La respiration puissante de l’orkaim résonnait dans les oreilles de Kwo, encore sous le choc de la violence libérée par son ami. Il l’avait enfin retrouvé. Mais, ce qui brillait sur son dos, ses épaules, n’était pas pour le rassurer. Ces écailles bleues et métalliques étaient la preuve que la magie l’entourait. Une magie étrangère dont il ne connaissait pas les effets. Bien sûr, les contes de son enfance parlaient tous de magie, des flammes sorties des mains d’Éliamzyl, le sorcier du feu, ou d’un éclair tombant du ciel, appelé par Elh Krystarèn, archimage des temps anciens. Mais une hydre tatouée, prenant vie sur le corps d’un orkaim qui ne savait même pas lire, l’aomen s’en trouvait éberlué.
D’où provenait ce barbare pour ainsi porter pareil habit sur sa peau ? pareil tatouage ? Il est vrai qu’il l’avait toujours connu ainsi. Et de tout le temps passé ensemble, jamais il n’avait observé cette armure se mouvoir et briller sur son corps, pas à ce point. Jusque-là, cela avait été, pour lui, juste une impression. Jamais il n’avait pu se dire avec certitude qu’elle avait bougé. Or ici, au fin fond de cette prison, elle se mouvait, comme faisant partie de lui, en glissant sur ses muscles saillants. Elle ondulait au rythme des pulsations du cœur de l’orkaim.
– Grrrh, grogna Yurlh en se retournant.
Partout sur son corps, elle vous regardait de ses yeux opaques et sans vie. Une hydre à douze têtes qui veillait sur son ami barbare, renvoyant les coups de massue comme le bois d’un tronc d’arbre. Il l’avait bel et bien vu et c’était pour lui terrifiant. Terrifiant, car l’humanité de Yurlh, maintenant, était voilée par ce monstre le recouvrant.
– Hrrr, dois sortir… Faim.
Ces mêmes paroles qu’il prononçait tout le temps avaient une tout autre résonance dans l’âme de Kwo. Il n’y voyait plus son frère de ramée, l’être perdu à qui il avait enseigné sa langue. Non, il voyait bel et bien un monstre étranger, entouré d’une magie mystérieuse et destructrice, une magie noire pensait-il en croisant les yeux de l’hydre. Des frissons de peur traversèrent le corps de l’aomen, des pieds jusqu’au bout des doigts.
– Faim, sortir, maintenant !
Et l’hydre se figea, comme pour répondre à ses pensées. Yurlh venait à l’instant de reprendre vie, tel qu’il le connaissait. Kwo cligna des yeux pour s’en assurer. Puis, il se libéra le cou de la lanière et du reste du manche qui y pendait encore. À présent, les sifflets couvraient de leur son strident l’air du marché.