin, par m'autoriser à sortir, voyant enfin que j'avais plus de répondant. Je décide d'aller voir Simon et de ne pas retourner directement près de la machine. Je soupçonne ma mère de me suivre discrètement. Je l'ai vue me regarder par la fenètre, je l'ai vue prendre les clés de sa voiture discrètement quand je fermais la porte. Je pense avoir vu sa voiture dans la rue. Je dois être parano, je sais. Je reste simplement sur mes gardes, rien de plus.

Malheureusement, Simon n'est pas chez lui de toute façon. J'opte pour aller voir Maxime et d'essayer de semer ma fichue mère, si elle me suit bel et bien. Maxime, lui, est chez lui.

Je m'ennuie comme un rat mort.

Bon, je réussis à me changer un peu les idées quand même. On boit un verre. Je me sens vide. On rigole pas mal. Quand est-ce que je pars ? On parle de filles, des études, des fermes, de l'avenir quoi. J'ai envie de jouer. Le bon vieux temps avec Simon, le trio qu'on forme depuis toujours. Lucie me manque. Oui, Max, je vais bien merci, je suis juste un peu malade. Je me demande si elle est active quand personne ne joue... Boire une chope avec Simon, danser, draguer.

Je lui demanderai la prochaine fois en y retournant.

Mais bordel de merde sors de ma tête ! C'est comme si il s'était attaché à moi avec des menottes et qu'il avait avalé la clé ! Je bois pour tenter d'oublier cette obsession imposante qui pèse sur mes épaules. Ce liquide n'a vraiment aucun goût, qu'est-ce que c'est exactement ? De l'alcool ? Je n'en sais rien.

Quand je rentre, il fait noir, et je suis saoul. Je suis une merde. Je ne peux pas rejoindre Lucie. Je sais qu'elle m'appelle, je l'entends, même si mes sens ne sont pas encore tout à fait remis. Elle veut que je revienne. Et je suis à la place allongé dans mon lit, avec la tête qui tourne, l'esprit embrumé, un sourire niais au visage, sous le regard triste de ma mère. Je ne parviens pas à trancher entre le fait qu'elle soit fâchée ou profondément inquiète, ou déçue. J'en sais vraiment rien en fait. Je n'ai même pas l'envie de savoir. Je m'endors rapidement, sans un mot, sans un regard. Un simple repos de mise pour chasser l'ivresse d'un homme égaré loin de son âme soeur.

Bon, j'exagère peut-être un petit peu.

Ce n'est pas mon âme soeur. J'aime bien jouer, voilà tout.
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