Lien Facebook



En savoir plus sur cette bannière

- Taille du texte +

Dreik Varagone se trouvait à un étage de distance, les bras tendus à se faire enlever l’armure d’apparat qu’il était obligé de porter. En face d’un miroir, haut de deux mètres, il ne pouvait pas se rater. Et pourtant, se confronter à son image était toujours aussi difficile depuis la mort de son fils. Toutefois, la venue du devin de l’Empire des Cités Rouges l’intriguait au point de se regarder plus en détail. 


Que venait-il chercher ici qu’il ne pouvait trouver dans son Empire dix fois plus grand ?


Cette armure, symbole de justice en ces terres, prenait toujours plus de temps à retirer. Son écuyer, un jeune qu’il avait sorti de la misère deux sillons plus tôt, s’affairait à desserrer les sangles de cuir du plastron.


– Toi qui m’habilles et me déshabilles chacun des jours où je dois siéger, dis-moi : Qui y a-t-il caché sous cette armure ?


Le jeune garçon aux longs cheveux blonds, qui n’avait que douze sillons, le regarda d’un air incrédule.


– V... vous, messire… répondit-il avec grande hésitation.


Dreik Varagone en fut quelque peu blessé. Mais cette vérité valait dix mensonges des sincères prêcheurs l’entourant, qui auraient, sans nul doute, avec la plus grande sincérité, répondu : « Mais personne, personne ne se cache sous cette armure, notre Saint Juste. ».


C’était une vérité, une malheureuse vérité. Il le savait sans vouloir se l’avouer. De prendre les rênes de la cathédrale de Kisadyn, n’avait pas relevé de sa propre décision, mais de celle de son mentor. Trois sillons s’étaient déjà écoulés, à l’abri sous cette antique armure datant de l’avènement des prétoriens. Et plutôt que de participer aux guerres fratricides, en chair et en os, auprès de son ami Surn Kairn, il n’avait pu qu’envoyer des missives et des porte-paroles qui avaient tous échoué dans leur quête. L’immense sentiment d’impuissance qu’il avait alors ressenti s’emparait de toute sa personne.


La paix survenue entre les Conquérants et l’Empire ne relevait pas de ses actions, mais bel et bien des viles manœuvres de celui qui, en ce jour, patientait dans la salle haute. Le grand gagnant de cette odieuse guerre était l’Empire et les perdants, les Conquérants. Chèl Mosasteh, devin des Trilunes de l’Empire des neuf Cités Rouges était, aujourd’hui, à sa portée. L’être frêle qu’il était, au cou si fin qu’il pouvait le briser simplement en serrant autour son poing, se trouvait là, à côté. La haine peu à peu revenait à chacune des pulsations de son cœur. L’instigateur de tous ces massacres avait osé venir jusqu’ici. Peut-être croyait-il en les légendes qu’on racontait sur son compte ? Comme un enfant, il avait bu à ces sornettes. Mais, Dreik Varagone n’était pas le chevalier défendant la veuve et l’orphelin. Il était le puissant prétorien qui avait affronté des monstres innommables qui à jamais l’avaient changé. Il était le vainqueur des guerres, quel qu’en soit le prix.


L’écuyer retira le plastron en le faisant passer devant le visage du prétorien, lui coupant un instant la vue. Et quand son reflet lui revint, il vit, au fond de ses yeux, cet éclat malsain, qu’il avait fait naître en éliminant de cette terre des centaines d’âmes impies.


– Olivar, tu feras réchauffer le cochon de lait d’hier. Je crois que la nuit sera longue et j’ai grand-faim, tout à coup.


– Bien, messire Dreik, répondit le jeune garçon, au long cou, qui terminait de retirer les grèves rutilantes des jambes du prétorien.


Si les sentiments du guerrier, paré au combat, venaient de refaire surface, il n’en restait pas moins, qu’un étage au-dessus, attendait un être qu’il se devait de respecter. Au moins parce qu’il avait plus encore de sang, sur les mains, que lui.

Note de fin de chapitre:

Depuis 2018, nous publions la saga YURLH sur HPF. Nous préparons un financement participatif en 2025. On a besoin de toi pour faire de ce rêve une réalité : un roman papier.

Joins-toi à nous sur www.yurlh.com

 

Vous devez vous connecter (vous enregistrer) pour laisser un commentaire.