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Notes d'auteur :

Coucou tout le monde ! Me revoilà avec un nouveau chapitre, qui devrait commencer à vous donner une idée sur la structure globale. J'espère que ça vous plaira. Bonne lecture !

Chapitre 3 – Victor

 

 

 

            Le jet de sang qui éclaboussa Victor fut la première chose dont il eut conscience, avant même d’en comprendre l’origine. Lorsqu’il vit la tête d’Annick à moitié arrachée tandis que l’animal plongeait son museau dans la plaie béante, sa première réaction fut de fuir. Sans même se préoccuper des trois autres, il pivota et se sauva en dévalant l’escalier. Il entendit des pas le suivre, mais il n’y prêta guère attention. Sans vraiment réfléchir, il s’enferma dans la cuisine et s’affala sur la porte le cœur battant. Son cerveau fit alors remonter les images horribles dont il venait d’être le témoin, et, pris d’une nausée, il alla vider le contenu de son estomac dans l’évier. La crise finit par se calmer, et Victor réalisa alors que tout son corps était parcouru de spasmes incontrôlables, qu’il avait lui-même des difficultés à émettre le moindre son, ou même la moindre pensée. Tout ce qui habitait son esprit à présent, c’était le cadavre d’Annick.

            D’accord, elle était mignonne dans son genre et il aurait bien voulu se la faire ; mais il avait le sentiment que quelque chose au fond de lui venait de se briser à jamais. Comme si une partie de son être lui avait été arrachée de force et qu’elle ne reviendrait plus. Il avait ressenti la même chose lorsque Layla l’avait plaqué, mais en beaucoup moins violent. Pourquoi avait-il l’impression d’être écorché de toute part pour une fille qu’il venait à peine de rencontrer ? Bien sûr, Layla lui avait parlé de ses amis à l’époque où ils étaient tous les deux ensemble, mais sans vraiment entrer dans les détails. Les phalanges de ses doigts étaient blanches à force d’agripper l’évier, dont l’odeur nauséabonde commençait à percer son voile.

            Il tenta d’évacuer ses rémanences gastriques en faisant couler l’eau, lorsque les trois autres entrèrent en trombe dans la pièce. Sursautant, il ne put s’empêcher un cri d’horreur et provoqua la même réaction chez les autres. Reprenant lentement contenance, il essaya de dissimuler le lavabo avec son corps svelte. Lambert semblait complètement désorienté, tandis que Layla était amorphe. Seule Ufuoma semblait être revenue de l’horreur, mais elle était visiblement encore sous le choc. Elle aida son amie à s’assoir sur une chaise. Sans même se soucier de la présence de Victor, ni des vomissures qui terminaient de se vidanger dans les canalisations, elle remplit un verre d’eau qu’elle offrit à Layla et l’invita à boire.

« Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? demanda Lambert d’une voix blanche.

— Comment ça, qu’est-ce qu’on fait ?! s’emporta Victor. On se casse d’ici au plus vite ! Je tiens suffisamment à mon cul pour ne pas rester une seconde de plus ici.

— On ne peut pas partir comme ça, intervint Ufuoma. Il faut prévenir quelqu’un, leur dire ce qui est arrivé ici.

— Les secours ne seront d’aucune utilité ! Je te rappelle que ton amie s’est pratiquement fait décapiter par un putain d’animal sauvage !

— On ne peut pas partir sans rien faire ! » insista-t-elle.

            Devant la violence et la détermination dans la voix d’Ufuoma, Victor eut l’impression de se prendre une gifle de son père, et se recroquevilla sur place. Bon d’accord, il n’avait peut-être pas pris des pincettes, mais il ne voyait pas comment évacuer ça autrement. Il devait l’évacuer ou il deviendrait fou. Dans une tentative d’apaiser la tension, il sortit son téléphone.

« Bon d’accord, je vais essayer de joindre les pompiers et leur expliquer la situation. Vous savez où on est ?

— C’est pas toi qui as conduit ta moto ? releva Lambert.

— J’ai mis les coordonnées qu’on m’a envoyées dans le GPS, et j’ai suivi les indications. J’ai pas cherché à savoir si je me rendais à Rome !

— Dis-leur qu’on est sur l’un des étangs, sur la D41, entre les Jartrissoux et Petit Bouchillou, à deux kilomètres d’Échourgnac. »

            Victor essaya de garder les informations en tête et composa le 18. Il attendit, mais la tonalité se coupa instantanément. Étonné, il regarda l’écran de son smartphone et vit que la connexion ne s’était pas établie. Pestant contre les problèmes techniques qui survenaient toujours quand on en avait le moins besoin, il retenta à deux reprises, mais obtint le même résultat à chaque.

« C’est bizarre, ça ne veut pas établir l’appel.

— T’as du réseau ? demanda Ufuoma.

— Euh… Non, réalisa-t-il en constant qu’il n’avait même pas une seule barre.

— Moi non plus, informa Lambert en regardant son propre téléphone.

— Bon, on est donc bien dans le trou du cul du monde, se plaignit Victor.

— Attendez. On est censé avoir une connexion Wi-Fi. J’ai demandé à Annick de s’en assurer auprès des proprios, je suis censée recevoir un mail important dans le week-end. Ils ont dit que le mot de passe était le nom du réseau.

— Ah effectivement, j’ai une borne Wi-Fi, Yourcure… Merde, ça ne veut pas se connecter. Tu es sûre que c’est le bon mot de passe ?

— Oui… Ce n’est pas le problème, observa Ufuoma après quelques instants. On est bien connecté au réseau, c’est juste qu’il n’y a aucune bande passante.

— Qu’est-ce que ça veut dire ?

— Que le Wi-Fi est aussi mort.

— Et merde ! »

            Sous l’emprise de la rage, Victor donna un violent coup de pied contre une chaise, qu’il envoya se fracasser contre une des armoires de la cuisine, faisant tressaillir Layla. Ils étaient bloqués au milieu de nulle part sans la moindre possibilité de contacter l’extérieur. Les options restantes n’étaient pas vraiment en leur faveur, aussi décida-t-il de revenir au plan principal qu’il avait eu.

« Bon, on se casse d’ici de toute façon ! On prend ce foutu rafiot, on prend ta bagnole, on se tire d’ici le plus loin possible et on s’arrête dans le premier bled du coin pour appeler de l’aide.

— Je ne vois pas d’autre solution, convint Lambert.

— Bon d’accord. Mais je conduis ma bagnole !

— Si ça te fait plaisir, je monterai même sur le toit et danserai la macarena à poil !

— Layla, tu peux bouger ? »

            L’athlète émit une sorte de borborygme qui semblait être positif et laissa Ufuoma la soulever et s’appuya sur l’épaule de son amie. Les quatre survivants sortirent prudemment de leur abri, l’oreille aux aguets. Ce fut à cet instant que Victor réalisa qu’on n’entendait plus les bruits de l’animal à l’étage. Pendant une fraction de seconde, il se demanda ce que ça avait bien pu être, il n’avait pas vraiment prêté attention. Une sorte de chien sauvage avec de grandes oreilles. Une créature de cauchemar. Sans se précipiter, le groupe se dirigea vers la porte sans s’attarder à prendre leurs affaires restées en plan dans le salon. Ce fut Victor qui ouvrit la porte, et le spectacle qui se trouvait au-delà surpassait l’horreur.

            Le soleil rasant illuminait l’étang et les bois alentours d’une chaude couleur orangée. De fait, la surface du lac le rendait opaque. Pendant une fraction de seconde, Victor se demanda d’où provenaient les troncs d’arbres qui jonchaient l’étendue d’un calme plat, mais lorsque les autres le rejoignirent avec fracas, les troncs s’animèrent, agitant l’eau de violents tourbillons d’écume. Victor comprit alors son erreur : ce n’était pas des troncs, l’étang était infesté par des dizaines de crocodiles dont les mâchoires paraissaient assez grandes pour avaler un des étudiants en une seule bouchée.

« Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?! s’alarma-t-il. Vous ne m’aviez jamais dit qu’on allait être entouré par des monstres affamés !

— Je… Je ne sais pas, avoua Ufuoma qui semblait submergée par la tournure des évènements. Il faut qu’on traverse, sinon on ne sortira jamais d’ici !

— Hors de question de que j’y aille à la nage !

— Essayons d’utiliser la barque, suggéra Lambert. Si on se débrouille bien, on peut y être en quelques coup de rames seulement, avant qu’ils nous attaquent.

— Je te préviens, Puceau : au premier qui pose son museau sur cette foutue barque, je te balance par-dessus bord !

— Personne ne balance qui que ce soit par-dessus bord, essaya de raisonner Ufuoma. Essayons déjà de préparer la barge. »

            Le groupe de quatre se dirigea là où ils avaient accosté ce qui paraissait être des jours auparavant. Victor commençait à perdre pied. Il ne savait pas quel était ce tour de magie, mais il avait une phobie des crocodiles. Ces créatures qui se tapissaient sous la surface, invisibles, et épiaient le moindre de vos mouvements avant de surgir par surprise et vous entraîner par le fond. Des lâches qui favorisaient l’embuscade à une attaque frontale. Il avait beau vouloir croquer son cul de Noire, il se foutait bien de ce qu’Ufuoma pouvait lui dire. Si une seule de ces atrocités s’approchaient de trop près de lui, ce pisseux irait les rejoindre.

            Victor eut d’autres soucis que les crocodiles lorsqu’ils arrivèrent à la barque. Les parois de celle-ci s’étaient mises à fumer, comme si elles étaient en feu. Pourtant, pas la moindre trace de flammes nulle part, et puis depuis quand un lac pouvait-il prendre feu ? Alors qu’il s’apprêtait à enjamber le ponton, Ufuoma l’interrompit en plaçant un bras devant lui. Avant qu’il ait pu réagir, elle lui pointa le fond de l’embarcation : de l’eau s’y était infiltrée. Pas suffisamment encore pour la faire chavirer, mais ce détail était préoccupant. Cependant, le niveau ne semblait pas monter à vue d’œil, donc cela ne devait pas être dramatique. Sans attendre d’avantage, Victor monta à bord en forçant l’étreinte d’Ufuoma.

« Mais qu’est-ce que tu fais ? s’affola-t-elle.

— Tu l’as dit toi-même, faut se tirer d’ici ! Et la seule façon, c’est de traverser ce foutu étang de cauchemar avec cette barque.

— Mais tu ne vois pas qu’elle est endommagée ?! Reviens vite !

— Arrête de raconter des conneries, tu veux ? Montez pour qu’on puisse se tirer fissa.

— Pauvre imbécile ! Tu es donc aussi con que tu le parais ? D’où vient cette fumée à ton avis ? D’où vient l’eau dans la barque ?

— Qu’est-ce que j’en sais, j’m’en fous ! Allez, venez !

— Le lac est saturé d’acide ! Remonte avant d’être blessé !

— Qu’est-ce que c’est encore que ces… Aïe ! »

            Sans prévenir, une vive douleur aux pieds le fit sursauter. On aurait dit comme une sorte de brûlure vive, sauf que celle-ci semblait lui ronger la peau. Dans la surprise, il chancela en arrière et perdit l’équilibre. Une vague d’effroi s’empara de lui tandis qu’il tombait en arrière. Enseveli par la confusion et le désespoir, il projeta ses bras en avant en essayant d’agripper ceux tendus de Lambert qui avait été le plus prompt à réagir. Comme au ralenti, Victor vit et sentit leurs doigts s’effleurer sans pouvoir se saisir. Par réflexe, il avait reculé une de ses jambes en arrière pour prendre appui, mais celle-ci buta contre la paroi de la barque qui tangua dangereusement. Emporté par son élan, Victor se sentit partir en arrière, tandis que son champ de vision bascula de la maison au ciel qui se tentait de bleu nuit.

Les premières étoiles étaient apparues, tandis qu’il sentait l’air siffler dans ses oreilles, dans ses cheveux, sur ses flancs. La chute lui parut interminable, mais il finit par frapper la surface de l’étang. Victor perçut l’eau s’enfoncer sous son poids, s’immiscer dans ses vêtements avant de finalement l’engloutir totalement. Il avait dû garder sa bouche ouverte, car il sentit le liquide s’infiltrer dans sa gorge et ses bronches. Il eut l’impression qu’on les marquait au fer rouge, que quelque chose les dissolvait vives. Un liquide plus épais remonta dans sa bouche l’empêcha de respirer, et comprit qu’il se noyait dans son propre sang. Alors que l’acide lui rongeait de l’intérieur, sa peau fut également attaquée et chaque parcelle exposée, puis celles protégées par les vêtements, le brûlèrent comme si on lui grattait la peau jusqu’à la chair.

Par réflexe, il avait fermé les yeux, mais le supplice qu’il endurait les lui fit rouvrir. Pendant une fraction de seconde, il aperçut le ciel nocturne de l’autre côté de la surface, agitée par les remous de son entrée, tandis que les eaux autour de lui étaient sombres et menaçantes ; mais ses globes se corrodèrent à leur tour. Victor laisser échapper un hurlement de douleur, ou plutôt un mélange de bulle d’air et de sang, tandis que sa vision se flouta avant de disparaître. Lorsqu’il reprit finalement conscience de son environnement, Victor essaya de nager vers la surface. Il perça la pellicule d’eau dans d’immenses éclaboussures et tenta de prendre une grande inspiration, mais aucun air ne parvenait à ses poumons. Aucune goulée d’air ne circulait dans sa trachée.

Les cris de Lambert et d’Ufuoma lui parurent très loin, et il essaya de les rejoindre, mais il sentit une violente morsure lui arracher une de ses jambes. Dans la panique, il agita ses bras de façon chaotique, s’aspergeant le visage d’éclaboussures acides. Son bras gauche fut sectionné à un moment donné, et cette fois-ci Victor sentit le sang l’asperger. L’instant d’après, une puissante étreinte lui saisit l’abdomen et il se sentit emporté par le fond. Il ne sut comment, mais il sentit comme une ombre lui couvrir le visage. L’instant d’après, il sentit un violent étau s’abattre sur sa tête. Victor sombra dans l’inconscience juste avant que son crâne ne soit broyé et pulvérisé.

 

Note de fin de chapitre:

Hinhinhin ^^

Le rating prend un peu plus son sens maintenant, n'est-ce pas ? J'espère que ça vous a plus, n'hésitez pas à laisser un commentaire, à poser vos questions, ou à partager vos théories les plus folles !

Je vous donne rendez-vous à bientôt pour la suite !

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