Dans l’eau, Kwo et Yurlh étaient aussi à l’aise que dans l’air, c’est-à-dire pas du tout. En plus d’être de piètres nageurs, ils étaient empêtrés dans la demi-voile qu’ils venaient d’emporter dans leur chute. Yurlh tentait les mouvements de jambes qu’il avait appris dans le marais pour rester à flots mais la voile l’en empêchait. Alors, il coulait puis revenait à la surface grâce aux mouvements frénétiques de ses bras.

Quant à Kwo, qui avait passé du temps déjà à chercher sa sacoche en apnée, il ne paniqua pas. Armé de son sang-froid, il plongea la tête à plusieurs reprises pour comprendre comment démêler ses jambes du grand tissu blanc. L’eau translucide lui dévoilait son ami promis à une noyade certaine. Aux bulles d’air qui l’entourait quand il était sous l’eau, Yurlh ne savait pas retenir son souffle. Ce qui convainquit l’aomen d’accélérer sa libération. Enfin, parvenu à dépêtrer ses pieds et ses mains, Kwo revint à la surface. Mais voyant le colosse battre si fort des bras autour pour ne pas sombrer, il hésita à se rapprocher.

Le barbare était maintenant dans une telle panique qu’il ne ferait aucun cas de son aide. Tous ces risques pour terminer noyés, Xyle avait finalement décidé de rire de son disciple que croyait être Kwo. Impuissant, il regarda le grand édifice d’où ils venaient ensemble de s’échapper. En haut, Chamanoukélif et Bomboyoyo les observaient, abandonnés à leur triste sort.

Sûr que s’il parvenait à sortir Yurlh des eaux du port, toute la garde aurait le temps de leur tomber dessus. Mais Kwo n’était plus prêt à transiger avec sa conscience. Et ici comme là-haut, pendu à la voute du marché, il s’était fait un serment. Celui de sauver son ami ou de mourir avec lui.

Dans un élan, accompagné d’une prière à Xyle pour ne pas subir le choc d’un de ces poings destructeurs qui frappaient de toutes ses forces l’eau, Kwo se rapprocha du barbare. Maintenant nez à nez, il lui hurla dans les oreilles :

– Arrête, arrête, Yurlh !

Mais la brute coula devant lui et reprit de plus belle de frapper des mains. Kwo tenta de lui enserrer la taille. Mais, l’orkaim lui attrapa les épaules, essayant de lui grimper dessus pour se sauver de ce piège insaisissable. Sous l’eau, il n’entendit pas ce qui soudainement libéra le barbare de sa panique effrénée.