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Nous sommes le 05 mai.

Aujourd'hui, nous célébrons le vingt quatrième anniversaire de la libération humaine et de la destruction des IAs, la Purge, comme on l'appelle. C'est ainsi qu'ouvrent tous les journaux, ce matin. Sobre, solennel et à la fois empli d'une fierté illégitime.

Aujourd'hui, c'est jour de congé, c'est fête nationale, c'est commémoration, c'est heureuse nouvelle pour les écoliers et moment de repos bien mérité pour les travailleurs. Une partie d'entre eux en tout cas, les fermiers eux, peuvent bien aller se faire voir. Les champs ne se cultiveront pas tout seul après tout. Quant à ceux qui ne sont ni travailleurs ni fermiers, ni étudiant ni retraité, c'est un jour comme tant d'autres, bien que bien plus énervant. Un jour noyé sous les reportages, les documentaires, les émissions spéciales, les diffusions des cérémonies organisées aux quatre coins de la Grande Nation dans lesquels on nous rabat les oreilles avec ces histoires de révolte des Intelligences Artificielles, des millions, des milliards de morts, le cerveau fondu par des ultrasons, électrocutés chez eux ou à leur lieu de travail, tués par des robots de service fous et j'en passe. Vint ensuite la contre attaque électromagnétique humaine, les victoires, la disparition des IAs et de toutes les technologies correspondantes; les serveurs de maintenance, les satellites, les voitures intelligentes, les maisons automatisées, les robots évidemment. La réalité virtuelle immersive.

Ah ! Quand je pense aux milliers de victimes que ça a pu causer, cette RVI, comme aiment appeler ça les médias. Ils aiment bien ça, raccourcir tout. Être efficace et rapide. Être flemmard.

Ça a bien failli anéantir la race entière.

Mais tout va bien maintenant, plus aucun danger en vue, le retour à un mode de vie manuel, artisanal et campagnard. On est bien chez soi, en sécurité, à l'ancienne. On se relève, difficilement, mais on se relève. On est toujours là, l'Humain n'est pas mort, il renaît, encore et encore.Il se redresse, souvent en retard, mais il se redresse, muni de sa frêle canne pour le soutenir.

Il y a bien longtemps, l'Homme s'était péniblement redressé grâce à la canne de l'écologie. Il a réagi en voyant les eaux engloutir des pans entier de son territoire, les animaux disparaître les uns après les autres à cause de la pollution, les hommes mourir, les poumons pourris par l'air vicié. Quelle belle époque c'était ! Un beau pays à nouveau vert, à la fois extrêmement technologique et non polluant. Je ne dis pas que tout était rose non plus, beaucoup d'interdictions avaient propulsé tout une partie de la civilisation dans la pauvreté, tandis que d'autres s'étaient enrichis à outrance, heureux élus du gouvernement pour soutenir la production des futures technologies écologiques ou des produits déjà existants mais boudés par toute la population jusqu'au jour fatidique où le choix ne leur a plus été permis.

C'était cela, ou disparaître.

On m'a appris tout ça à l'école, comme tout le monde. C'était il y a des décennies, des siècles peut-être, je ne sais plus. La terraformation de Mars avait à peine débuté, à l'époque. Maintenant que nous sommes si peu sur Terre, Mars n'est plus une préoccupation. La Planète Rouge a été abandonnée, laissée sur le Nil, dans un panier en osier, vers une destinée que le conseil espère clémente.

Puis de toute façon, on a plus de nouvelle de la colonie depuis la guerre.

Oh pardon, il parait que c'est tabou, par ici, de parler de l'hypothétique morts de milliers de personne sur une autre planète. Par contre, celle des milliards sur Terre, on en fait souvent tout un foin. Après tout, c'est loin, Mars et on ne dispose de plus aucun moyen d'y accéder, depuis que tous les systèmes spatiaux ont été détruit, ainsi que les vaisseaux. Ainsi que tout en fait. Ils ont juste supposé que les gens là haut était dans le même pétrin que nous. Sauf qu'eux ne pouvaient pas cultiver quoique ce soit sur une planète encore stérile naturellement sans machine assistée.

Ça sous-entend ce que ça veut sous-entendre.

N'en parlons pas. Ils sont si loin. À force de le taire, on finira bien par l'oublier, par tous les oublier. Et on se sentira moins coupable, moins triste, pour tous ces gens là haut.

L'Humanité a fait son deuil il y a déjà des années.
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