– Debout… debout, tentait encore de le secouer l’aomen vacillant.
Sa tête oblongue dansait devant ses yeux, reprenant lentement de leur lucidité. Au-dessus de son ami Kwo, virevoltant tel un papillon sombre, une languette de cuir s’agitait. Yurlh ne voyait pas plus loin que devant le bout de son nez. Autour, tout était encore flou.
– De… rrhargh… bout, s’étrangla Kwo.
Lequel des deux événements transmirent l’influx nerveux, le sang qui lui était nécessaire pour ranimer ses jambes ? Était-ce la vision de son ami, la gorge étranglée par l’attrape-homme qu’avait passé, au travers des grilles, un garde ? Ou plutôt la volée de coups de gourdins qui s’abattaient sur son dos vouté qui auraient, à eux seuls, brisé toute tentative de rébellion au commun des mortels ? Ou peut-être un peu des deux ?
Quand Yurlh se releva, lentement, au lieu de plier sous la douleur qui n’était là que pour le mater sans l’endommager, les deux brutes redoublèrent de force et de vigueur, espérant réduire cette montagne qui décidait de s’élever sous leurs yeux, inéluctablement.
– Rrrrh rrrrhhh, se mit à vibrer d’entre ses dents serrées, annonçant le summum de l’énervement.
Telle une masse, il s’avança et abattit ses mains sur le manche de l’attrape-homme. Même si le garde était derrière les barreaux, à l’abri de ce monstre libéré, il n’en lâcha pas moins son arme, de peur d’être dévoré. Et quand il reprit ses esprits, conscient d’avoir failli à sa tâche, il tenta à nouveau de reprendre en main son outil d’esclavagiste. Trop tard… le colosse avait brisé le manche en deux. Et dans une fureur destructrice, il s’était retourné pour l’enfoncer violemment dans le ventre grassouillet de l’un des triplés qui, encore derrière, s’évertuait à faire pleuvoir les coups de gourdin.
Le manche n’étant pas taillé pour percer, il fallut déployer une force surhumaine pour passer entre les lanières de cuir et déchirer la peau et les muscles du gaillard. Et quand il ressortit son épieu improvisé du ventre de sa victime, un jet de sang accompagna les hurlements.
– Faim !!! gueula Yurlh à la face du dernier de la fratrie qui ne manqua pas de le frapper en pleine tête avec sa massue de bois.
Le barbare n’esquiva même pas, trouvant que sur son dos, ces assauts avaient la vertu de désengourdir son corps des jours passés sans bouger. Au cri de l’orkaim, le triplé recula. Quelque chose venait d’apparaitre sur le visage du prisonnier, quelque chose qui brillait d’une lueur métallique à la lumière des premiers rayons du soleil. Quelque chose qui lui avait renvoyé la force de son coup, comme le plus dur des aciers. La peau de l’orkaim s’était recouverte d’écailles bleues irisées. Alors, la peur l’étreignit, celle-là même qui vous dit que votre dernière heure est arrivée.