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Les nuits passées nouaient encore ses épaules et ses reins de courbatures. Non pas que d’attribuer des pouvoirs à l’orkaim lui était difficile, c’était plutôt la distance qui l’épuisait dans l’activation des fils invisibles qu’elle avait tissés. À son rang, la distance était ce qui lui coûtait le plus dans la concentration. Et tout son corps le lui faisait payer. Alors ce matin, même si sa proie était loin d’être sortie d’affaire, Larlh Vecnys s’octroyait une pause en s’étirant au sommet de sa tour. Une demi-pause, car une paire d’yeux était toujours rivée sur les sens de Yurlh alors emprisonné.


« Au moins là, tu ne risques pas de te faire dévorer par un crocodile, se parla à elle-même la femme-araignée. »


Une paire de bras appuyés sur le parapet, elle observait l’horizon de la cité qui s’éveillait. Deux autres de ses membres lui massaient les reins. Et quant aux derniers, ils étaient rapprochés, les doigts emmêlés d’un fil de soie coloré qu’elle manipulait avec dextérité pour lui donner des formes de visages géométriques.


« Peut-être qu’enfin, j’ai pris le temps de te répondre, dit-elle en imitant la voix, un tant soit peu monocorde, du devin, tout en animant la bouche de fil. »


C’était là son divertissement favori. Elle avait, depuis son plus jeune âge, réussi à se créer toute une panoplie de faciès. Versée dans son jeu d’imitations, elle avait néanmoins suivi les faits et gestes de l’esclave qui montait. Restant en retrait sur une marche de l’escalier, le trapu homme à quatre bras, lui annonça d’une voix essoufflée ce qu’elle savait déjà.


– Un messager en armure est arrivé, porteur d’une missive qu’elle ne souhaite vous remettre qu’en main propre.


– De qui provient ce message ? dit-elle avec la voix du devin, tout en remuant ses mains pour actionner la bouche en fils de soie.


Car, si elle avait vu la scène dans les nombreuses qu’elle scrutait à travers les yeux de ses proies, elle n’en avait pas écouté les paroles.


– De son éminence le devin impérial, maîtresse, répondit-il platement.


À cette bonne nouvelle, ses yeux s’écarquillèrent. Elle entreprit, de suite, de descendre les marches du long escalier de bois.


En bas, sur le pas de la porte, se tenait une guerrière aux épaules larges dont le harnois recouvrait la totalité du corps, même sur les parties arrière. Le soleil qui se reflétait sur le bronze poli éclairait de mille feux la base de la tour, normalement versée dans la noirceur de ses murs. La croix sur son heaume, qu’elle tenait sous le bras, annonçait la couleur. C’était une prétorienne de Kisadyn. La femme-araignée fut assez surprise d’en voir une en ces terres. S’approchant, tout en cachant deux paires de bras sous son esclavine, elle feint de rester sur ses gardes.


– N’ayez crainte, madame. Je porte ici une missive du devin de l’Empire des neuf Cités Rouges, qui vous est destinée, dit-elle d’une voix solennelle.


Son ordre de prétorien avait bien fait son travail, car elle respectait l’étiquette au pied de la lettre.


– Je ne suis point habituée à recevoir des guerrières, toutes d’armure vêtues. Je ne suis que tatoueuse… accompagna de ses mots Larlh Vecnys qui avançait une main pour prendre l’étui d’os que la chevalière lui tendait.


Elle était jeune pour déjà arborer la croix des prétoriens, pensait la sorcière en regardant ses traits ronds et fins.


– Vous avez une peau d’une blancheur qui magnifierait les pigments de mes tatouages, la félicita-t-elle.


La prétorienne sourit, n’arrivant pas à cacher qu’elle était flattée par le compliment.


– Ah oui, j’allais oublier. Il y a aussi ce coffret qui accompagne l’étui, dit la femme armurée, tout en sortant, d’une sacoche en cuir, un joli coffret en bois ciselé de décorations.


Larlh Vecnys ne manqua pas d’être surprise et le réceptionna de l’autre main, tenant toujours fermement sa robe avec ses bras cachés, pour ne point dévoiler sa race. La cavalière recula d’un pas.


– Je m’en retourne, madame, à mes occupations.


Larlh Vecnys continuait à feindre la crainte et ne répondit pas. Voyant qu’elle l’avait quelque peu effrayée, la jeune guerrière ajouta :


– Là d’où je viens, vos origines ne causent aucune différence à nos yeux, soyez-en sure.


Puis, elle tira sur la bride de son cheval noir. L’épérite, car tel était le nom de sa race, se félicita intérieurement d’avoir, en peu d’émotions, suscité de l’empathie de la part de cette envoyée. Sans nul doute, elle devait avoir de l’importance aux yeux de Chèl Mosasteh. Et cette supposition fut renforcée par l’esprit d’observation que la prétorienne avait déjà, malgré son jeune âge.


« Tu as fini par te manifester, mon cher devin. J’espère que ce n’est pas pour me refuser ce que je m’escrime à t’écrire depuis des lunes, se dit-elle en pensée tout en prenant le chemin des étages plus lumineux de la tour. »


Son sous-fifre ferma la porte tandis que Larlh Vecnys continuait d’étirer son corps meurtri par les nuits à secourir l’objet de son accession au pouvoir.

Note de fin de chapitre:

Depuis 2018, nous publions la saga YURLH sur HPF. Nous préparons un financement participatif en 2025. On a besoin de toi pour faire de ce rêve une réalité : un roman papier.

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