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La tour céleste était de loin le plus haut édifice du palais écarlate, et même de toute la capitale Élinéa. Bâtie sur la falaise rocheuse qui surplombait l’océan, elle défiait les cieux. Chèl Mosasteh y avait investi les deux derniers étages, des six la composant, pour en faire son laboratoire d’observation et de divination, comme il aimait à le raconter, se souvenait l’empereur. Marchant dans l’ombre de la tour hexagonale, qui recouvrait en cette fin d’après-midi toute la moitié du jardin carré, il en admira l’aspect élancé.


C’était bien là une prouesse réalisée par l’architecte. Car en vérité, loin d’avoir été construite pour seulement se rapprocher des lunes, elle était un chef-d’œuvre de bâtiment défensif. Trois ponts de bois permettaient d’y accéder, mais tous pouvaient être relevés depuis la base de la tour. Base, qui n’était autre qu’une sorte d’anneau de pierre d’où une garnison pouvait organiser sa défense. Une fois les ponts-levis relevés, la tour se trouvait séparée par un fossé de dix mètres de hauteur. Et si des sapeurs tentaient de s’attaquer aux larges fondations de la construction, ils devraient s’armer de patience car piocher dans la roche dure de la falaise restait sans issue. Et si par malheur, on parvenait à prendre la base de la tour, sa partie haute pourrait encore se désolidariser de son anneau défensif, tout simplement en ne faisant pas redescendre l’élévateur qui permettait d’accéder aux étages supérieurs.


Quel bel édifice avait imaginé Chèl Mosasteh, il y a cela sept sillons ! continuait de penser le Magnus Kéol, tout en le trouvant plus grand à chacun de ses pas. Un fantastique chef-d’œuvre de défense qui ne servira jamais, puisque l’Empire inspirait plus la crainte à toutes les nations avoisinantes que la convoitise, conclut l’empereur en arrivant à l’arche de la lune verte.


Toujours, des serviteurs, les bras chargés de meubles fourmillaient, entrant pleins et ressortant les mains vides. Autour de l’élévateur, du mobilier s’amoncelait en une montagne précaire. Des gens attendaient que l’ascenseur redescende pour le charger. Mais à la vue du maître, chacun mit un genou à terre, même celui qui tenait la petite table de chevet à trois pieds, promptement posée au sommet de la pile bringuebalante. Dans le silence instauré par la venue de Son Altesse, on entendit néanmoins vibrer les petits pieds de bois, jusqu’au moment fatidique où elle bascula et tomba heureusement dans les bras du jeune serviteur agile.


Le Magnus Kéol ne put s’empêcher de poser les yeux sur lui, qui en retour fit l’erreur de le regarder. Car tous les servants du palais écarlate se devaient de ne point croiser les yeux de l’empereur, sous peine d’un terrible châtiment. Mais ce dernier ne cherchait pas une pauvre âme à blâmer. Il lui sourit en retour, sa manière de le féliciter d’avoir rattrapé le meuble de son confident. Puis, il prit place dans l’élévateur qui terminait sa descente. Khalaman leva la main vers le haut pour qu’on le hisse sans plus attendre.


L’élévateur arriva au premier étage aménagé en cellier. Des réserves commençaient à s’y entasser. L’homme maniant la roue de l’élévateur avait vu, depuis le trou du troisième étage, qu’il transportait une haute personnalité. Aussi, il restait attentif aux signes de son passager. Ce dernier n’attendit pas longtemps au premier et fit le signe d’encore monter. Le second était l’étage des cuisines où une femme s’attelait à récurer les grilles de cuisson de la cheminée qui n’avaient pourtant que peu servi, juste lors de l’inauguration de la tour et peut-être à quelques autres rares occasions, cherchait en mémoire le Magnus Kéol. Son bras n’était point retombé, indiquant à l’homme de main de ne pas cesser de tourner la roue.


Le troisième était l’étage d’arrêt de l’ascenseur. Il y avait là l’intelligent mécanisme de roues dentées et de poulies qui permettait à l’homme de l’actionner sans s’épuiser. À la venue de l’empereur, ce dernier ne put mettre genou au plancher car des gestes de sécurité étaient nécessaires. L’empereur, toujours curieux de tout ce qui touche au savoir, l’observa. Une fois sûr de son outil, l’homme dans la force de l’âge s’agenouilla et baissa la tête en signe de respect.


– Continuez, continuez, clama d’une voix calme l’empereur.


Il regarda quelques instants l’ingéniosité de la mécanique qui l’avait levé jusqu’ici, puis repartit en quête de son devin.


On accédait au quatrième par un escalier central, menant à un vestibule de sécurité. Mais, la porte de métal était grande ouverte et deux hommes trapus tentaient d’y faire passer une largeur de lit. Bien qu’ils avaient peiné pour le placer jusque-là, ils durent se résoudre à le reculer pour laisser passer l’empereur qui n’était point une personnalité prête à attendre.


Des pièces spacieuses se succédaient avec du mobilier qui peu à peu prenait place. Sans nul doute, Chèl Mosasteh avait dans l’idée d’y vivre dorénavant. Passant de pièce en pièce, Khalaman réfléchissait à ce qui avait ainsi poussé son ami à venir jusqu’ici s’isoler. Intrigué par l’histoire qu’il allait lui conter, il s’empressa d’aller jusqu’à la salle de l’escalier menant au cinquième.


Arrivant au palier éclairé de la lumière du jour d’une étroite fenêtre, il ne pouvait qu’ici attendre. Car plus aucun servant n’était posté, prêt à lui ouvrir la porte qui le séparait de son devin. Les deux portes d’ailleurs, car il y avait aussi un vestibule de sureté, se souvenait l’empereur. Il actionna la chaînette pendante qui devait prévenir Chèl Mosasteh et s’arma de patience.

Note de fin de chapitre:

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