Lien Facebook



En savoir plus sur cette bannière

- Taille du texte +

Kwo fit le surpris en s’indiquant lui-même du doigt et se rangea entre les deux gardes à qui il avait demandé la direction du temple. Ces derniers furent confus, mais virent bien qu’il venait de lâcher le semblant de chaîne en tissu qui tenait les poignets de l’imposant komodor. Le temps qu’ils réfléchissent et Morgoth fonçait déjà sur le premier auquel il donna un violent coup d’épaule, le jetant sur les pavés. 


Au second, il lui passa le bras autour du cou et lui envoya son genou écailleux dans le ventre. La broigne annelée du garde rouge n’amortit pas suffisamment la force du zèlrayd. Le gars eut le souffle coupé et tomba à genoux. Dans un cri d’effort, Morgoth se libéra de la chemise torsadée la laissant tomber à terre.


À ce moment, Kwo vit l’unité de gardes rouges ralentir la course et dégainer leurs armes. La bagarre de rue allait vite dégénérer en bain de sang. Il fallait courir. Morgoth, en bon guerrier qui se respecte, avait parfaitement perçu le frottement des cimeterres sortant de leur fourreau. 


– Allez, on file ! cria-t-il en direction de Kwo.


– Tiens, prends ça. Tu vas en avoir besoin, lui dit Kwo en lui tendant le sabre de Kyrlog. 


Dans la foulée, il s’abaissa pour ramasser sa chemise qu’il avait payée si cher. Et, ils se mirent à dévaler la rue du Magnus Kéol, poursuivis de la quinzaine de gardes rouges criant à tout-va : « Arrêtez-les ! » Mais personne ne souhaitait se mettre en travers d’un zèlrayd haut de près de deux mètres et pesant cent-vingt kilos bien tassés. De plus, il était étrange de voir à ses côtés un aomen portant le tabar rouge des troupes impériales. 


Ne quittant pas des yeux la statue de pierre dominant la maison d’Anhouryn, ils continuèrent leur course jusqu’à espérer tomber sur une rue perpendiculaire à la rue principale, au bout de laquelle ils verraient le temple. Hormis la rue du Magnus Kéol qui était assez droite, toutes les autres serpentaient entre les maisons et il était aisé de s’y perdre ou pire de tomber dans un cul-de-sac. Kwo vit plus loin deux prêtresses en toge blanche sortir d’une ruelle.


– Par là, c’est par là ! lança Kwo, sûr de son choix.


La rue était étrangement étroite pour aller jusqu’à un temple aussi imposant se disait Kwo. Mais, de toute façon, ils ne pouvaient pas rebrousser chemin. Les gardes les talonnaient. C’était courir ou se battre, alors ils couraient.


 Tandis que la ruelle descendait et descendait toujours, elle obliqua vers la droite en direction de la rivière. Sur la gauche, il n’y avait même plus de maisons ni de rue, le temple qui aurait dû être là avait malheureusement disparu derrière un grand mur. Dépité, Morgoth se pinça les lèvres et se retourna aussitôt, prêt à faire front. Kwo réfléchissait, ne comprenant pas l’architecture des rues de la cité.


– Allez Kwo, dépêche, ils arrivent !


« Mais pourquoi, c’est à moi de trouver ? C’est lui qui nous a foutu dans ce bousier, réfléchissait-il en même temps de chercher une issue satisfaisante. »


Quand un éclat de lumière, comme venu du ciel, éblouit les yeux de l’aomen. Était-ce un signe divin ? Alors que Kwo n’avait jusqu’ici prié aucun dieu, hormis peut-être Xyle le dieu de la chance, il leva la tête et vit que descendait du haut mur, une prêtresse à la toge blanche.


– Ô merci à toi, murmura-t-il avant de crier à son ami zèlrayd :


– Par ici, il y a un escalier dans le mur !


Ils le gravirent aussi rapidement que possible même s’il faisait la largeur d’un homme et à peine plus. Alors, qu’ils n’étaient qu’à la moitié, les gardes attaquèrent les premières marches, contraints de monter en file indienne. 


Arrivé à la hauteur de la prêtresse, Kwo lui fit un salut révérencieux pour marquer le coup. À ce moment, il vit la larme de cristal qu’elle portait autour du cou, celle qui lui avait fait un clin d’œil lumineux. Morgoth, en passant à côté, ne put s’empêcher de la frôler, même s’il fit tout pour se rendre le plus fin possible en se mettant de biais. Une aura impalpable émanait de cette jeune prêtresse. Le temple n’était pas loin. 


Enfin au sommet des marches, délivrés de la hauteur du mur leur bouchant la vue, ils purent admirer toute la splendeur des gigantesques tours blanches de la maison d’Anhouryn. Depuis l’est, les rayons de soleil tapaient sur le revêtement en chaux des murs et ensoleillaient la place tout autour. Devant le temple s’étalait un immense jardin luxuriant aux fleurs multicolores. La lumière solaire faisait chanter les couleurs. Ce spectacle fabuleux attirait chaque matin des centaines de croyants. 


Kwo, lui aussi émerveillé, n’en oublia pas moins la troupe de gardes qui les poursuivait. Il prit de suite la direction de l’entrée du temple qui à en croire sa taille rivalisait plutôt avec la splendeur d’une cathédrale. La cavalcade des gardes aux trousses de nos deux fuyards, perturba la quiétude des jardins et de leurs prêcheurs. 


De part et d’autre des portes élancées s’étendait un tapis d’herbe, percé de tulipes jaunes et blanches sur lequel était agenouillée une femme. Comme à chaque matin, et ce matin plus que tout autre, elle rendait grâce au soleil.


Morgoth et Kwo passèrent juste derrière elle et arrivés devant l’entrée, n’osèrent pénétrer à l’intérieur. Ce ne pouvait pas être les portes de bouleau blanc qui les en empêchaient puisqu’elles étaient grandes ouvertes. Non, c’était autre chose. Et, ils n’avaient pas le temps de comprendre ce qui avait ainsi stoppé leur course. La troupe de gardes impériaux se déploya juste derrière eux et toujours le même gradé hurla :


– Vous êtes cernés. Maintenant rendez-vous, scélérats !


De derrière, une voix douce s’éleva. Elle n’eut nul besoin de crier pour être entendue. En chacun d’eux, les combattants firent le silence pour l’écouter.


– Qui donc cernez-vous devant les saintes portes de la paix ?


L’énor se retourna, et d’une voix plus mesurée, répondit :


– Ce sont des espions Conquérants, des ennemis de l’Empire.


La jeune femme à la peau sombre resta agenouillée et continua de parler, dos aux gardes.


– Je ne vois que des hommes qui cherchent asile.


– Je suis désolé de vous importuner au sein de votre temple, mais je dois les arrêter pour les jeter en prison, continua-t-il en désignant à deux de ses soldats de saisir les hommes et les armes.


Tout combat était vain à quinze contre deux. De plus, Kwo était exténué. Cette course dans Ildebée avait réveillé la fatigue de la nuit passée à se battre et Morgoth lâcha son sabre de Kyrlog. 


Morgoth regarda l’arche de la porte. Il avait échoué si près du but. Surn Kairn ne recevrait jamais les soins qui auraient pu le sauver. Un garde tira sur le bras de Kwo qui, dans un réflexe, saisit l’anneau de cuivre en forme de larme servant surement à toquer. 


– Allez crapule, ne fais pas de résistance. Il pourrait t’en cuire !


À ce moment, la jeune femme se retourna et éblouit les hommes de ses yeux verts.


– Dans quelle langue dois-je le dire pour que mes vœux soient exaucés ?


– Quoi ? interrogea l’énor visiblement décontenancé par la frêle femme qui le défiait.


– Je vois deux hommes fourbus qui cherchent asile. Et asile, je leur donnerai, moi la donneuse de vie de la Maison du Soleil d’Ildebée.


À ce moment, Morgoth attrapa l’anneau de cuivre de la porte, comme pour répondre à ses paroles.


– Ils sont armés et dangereux, tenta encore de convaincre l’énor.


– Des armes, je n’en vois pas. Seuls vos hommes en brandissent.


– Mais… mais…


– Maintenant, voudriez-vous bien quitter ce lieu saint ? Ma patience n’a que trop duré. 


La donneuse de vie se leva et fit mine de clore la discussion en écartant les mains devant elle. Même si l’Empire du Magnus Kéol régnait en toute puissance sur les neuf Cités Rouges, dont Ildebée faisait partie, l’énor connaissait comme tous le pouvoir des cultes. Et celui d’Anhouryn, déesse de la fertilité, était l’un des plus importants, sinon le plus important de tous.

Note de fin de chapitre:

Depuis 2018, nous publions la saga YURLH sur HPF. Nous préparons un financement participatif en 2025. On a besoin de toi pour faire de ce rêve une réalité : un roman papier.

Joins-toi à nous sur www.yurlh.com

 

Vous devez vous connecter (vous enregistrer) pour laisser un commentaire.