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Si le devin venait à mourir, la mission de Larlh Vecnys, celle pour laquelle la reine pondeuse l’avait élevée, risquait d’être compromise. Et, avec la fin de la mission, les perspectives, d’un jour, devenir elle-même reine pondeuse d’une toile de sorcières, disparaitrait. Non, le devin impérial ne devait tout simplement pas mourir, enfin pas aujourd’hui ni dans les deux sillons à venir.


Le tatouage qu’elle lui avait appliqué, celui qui liait son corps à celui de l’orkaim, aurait dû lui garantir de contrer toutes les formes de maladies. D’ailleurs, Larlh Vecnys se rappelait les nuits où elle l’avait dessiné sur le teint blafard de sa peau, signe qu’il devait être sous l’emprise d’un insidieux mal. Sans nul doute, sans le tatouage et le lien avec ce jeune Hurleur, le devin aurait cédé son âme à la grande faucheuse. Aujourd’hui encore, ce lien lui permettait de lutter, mais pour combien de temps ? Combien de nuits pourrait tenir le corps de l’orkaim avant d’être complètement pompé par le lien du devin ?


De plus, pour Larlh Vecnys, l’un et l’autre se devaient de rester en vie, car l’orkaim garantissait la protection du devin, la source de toutes les réponses aux questions que se posait sa reine. Le devin semblait avoir subi une attaque plus grave que ce qu’elle avait prévu de contrer. Ce vilain vieillard ne s’était pas contenté de rester entre les murs protecteurs du palais impérial. Fort de sa jouvence, il avait dû s’aventurer en des lieux plus dangereux.


Quoi qu’il en soit, Larlh Vecnys devait réagir vite. Toujours les yeux fermés, elle chercha dans sa mémoire laquelle de ses proies pouvait aller épauler l’orkaim dans le défi auquel il était confronté. Il était toujours accroupi à dormir, la tête entre les genoux, dans un sommeil plus que profond, sentait-elle grâce à sa magie. Passant en revue ses proies, son dévolu tomba sur son ancien employeur, celui-là même qui lui avait ouvert les portes des Bulbes de Vérunys, le lupanar où elle avait rencontré, pour la première fois, Chèl Mosasteh.


– Je crains, mon cher Lalaskar, que ta dernière nuit ait sonné.


Ce qu’elle allait entreprendre, en cette journée, allait lui coûter fort cher. C’était la première fois qu’elle allait faire usage de son sort de succion de vie, de cette manière peu commune. Cette variante venait de lui être confiée par sa reine, transcrite par télépathie, tout juste trois nuits plus tôt. En plus d’être en lien actif avec l’orkaim, elle devait aussi réveiller le lien de Lalaskar.


Elle se mit en transe. La sueur commença à perler de ses pores. Craintule, qui était toujours sur elle, prit peur et préféra aller se réfugier en haut du mur, loin de sa maîtresse qui tremblait, les yeux grands ouverts maintenant.


Se plonger dans le corps des autres est une sensation que toute invocatrice de Chaèm apprend à connaître, à arpenter. Mais cette fois, Larlh Vecnys ne venait pas y puiser le trop-plein de muscles ni la célérité des nerfs. Non, Larlh Vecnys venait y étreindre le cœur de Lalaskar, pour le commander de pomper plus vite, toujours plus vite. 


Mais, Larlh Vecnys était de la trempe des dominatrices, celles promises à de grands destins. Aussi, de ressentir le brave prêtre de Vérunys s’essouffler, battre des bras en quête de plus d’air, paniquer d’être soumis à l’inéluctable faiblesse de son corps, ne lui coûta pas une once de compassion. Pire, elle esquissa un sourire. Larlh Vecnys prenait plaisir à se sentir toute puissante, là, assise dans son cocon de soie, d’être en pouvoir de donner la mort par le simple biais de ses pensées. Mais, quelque chose d’imprévu arriva. Lalaskar se mit à prier sa déesse de la luxure, Vérunys.


« Tiens donc ? se dit-elle. Ce n’était pas un imposteur ! » 


Qu’à cela ne tienne, Larlh Vecnys se félicitait même d’exécuter un véritable prêtre. C’était bien mieux qu’un villageois lambda à figurer sur son tableau de chasse.


Lalaskar se mit en prière, dans une posture peu recommandable pour des yeux chastes. Car même si Larlh Vecnys ne le voyait pas, elle ressentait l’ensemble de ses mouvements. Elle aurait pu l’en empêcher, mais cela lui aurait coûté un peu plus d’accentuer son pouvoir. Avec sa main, elle pressait son cœur plus vite encore et de l’autre, elle ressentait celui de Yurlh qui ne battait que trop lentement. Alors qu’elle le faisait palpiter plus que de raison, l’homme semblait s’être mis, grâce à ses prières, dans un état d’extase, protégeant son organe d’un arrêt imminent.


Larlh Vecnys fut presque furieuse de se voir contrée par une proie qui, pour elle, n’était qu’un vulgaire humain sur sa route. Il n’avait déjà que trop profité d’elle en des temps où elle avait dû s’abaisser à le vénérer pour obtenir ses faveurs. La frénésie de la jeune tisseuse du quatrième fil s’empara d’elle. Et le sauvetage de l’orkaim se transforma en un combat pour éteindre définitivement la vie de son ancien bourreau.


– Jusqu’où peux-tu aller ? Je vais tellement te le faire pulser qu’il va éclater dans ta poitrine, sale porc ! cria-t-elle à haute voix.


Son cœur martelait à en faire vibrer ses côtes. La sueur avait envahi le visage du prêtre adipeux. Il déchira de douleur sa chemise en hurlant.


Quelle sensation étrange venait de percevoir l’invocatrice de Chaèm ? Comme une sorte de délivrance. 


« La mort serait donc une fin heureuse, sur ce monde où la douleur domine ? se fit-elle comme réflexion, en se satisfaisant d’avoir vaincu. »


L’autre cœur, celui de l’orkaim, avait repris un rythme plus paisible. 


« Une fois encore, un être s’éteint pour qu’un autre s’éveille. Comme c’est exaltant d’être de ceux qui choisissent le destin des autres ! continuait-elle de penser. »


Et puis, revenant des entrailles du néant, un petit frémissement chatouilla la paume de la main fantomatique de la sorcière. Le cœur de Lalaskar se remettait à battre, doucement, après un long arrêt de plusieurs secondes.


« Tu es plus résistant qu’un phacochère ! »


Heureusement, sa colère s’était estompée. Elle avait repris de penser comme la calculatrice invocatrice qu’elle devait incarner.


« Parfait, quand j’aurai besoin d’énergie, je saurai quel cœur m’attendra pour le pomper. Tu es mon esclave dorénavant, insignifiant petit curé, pensa-t-elle avec tout le mépris propre aux dominants. »


La séance de magie intense l’avait elle aussi épuisée. Mais, afin de s’assurer de son succès, elle prit à nouveau le risque de se plonger dans le cerveau du devin. Sa concentration fut des plus brèves. Car au moment où elle s’immisça dans son esprit, Chèl Mosasteh rouvrit les yeux.

Note de fin de chapitre:

Depuis 2018, nous publions la saga YURLH sur HPF. Nous préparons un financement participatif en 2025. On a besoin de toi pour faire de ce rêve une réalité : un roman papier.

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