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Quand ils tombèrent tous deux dans l’eau du grand collecteur, la lumière de la lampe s’éteignit aussitôt. Seuls quelques rayons de lumière transperçaient le grand cylindre de pierre qu’ils pouvaient voir de toute sa hauteur maintenant. À peine trois mètres au-dessus d’eux, on distinguait la toile avec l’araignée majestueuse tenant entre ses deux pattes avant le comptable qui geignait. Elle l’entortilla brièvement dans du fil de soie avant de le poser au milieu de son piège et revint à l’endroit où son filet était percé. 


Yurlh crut un instant qu’elle allait lui sauter dessus, mais elle s’immobilisa comme pour le regarder et commença le rafistolage du grand trou laissé par l’orkaim. Contrairement au barbare, qui tenait droit vers le monstre la petite anelace, prêt à en découdre, la fillette, qui n’avait pas pied, s’était empressée de rejoindre l’un des quatre tunnels d’où s’échappait l’eau récupérée par le grand collecteur. Elle avait choisi le plus haut des quatre qui servait à déverser le trop-plein en cas de forte pluie. Il avait bien fait son travail et se trouvait maintenant presque à sec. Yurlh la rejoignit et se mit hors de l’eau, mais toujours en observant d’un œil la menace qui vivait au-dessus. 


La gosse présenta une mèche devant la bouche du barbare. Machinalement, Yurlh se mit à souffler, tout en ne lâchant pas du regard la mygale qui tissait sa toile. Le trésorier impérial, bien que poignardé et gorgé de venin, continuait à murmurer la complainte du mourant. Par soubresauts, il reprenait du souffle et tentait de lancer des mots formant des phrases incompréhensibles. 


Yurlh avait tellement entendu les râles des blessés sur les champs de bataille, qu’il en était blasé et n’éprouvait, pour cet étranger, aucune compassion. Au moment où la fillette ralluma la lampe, un symbole dessiné sur une brique l’intrigua. Pour mieux l’appréhender, elle en rapprocha la lumière et, d’une petite main fine, elle le toucha d’une manière tendre.


– C’est… le symbole… des trois spectres


Yurlh se retourna et vit les larmes luisantes glisser sous ses yeux, le long de ses joues blanches.


– Nous sommes sur leur territoire, lui dit-elle en le fixant.


– Ils peuvent aider nous, non ?


– Non… Nous devons quitter au plus vite ces tunnels. Ils sont dangereux.


– D’accord, lui répondit Yurlh en écrasant doucement une grosse larme comme pour la consoler.


Ils s’enfoncèrent tous deux dans le couloir qui s’offrait, laissant derrière eux les gémissements de la mort interminable du comptable. La lampe éclairait le plafond bas, d’où gouttait encore l’eau évacuée de l’orage. Seuls résonnaient leurs pas dans le ruissellement d’eau au centre du couloir incurvé.


Du silence inquiétant de ce dédale souterrain, l’écho d’une voix se réfléchit sur les murs. Alors que la fillette se figeait pour ne plus faire de bruit, Yurlh tendit l’oreille à droite, à gauche, pour mieux l’écouter. Le barbare passa au-dessus de l’enfant qui, d’une main, tenta de tirer sur son pagne de peau, comme pour lui intimer de ne plus bouger. Mais Yurlh avançait dans l’espoir de trouver celle qui parlait d’une voix si douce à ses oreilles.


– Reviens… C’est les trois spectres… chuchota la fille espérant ainsi stopper le colosse.


Yurlh n’en avait nulle envie, il cherchait. Il arriva devant un petit tunnel à mi-hauteur perçant le mur, où seul un enfant pourrait se glisser. De là, il vit des halos de torches qui se rapprochaient, dans un couloir qui devait être parallèle au sien. Dans la lumière passa une personne vêtue d’une esclavine au capuchon recouvrant sa tête.


– Moïma, dit Yurlh, stupéfait de croiser, en ce lieu désert, celle pour qui il avait entrepris toute cette aventure.


La femme qui parlait n’entendit pas le barbare et continua sa discussion jusqu’au moment où Yurlh cria :


– Moïma !


Cette fois, elle avait bien entendu et ses deux acolytes aussi. L’un d’eux se précipita vers le tunnel, qui n’avait la taille que d’une fenêtre, et l’éclaira avec la torche. Yurlh lui montra son plus beau visage ou plutôt ses plus belles dents, car le haut était toujours coiffé du bassinet. La lumière du feu intense l’éblouit. Et quand il rouvrit les yeux, elle était déjà partie. Mais, il n’avait pas rêvé, car il voyait la lumière s’éloigner.


– Moïma ! cria encore une fois l’orkaim au travers du goulot. 


Ne voulant pas la perdre une seconde fois, il courut vers la gauche espérant trouver un couloir qui rejoindrait celui de sa mère.


– Yurlh, attends. Ce n’est pas ta mère.


Mais, l’appel de la jeune fille était vain. Elle dut aussi courir pour ne pas le perdre dans les ténèbres. Ses recherches furent couronnées de succès. Il trouva un couloir qui devait rejoindre le leur, puisqu’il voyait la lueur de la torche. Accélérant ses pas, il les vit entrer par une porte qui reflétait la lumière. Mais il n’arriva que trop tard, car elle se referma devant son nez.


– Moïma ! frappa-t-il de ses deux poings sur la porte, désespéré qu’elle l’abandonne une fois encore.


– Moïma ! 


Malgré ses insistantes demandes, la porte ne se rouvrit pas. Le bruit du métal vibrant contre la pierre, dans laquelle la porte était enchâssée, résonnait au rythme des coups de poing du barbare. 


Et la fillette le rattrapa, lui apportant la lumière de sa lampe à huile. Yurlh martelait toujours jusqu’à se coller la tête contre la porte et plier les genoux de désespoir.


– Moïma… Pourquoi abandonne moi ?


La grosse tête de l’orkaim était maintenant à la hauteur du visage de l’enfant. Elle vit bien glisser du dessous du bassinet, les larmes de tristesse. À la manière d’une sœur, elle les lui essuya.


– Ce n’est pas ta mère, Yurlh…


Comment pouvait-elle le savoir ? Elle qui n’était qu’une enfant rencontrée par hasard ?


– NOONN !! lui hurla dessus Yurlh.


– Comment ouvrir… porte ? dit-il en tentant de glisser l’anelace entre le chambranle de la porte métallique.


– Regarde Yurlh. Ce sont les trois spectres, parlait calmement l’enfant en éclairant de sa lampe le symbole bosselé en forme de roue dans laquelle trois visages, à la bouche déformée, criaient ensemble de douleur de n’avoir qu’un seul front fusionné.


– Nous devons quitter leur territoire au plus vite, retourner au port, essayait de le convaincre la jeune fille.


Désespéré d’être aussi près du but sans pouvoir l’atteindre, Yurlh resta accroupi au pied de la porte, à pleurer. La fillette était incapable de le tirer, bien qu’elle tentait. Rien que le bras du barbare était trop lourd à déplacer, alors même qu’il le laissait ballant de chagrin. Elle finit par s’assoir contre lui, en espérant lui apporter un peu de réconfort.

Note de fin de chapitre:

Depuis 2018, nous publions la saga YURLH sur HPF. Nous préparons un financement participatif en 2025. On a besoin de toi pour faire de ce rêve une réalité : un roman papier.

Joins-toi à nous sur www.yurlh.com

 

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