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La redescente sur Terre est une des pires sensations que je n'ai jamais vécue. C'est même sûrement celle qui dépasse toutes les autres. L'air frais me brûle les poumons, quand il parvient seulement à rentrer dans ceux-ci. Je respire une fois sur quatre, je suffoque le reste du temps. Mes membres ne veulent même pas me faire le plaisir d'enserrer cette gorge devenue paresseuse. Il fait complètement noir, le casque est toujours sur mes yeux. En fait, je ne sais même pas si j'arriverai à voir quelque chose sans.

La panique monte à grande vitesse. Mon cœur s'emballe. Je n'ai plus aucun contrôle sur ce que fait mon corps, et mon cerveau refuse de remplir son rôle.

De longues, longues secondes s'écoulent sans que rien ne veuille répondre. Je contemple le noir profond, impuissant, sans même avoir l'occasion de crier. Mes membres sont secoués de nombreux spasmes, comme électrocutés sans arrêt. Ma tête me fait souffrir le martyr au fur et à mesure qu'il se décide à traiter les informations et à en envoyer au reste de mon corps, comme s'il refusait simplement de traiter les stimulis. Il n'y a que le néant autour de moi, je me sens faible, ridiculement faible. Mon corps ne m'appartient plus.

Ce qui semble être une éternité passe avant que mon bras ne m'obéisse enfin, tant bien que mal, que mes poumons ne se remplissent d'air à une fréquence plus convenable. J'enlève difficilement le casque. La lumière, bien que faible, m'arrache la rétine. Je parviens à m'asseoir, essoufflé, en nage, la bouche sèche. Mon estomac se soulève, ma tête se met à tourner violemment. Quatorze heures, c'est vraiment long. J'aurais pu vomir, mais je n'ai visiblement plus rien dans l'estomac. Je ne recrache qu'un peu de bile acide à côté de la capsule, avec toute la douleur qui l'accompagne, comme un fer rouge transperçant ma gorge. De fines larmes roulent finalement le long de mon nez. Mais mon réservoir de liquide s'épuise vite. Je n'ai plus de salive. Je renifle, assis, immobile, à bout.

Je crois que je dois prendre une pause. Quatorze heures avec un seul arrêt, douze heures sans aucune, et voilà ce qui est arrivé. Habituellement, je fais des sessions de quatre ou cinq heures. Je ricane malgré moi, la bouche sèche et le cœur toujours en plein concert de rock, quand il ne rate pas simplement un battement. C'était tellement prenant...

Mais maintenant, je sais.

J'ai retenu la leçon, vraiment.

Je mange et bois avec difficulté, mon estomac daigne à se délier pour accueillir ce que j'ingère. Je ne goûte rien, cela n'aide pas à trouver de l'appétit. Je ne ressens même pas un goût vague, comme dans le jeu. Tout n'est que sable tiède dans ma bouche. Je mange sans manger, sans plaisir, sans sensation de délivrance. Au moins, mon ventre est rempli. C'est tout ce qui compte pour le moment.

Tenir sur mes jambes fut une épreuve également. Mes muscles n'ont rien fait pendant presque deux jours, ils sont mous et ankylosés. Des marques rouges parsèment mes bras et mes jambes, là où ceux-ci étaient en contact avec le matelas de la capsule. Je suis tombé une bonne dizaine fois sur la route, sans aucune autre raison que l'absence de réponse, de coordination ou simplement de résistance de mes genoux ou de mes jambes. J'ai regardé mon téléphone, quelque peu anxieux. Mais finalement, j'avais raison, il s'agissait simplement de mes amis qui me proposaient d'aller acheter de l'alcool, un camion venait d'arriver. Dans les messages suivants, ils se plaignaient que je ne réponde pas, puis qui m'annonçaient qu'ils iraient sans moi. J'espère qu'ils ne m'en veulent pas trop. J'invente rapidement une histoire de batterie à plat et de fête privée. Je m'excuse, sans pour autant être réellement honnête.

C'est pas que je ne suis pas désolé. Mais j'avais réellement mieux à faire. Je ne peux de plus pas leur en parler, ils pourraient me dénoncer aux autorités. Et je finirais ma vie en prison, à faire des travaux d'intérêts généraux.

Quoique ça ne changerait pas grand chose à la vie qui m'est destinée.

J'ai vécu une expérience que personne ne vivra plus jamais. Et j'en suis fier, même si j'étais effrayé il y a quelques instants. Même si j'ai cru que j'allais étouffer et mourir là, seul. Heureusement, ce n'était pas le cas. Et ça ne sera jamais le cas, car je sais me contrôler.

C'était marrant. Ouais.

C'était très marrant, même

Je prends du temps, pour rentrer. La fraîcheur du matin n'aide pas du tout à remettre mes muscles en état de marche. À sept heure, le soleil s'est déjà timidement levé. L'horrible pression qui me comprime le cerveau ne veut pas s'en aller. Un zombie, voilà ce à quoi je dois certainement ressembler. Les lève-tôts se retournent à mon passage comme si j'étais une très jolie fille. Même si leurs regards étonnés, voire effarés pour certains, me laissent présager de la tête que je dois avoir.

Quand j'arrive devant la porte de chez moi après un pénible voyage, (bon sang, pourquoi n'ai-je pas débloquer les voyages rapides, ici?) je ne suis pas à l'aise. La voiture de ma mère est là. Je suis parti un jour entier, voire deux, je ne sais même plus quel jour nous sommes. Elle a eu plus que le temps nécessaire pour préparer sa vengeance, sa vengeance implacable. Même si je n'ai pas peur de ma vieille mère estropiée, je suis anxieux.

Qu'elle ne me prive pas de sortie, pitié. Je n'ai pas envie de sauter par la fenêtre, mes jambes n'apprécieraient surement pas, les dégâts de chute ne pardonnent pas, ici.

J'ouvre finalement la porte après avoir pris une grande inspiration. Elle glisse sans un bruit. J'imite la porte pour me déplacer dans la maison. Je ne suis qu'une ombre, en déplacement furtif. Malheureusement, ici, je n'ai pas de carte pour repérer mes ennemis. La vie est bien triste, dans la réalité. Je soupire doucement. Il n'y aurait personne ? Toutes les lumières semblent éteintes, les rideaux sont tirés, tout est calme et endormi. Elle est peut-être partie courir, quelque chose du style. Quel jour sommes-nous encore ? Je n'en sais toujours rien. Probablement la fin du weekend. Je n'entends que le bruit rauque, sifflant et difficile de ma respiration. J'ai une petite chance de lui raconter que je suis rentré tard hier soir. Je n'ai juste qu'à aller jusqu'à ma chambre et ...

- Te voilà.

Je me fige au son dans mon dos. Ma mère. Sale vioque, elle m'a tendue un piège ! Sa glaciale intonation me ferait presque frissonner si je l'entendais distinctement, ce qui n'est pas le cas. Si je n'avais pas été attentif au moindre son, il est possible que je ne l'aie même pas entendue. Elle est toujours en colère. Ou à nouveau ? Je me retourne, résigné à me prendre une nouvelle claque. De toute façon, les sensations ne sont toujours pas vraiment revenue, je ne sentirais pas grand chose. Je regarde ma mère en peignoir, elle sortait sûrement des toilettes ou elle est apparue soudainement comme un monstre dans un donjon. Elle me regarde durement. Mais, soudainement, sa colère fond comme neige au soleil. Elle s'approche de moi avec empressement. Sa main touche mon visage mais cette fois-ci pas pour me gifler. Je ne comprends pas directement ce qu'il se passe. L'inquiétude a complètement remplacé le sermon qu'elle avait certainement préparé dans sa tête bien longtemps auparavant.

- Mon dieu, mais qu'as-tu fait pour être dans un tel état ?!
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