Le gaillard entra comme un boulet, claquant la porte à barreaux dans ceux de la cellule. Le son aigu du métal qui s’entrechoque retentit et résonna du tréfonds du marché aux esclaves, s’élevant en un grondement qui fit taire tout sifflotement.
Les quelques secondes lui restant, Kwo tenta en vain de libérer le maillon de son logement. Le molosse ne lança aucun avertissement et, de suite, lui asséna un fort coup de gourdin dans les reins. Kwo s’effondra en arrière. Et pour être sûr qu’il ne se collerait plus à la cage de l’orkaim, le gardien se dressa entre elle et l’aomen plié de douleur.
– Tu fas m’le payer l’aomen. Tes mains ne ferfiront plus qu’à porter des plats après que j’les faurais écrafées.
Sûr qu’il ne mentait pas, Kwo leva la tête pour mieux voir la face de son bourreau. Accroupi à terre, il paraissait encore plus grand. Mais ce qui capta son regard, plus que les paroles du lascar, c’était la cage derrière. Yurlh renâclait de plus en plus fort, comme un taureau prêt à charger. Les bandelettes de métal dont était composée son étroite prison se déformaient tellement, qu’on aurait cru que la cage respirait.
À voir ses doigts serrer son gourdin avec poigne, le maton trépignait d’impatience de frapper l’aomen.
Mais quelque chose coupa son élan. D’abord ce fut le regard de sa victime qui le transperça. Puis, la chaleur du souffle du monstre gonflé de rage, enveloppant sa nuque, lui ordonna de se retourner. Enfin, la vision de la cage qui se déforme sous la puissance du colosse entassé à l’intérieur le pétrifia. Mais ce qui le glaça d’effroi, ce fut ce maudit cadenas qui, sous les mouvements des muscles du barbare, termina de sortir du trou dans lequel il était enchâssé.
Et la barre en fer commença, au rythme des respirations saccadées de l’orkaim, à glisser le long de la porte pour lentement dégager les anneaux de la fermeture. Soudain, sorti de la léthargie de la peur, le gaillard se jeta sur elle pour l’empêcher de tomber à terre et complètement libérer le monstre qui déjà déformait l’angle, au sommet.
– Aidez-fmoi, Aidez-fmoi, il va fortir ! hurla le maton qui ne pouvait qu’observer le colosse tordre la porte en dépliant son bras.
Autour, les gardes se mettaient en branle, dans l’espoir de faire face à la menace grandissante. L’un d’eux courut jusqu’à la salle de stockage, celle-là même où Kwo avait trouvé la pince. Quant au propriétaire, le ratrid, il chercha le sifflet d’alarme qui devait normalement être accroché au poteau du stand.
Tant bien que mal, le maton bloquait la barre, empêchant l’orkaim de sortir plus encore. L’engourdissement jouait en faveur des geôliers car le barbare se déployait avec une certaine lenteur. Des deux mains, le gardien s’accrochait à cette barre, comme à sa vie, espérant qu’elle ne cède point. Mais quand il sentit, autour de sa cheville, le froid glacial des mâchoires d’acier de la pince se coller, rien n’alla plus.
– Rhaa, salaud ! gueula Kwo, tout en rejoignant de toutes ses forces les deux manches, sentant craquer sous ses doigts l’os de son bourreau.
Le premier hurlement appelant la mort résonna dans tout l’édifice. Il n’était plus utile de siffler les gardes. Et le bruit strident de la barre en fer, tombant à terre, termina de mobiliser tous les regards. La cage se balança… et se balança encore… Ramassé, serrant ses mains autour de la brèche d’où coulait à flots le sang, le gardien ne put qu’observer se déplier le monstre gorgé de fureur.