– Tu m’as menti, dit-elle simplement d’une voix tout juste audible, tant les cris d’effort sur le navire s’entremêlaient.

Korshac posait encore une main sur les plumes de la dépouille de l’oiseau des mers marmonnant quelques mots. Il tourna la tête.

– Tu m’as menti… Mon enfant n’est pas mort-né, ajouta-t-elle.

Korshac eut l’hésitation propre aux menteurs. Pour se plonger dans ses souvenirs, il fronça ses sourcils sombres.

– C’est toi… qui l’as tué ? continuait Kaïsha d’une voix monocorde, dénuée de passion mais empreinte d’une grande tristesse.

Même si le vent soufflait autour, Korshac l’entendit. Cette tristesse le toucha car elle était toujours sa belle. Elle n’avait jamais cessé de l’être. Démasqué, il fit non de la tête.

– Ce… ce n’était qu’un marmot…

À ces mots, le visage de Kaïsha s’effondra. À ses propres mots, Korshac comprit l’importance qu’avait pour elle ce bébé.

– Tu… l’as… tué… prononça-t-elle, les yeux rougeoyants de fureur.

– Tu n’avais pas… LE DROIT ! lui cria-t-elle à la face, en lui montrant les incisives.

– Tu n’avais pas le droit, répéta Kaïsha en s’agenouillant sur le pont, terrassée d’avoir fait l’erreur de rester sur la Squale pour mettre au monde son enfant.

Korshac ravala sa salive, tremblant à l’idée de lui révéler le véritable sort auquel l’enfant avait été livré.

– Pas l’droit, répétait Kaïsha, cette fois les lèvres emplies des larmes de sa propre faute.

Korshac s’approcha, plia les genoux et lui prit les mains.

– On en fera d’autres, des enfants. Et cette fois, ils seront de moi… ma panthère.

Cela lui faisait tellement de bien de lui avouer son souhait. Mais, ce ne fut ni le projet dans sa bouche d’avoir d’autres enfants, ni même le dégoût de porter sa semence, non, ce fut le ma panthère qui fut de trop à avaler. Kaïsha leva la tête et le foudroya des yeux, de telle sorte que Korshac lui lâcha les mains. Aussitôt, elle se releva et partit dans sa cabine, dans un silence entendu, par l’un comme par l’autre.