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L’AMOUR DONNE DES AILES

La nuit était tombée et la cellule, au fin fond du marché aux esclaves, était plus sombre que jamais. Même les rayons de la pleine lune rouge peinaient à percer les obstacles depuis la coupole de fer forgé. Kwo pouvait les apercevoir éclairant faiblement la scène de vente dressée au centre du cirque ovale que formaient les cellules.

Il aurait été moins pénible de partager la prison avec d’autres âmes en peine, mais le marché, étrangement vide d’esclaves, avait les échos d’un village abandonné. On entendait parfois chanter une occupante lointaine. Mais, au lieu de donner l’envie d’engager la discussion, le son, déformé par la distance, glaçait le sang. Alors, chacun marmonnait avec lui-même, de sorte d’avoir une voix rassurante, vous aidant à lutter contre la peur et la solitude.

– J’aurais dû cracher au visage de cette crapule, murmura Kwo vers le barbare enchâssé entre ses barreaux.

Ce dernier sursauta, comme sortant d’un cauchemar. Malheureusement, il ne pouvait ni s’étendre ni même changer de position. Il était bloqué, confiné comme un vulgaire saucisson que l’on pend pour le faire sécher. Sa marge de manœuvre était faible, tout juste assez de place pour tourner la tête et déplacer ses bras.

– Tiens, ajouta Kwo en lui tendant les restes de la mie du pain encore tendre, donné par Korshac.

– Si ça peut te consoler… Ce lieu me coupe l’appétit et comme si ça ne suffisait pas d’être en taule, fallait que Korshac nous retrouve… Toi, là-haut…

Yurlh écoutait sans pouvoir voir celui à qui il parlait. Même en s’efforçant de se taper la tête pour chercher, il ne trouvait personne.

– … Oui, toi, c’est à toi que j’parle maudit Xyle. T’as fait tout ça pour te faire bien voir de Worh, le dieu que prie Korshac, hein ?

Depuis deux nuits, Kwo parlait à des êtres divins, semblait-il. Même en cherchant bien, Yurlh ne pouvait ni les voir ni les entendre. Mais il était clair qu’eux lui répondaient dans sa tête allongée. De l’écouter, cela avait le mérite de le distraire de sa prison exigüe. Car au moindre mouvement, il souffrait d’une tête de clou carrée et pointue toujours prête à le blesser.

Peut-être que ses geôliers avaient dans l’idée que cela le casserait, qu’il deviendrait définitivement leur esclave, docile et corvéable à merci ? Mais jusqu’à maintenant, chaque jour où ils venaient le nourrir, mangeant comme une bête, se cognant les coudes à chaque mouvement, chaque jour, il relevait les babines, montrant ses dents, prêt à mordre. Quel que soit le fort gaillard qui tendait la miche, tous craignaient d’en perdre leurs doigts.

– Y en a qu’pour les tout-puissants. Ils viennent dans les endroits les plus pitoyables nous humilier… continuait Kwo de se lamenter.

Cette rage, il la cultivait au point de forcer de tous ses muscles sur la cage, pour se faire mal, mais néanmoins se sentir en vie. Et en vie, il l’était et le serait encore longtemps. Et si Korshac était venu jusqu’ici, ce n’était pas le fruit du hasard commençait à croire le barbare. Une force étrange l’avait sauvé de la noyade dans le marais et rapproché de son maître Korshac. Mais tout ça, c’était pour autre chose de plus grand… C’était pour retrouver Kaïsha.

– Kaïsha…, prononça Yurlh.

Kwo tripotait entre ses doigts la tige en fer que le capitaine avait glissée dans le pain, celle-là même qui avait manqué de lui fendre une dent. Il tendit la tige en direction du regard du barbare, la faisant briller dans la lumière lunaire.

– Tu crois que ce crochet a été dissimulé dans le pain par Kaïsha ? se questionna Kwo à demi son.

– Rrrh, répondit Yurlh, ce qui avait pour habitude de dire oui.

– Elle connaît la haine qu’a Korshac pour moi et voudrait me sauver pour l’avoir aidée à mettre au monde son enfant, continuait Kwo de parler à lui-même.

– Alors, c’est pas une entourloupe du Grand Blanc. C’est lui qui est en train de se faire entourlouper, en conclut Kwo.

– On va s’en sortir, Yurlh. J’vais crocheter ces serrures et on va s’échapper d’ici.

Note de fin de chapitre:

Depuis 2018, nous publions la saga YURLH sur HPF. Nous préparons un financement participatif en 2025. On a besoin de toi pour faire de ce rêve une réalité : un roman papier.

Joins-toi à nous sur www.yurlh.com

 

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