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– Yurlh… Yurlh, tu es vivant ! Vivant… criait une voix aux accents daïkans qu’il connaissait bien. Une voix, qui presque deux sillons plus tôt, l’avait enrôlé de force dans la galère de malheur.


Une ombre plana de tout son long, couvrant le visage heureux de l’orkaim, maintenant sous le charme de cette voix. Kwo, de dos, redoutait le pire et, la tape sur l’épaule d’une perche sortie de nulle part, donna la triste réponse à sa question.


– Attrape la perche, banane… si tu n’veux pas finir ta vie dans c’trou à rats, gueula une autre voix, pas peu fière.


Kwo enroula son bras sous l’aisselle du barbare qui flottait, tout juste les yeux et le nez sortant de l’eau. Il saisit la griffe en bout de perche, ustensile de pirate pour rapprocher les navires lors d’abordages, et se retourna. C’était Korshac qui la tenait, arborant le faciès du grand gagnant.


Korshac, c’était lui qui, sans nul doute, avait caché dans le pain le petit crochet, sa façon à lui de glisser l’idée de s’échapper. Et non Kaïsha, comme son imagination l’en avait persuadé. Pour sûr, le Grand Blanc n’allait pas se laisser voler deux de ses esclaves. Ajoutée à la sacoche, la note commençait à être lourde. En bon contrebandier, il avait tout manigancé et se tenait prêt à partir.


« Le saut dans le port ne pouvait pas tomber mieux pour nous récupérer, pensa Kwo, tout en se rapprochant de la Squale, avec Yurlh sous un bras. »


Le barbare se laissait flotter, comme hypnotisé par les yeux de Kaïsha, penchée par-dessus bord.


Un filet fut jeté contre la coque. C’était l’échelle consacrée des gens de mer. Même si l’aomen redoutait de mettre un pied à bord de la Squale, il n’avait pas le choix. Sur les quais, la foule avait suivi tout le spectacle, s’amassant en nombre. Derrière, un étendard de la cité, une feuille de chanvre sur soleil d’or, tentait de se frayer un passage. Les archers n’allaient pas tarder à se mettre en poste, sur les pontons.


À peine le filet accroché à la coque, déjà Korshac donnait les ordres de souquer pour quitter le port. Traversant le mur de Daïkans attroupés à les regarder, deux hommes de main de Korshac accoururent et longèrent le ponton vers lequel la Squale allait passer au plus près.


« Il avait pensé à tout, le vieux mérou. Ils devaient être postés à les attendre en bas du marché. Peut-être étaient-ils même prêts à les aider en cas de sortie par les portes. »


Le premier, Yurlh mit pied à bord. Kwo était encore côté coque à regretter cette issue.


– J’ai retrouvé mes six bras. Tu vas retourner à ta place, garçon. Va falloir donner du muscle, lança Korshac tout en lui donnant une tape sur le biceps blessé par la flèche.


L’orkaim n’émit aucun signe de douleur. Kaïsha, encore les yeux cerclés de sang, le regardait, tout en restant à bonne distance. Yurlh aussi la dévisageait. Même si Korshac s’était interposé pour l’accueillir, le barbare ne faisait aucun cas de lui. Tout son être semblait apaisé d’enfin la retrouver. Quelque chose voulait les rassembler mais autre chose semblait immobiliser l’orkaim dans sa volonté de la rejoindre. D’une main, il aurait pu repousser le petit Korshac qui ne lui arrivait qu’au plexus, s’imaginait Kwo.


– Vas-y, prends-la dans tes bras… C’est pas pour ça qu’on vient dix fois de risquer notre vie, gros ballot ? se dit en sourdine l’aomen.


En guise de réponse, le capitaine se rapprocha pour l’attraper par le dos de la chemise.


– Hé toi là ! Faut pas trainer, banane. T’as quelques milliers de coups de rame à me rendre.


Le trapu avait de la poigne, puisqu’il le tira par-dessus le bastingage avec une certaine facilité. Il devait être très énervé, pensait Kwo. Mais Korshac n’était pas bête. Il savait mieux que quiconque que l’orkaim ne le laisserait pas lui faire de mal. Mieux que quiconque, car de toutes les lunes passées sur la Squale, Korshac ne les avait jamais séparés. Néanmoins dans l’élan, non dénué de violence, la chemise se déchira.


– Ma ch’mise… dit Kwo d’un ton mesuré, juste avant de se prendre une tape sur la caboche.


– Elle est à moi. J’crois l’avoir grassement payée… Non ?


Kwo entrevit le noir de ses yeux. Le capitaine n’était pas loin de le rejeter par-dessus bord. Aussi, pour se rassurer, en passant devant son ami, il l’attrapa par l’avant-bras pour aller rejoindre le banc dont leurs fesses avaient creusé ensemble le bois.

Note de fin de chapitre:

Depuis 2018, nous publions la saga YURLH sur HPF. Nous préparons un financement participatif en 2025. On a besoin de toi pour faire de ce rêve une réalité : un roman papier.

Joins-toi à nous sur www.yurlh.com

 

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