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Le ciel autour avait noirci, prenant peu à peu la couleur des fonds marins. Le visage de Kwo, couvert d’embruns, était crispé d’inquiétude. La tempête grossissait et son seul salut résidait à suivre la cadence imposée par les tambours de Kumba. Car quel autre choix avait-il ? Se lever pour fuir, où ? L’océan les encerclait, autour, jusque dans les profondeurs, et même au-dessus de sa tête. Il était hors de question de lâcher cette rame, seul objet qui le rattachait à un semblant d’espoir.


Mais quelque chose manquait, car au fil des gifles données par les flots, son cœur semblait s’emballer, serré par la peur. La peur de mourir l’avait gagné et rien autour ne la lui ôtait. Rien, ni personne. Et quand le premier éclair tonna, juste au-dessus de leur tête, Kwo rentra la sienne, le plus profond qu’il put entre ses épaules. Seul, sur son banc, à serrer sa rame comme si elle était son dernier lien avec la vie, il était terrorisé. 


Mourir ainsi n’était pas ce qu’il avait imaginé. D’ailleurs, il n’avait jusqu’à aujourd’hui rien imaginé de sa mort. La vie était pour lui une suite d’aventures dont toutes devaient se solder par le succès. Mais ici, sous les assauts incessants de Worh, le seigneur des profondeurs, il se sentait à chaque ramée, un peu plus aspiré par l’océan. L’espoir, qui jusqu’alors l’avait toujours habité, avait pris la poudre d’escampette.


« Ô dieu de la chance, j’ai manqué à ma promesse de te faire offrande, je le sais. »


Et un éclair trancha le ciel de ses feux ardents, dessinant en silhouette tous les pauvres esclaves sur le fond noir de la mort. Kwo ravala sa salive. Xyle était-il déjà en négociation, là-haut avec Worh, ou en dessous ?


« J’ai manqué à ma promesse, non pas par avarice mais pour te faire honneur. »


Un second éclair zébra le ciel, suivi presque instantanément par le tonnerre, écrasant chacune des pauvres âmes, toutes destinées à être engouffrées.


« Non, je ne mens pas. On a défiés une armée tout entière ! »


Un troisième éclair craqua sur le côté, illuminant la mer déchaînée qu’il pouvait observer par le petit sabord d’où sortait sa longue rame.


« On a gravis les murs de la plus haute prison, pour s’échapper par son sommet. »


Un quatrième éclair déchira la noirceur qui les enveloppait comme un linceul.


« Et là-haut, on s’est jetés dans le vide, car je nous savais portés par ton doigt ! »


Un cinquième éclair sortit du ciel pour rejoindre la mer, juste devant la Squale, et auréola de sa lumière le colosse qui descendait pour le rejoindre.


« Ô Xyle ! »


Et la foudre frappa une dernière fois, en même temps que le tonnerre assourdissant, écrasant de sa puissance tous les corps en dessous d’elle. S’accrochant au mât, elle l’entoura d’une lueur vive et crépitante jusqu’à sa base où elle explosa.


Sous ses yeux ébahis, le mât, symbole de force du navire, partit en pièces, fendu du haut jusqu’en bas, dont une moitié allait s’abattre droit sur lui.


Kwo écarquilla les yeux, stupéfait d’avoir eu réponse à ses prières.


« Ce n’est pas tous les jours qu’on communique avec les dieux, pensa-t-il. »


Mais, alors qu’il reprenait pied dans le monde réel, il vit la partie du tronc de bois lui tomber dessus. L’éviter était impossible, alors il brandit sa rame, comme une croix, pour bannir la mort que Worh voulait lui infliger. Fermant les yeux en serrant les fesses, suppliant que cette moitié de mât ne soit pas trop lourde, il ne put qu’attendre l’inévitable impact. Mais au lieu d’un grand fracas et d’un poids écrasant, il entendit le grand râle de plein effort qu’il connaissait bien, suivi d’une haleine de gaillard qui sentait la faim.


– Yurlh ! cria Kwo en rouvrant les yeux pour contempler son ami, les trapèzes gonflés à bloc, retenant la pièce de bois de la taille d’un tronc.


Lui ne semblait pas aussi heureux que Kwo qui voyait encore, en le barbare, la manifestation de son protecteur.


« Ô Xyle ! »


N’y tenant plus et incapable de sortir un mot, ne voyant pas son ami quitter son siège, l’orkaim poussa sur ses cuisses et projeta la partie du mât sur le banc derrière, écrasant par là même deux des trois rameurs qui ne comprirent rien à cette punition.


« Ô Xyle ! pria à nouveau Kwo, cette fois en se levant, écartant ses deux bras pour accueillir les vagues débordant la coque, tout en arborant le sourire du dévot. »

Note de fin de chapitre:

Depuis 2018, nous publions la saga YURLH sur HPF. Nous préparons un financement participatif en 2025. On a besoin de toi pour faire de ce rêve une réalité : un roman papier.

Joins-toi à nous sur www.yurlh.com

 

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