L’immensité de ton corps se dessine sous mes astres et, mon amour, je t’envoie ma flamme.
Geb, l’homme terre, le divin roi. Tu portes nos enfants et les protège de mes humeurs noires. Tu habilles le monde de milles couleurs qui ne cessent de ravir mes sens. Tu es vivant, mon époux, et de cette faune et flore dont tu as enfanté, tu m’habilles des plus belles merveilles. Le vent emporte milles odeurs et feuillages jusqu’à mon céleste corps, tu fais naitre les oiseaux dans l’unique but qu’ils viennent chatouiller mon être de leurs plumes. A travers les âges, nous avons appris. Nul besoin de paroles, de cris, de lettres. Lorsque je pleure, c’est tout ton être qui tremble. Tu fais chavirer des villes et des montagnes dans l’unique but d’apaiser ma peine. Tu me donnes chacune de tes pensées, chacune de tes décisions et pourtant… Pourtant si je brule sous les rayons d'Atoum, n’est-ce pas toi le plus décharné ?
Nos enfants si égoïstes, si destructeur. Lorsque je vois la douleur qu’ils t’infligent et que ma colère éclate en orage, mon amour, mon doux amour, apaise mon cœur d’un éclair. Protège-les de mes humeurs sous les hautes frondaisons des arbres, sèche leurs larmes et avec moi soit ferme. Tu es si fort face à ton destin malheureux, et moi, pauvre déesse céleste, je suis d’une aide si faible.
Je les observe chaque jour piller tes ressources, piétiner ce monde que tu as créé au prix de maintes efforts. Mon impuissance m’écrase et me déchire. Parfois, je t’aperçois entre deux monstres de métal qu’ils étendent sur ta surface, décimant forets, verdure et espèces. Combien de fois ont-ils pillé ta divine surface pour violer ton essence et la transformer en une fumée noire à l’odeur âcre ? Combien de fois ont-ils exploser tes montagnes majestueuses à coup de dynamite, dans une stupide et inutile quête de temps et de puissance ? N’ont-ils rien appris ?
Mon amour, mon frère, mon âme, je t’observe de toute ma hauteur et je souffre. Nous, le temps, nous avons fini par en faire notre tribut. Trois cent soixante jours de distance inhumaine, cinq jours de bonheur. Ne sommes pas les plus puissants dans la force de nos retrouvailles ? Combien d’ouragans, de sécheresses, de vagues glaciales nos quelques heures d’amour ont-elles entrainées ?
Ils ont cru défier notre affection en nous rendant opposé, mais ne sommes-nous pas au-dessus des pauvres mœurs de l’Air et de l’Océan ?
Nous sommes nés ensemble, mon jumeau. Nous sommes nés pour nous aimer, pour nous unir. Shou et Tefnout nous engendrés par ambition, mais nous avons créé la vie et la mort par un pur et simple amour. Nous étions souverains et dans leur jalousie, ils t’ont fait Terre pour que je sois Ciel. Ont-ils touché leur but du bout des doigts, juste avant que je ne leur ravisse leur maigre victoire ?
Dans une déflagration, grâce à un unique pacte, j’ai créé l’Arche. Un marché superflu pour notre père l’Air, cinq jours de plus pour le temps. Une année ne faisait que trois cent soixante jours, j’en ai imposé cinq de plus pour nous. Arche divine, unique entité capable d’un miracle. Cadeau de Shou lorsqu’il sépara ses enfants : nous. Il m’offrit cette liberté d’engendrer une entité lorsque, dans ma fureur, j’eusse déchainé ma rage, lorsque les flots détruisirent ses œuvres, lorsque tu t’associas à moi pour faire naitre des vagues plus hautes que des montagnes. Il a voulu nous détruire, mais n’a pu atteindre notre unité, notre complicité. Oh, mon amour… Existe-t-il plus grande merveille que cette Arche ? Cette Arche qui nous prend tant pour combler nos deux cœurs déchirés.
Mon marché était simple. Cinq jours pour nous, une éternité de plus pour le temps. Les Hommes y ont vu la clé de tous leurs vœux. Nous avons gagné cinq jours mais pour eux… Si les obstacles les menant jusqu’à elle ne parviennent pas à leur prendre la vie, il la perde en passant dans son ombre. Leur âme distribuée à travers les époques et les individus répare des erreurs divines. Notre pacte rétablit l’équilibre de l’univers et nous, nous gagnons quelques instants d’ivresse passionnelle.
Combien ont succombé aux rumeurs ? N’ont-ils pas largement payé la dette de nos cinq jours de réunion ?
Sous l’Arche, mon amour, chaque année, retrouvons-nous. Gaillards de bonheur. Eternelles étreintes. Brèves heures pour nous, les époux. Cinq jour de chaos dans le monde, s’ils connaissaient la cause de tous leurs malheurs…
Malheurs pour eux, éternité pour Geb et Nout les amants, les jumeaux, les maudits.
Arche de calcaire plus haute et plus majestueuse que Kheops. Je frôlerais la pierre et deviendrais femme, et enfin, mon tendre, lorsque le monde t’aura octroyé quelques congés et que tu deviendras homme, nous pourrons nous unir à nouveau.
Geb, mon amour, je te survole de mon être. Je souffre pour toi et je pleure.
Sois fort, mon bien-aimé. Nos heures viendront et alors, je panserais tes plaies et essuierai de mes cheveux tes larmes.
Sois fort, aussi fort que la passion, l’affection qui nous uni. Aussi fort que notre destin est tragique.
Ta très désirée Nout, éternellement tienne.