Les rues sont bondées par cette heure matinale. Le marché s'est rempli peu à peu dès son ouverture pour atteindre désormais son apogée. Entre les marchands de légumes, de viandes, de vêtements et d'objets en tout genre plus ou moins indispensable à la vie quotidienne, le bazar prend des allures de gigantesque fourmilière. Tout ici parait intense, surchargé et excessif. Le bruit, les odeurs, la foule, les couleurs,... Une tempête qui sature les sens et rend indiscernable les pensées et les actions, qui perturbe la concentration et trouble les notions de soi et d'autrui. Une dissociation de soi dans l'association avec autrui.
Au début enchanteur et excitant, la nouveauté te submerge et te noie. Tu cherchais l'exotisme et tu as trouvé la solitude dans ton exil.
Il y a quelques heures tu débarquais, le coeur aventureux, exalté par les découvertes et les rencontres qui naîtront ici. Tant de chose s'ouvrait à toi dans ce nouveau monde. Tant de différence à mettre au jour, tant de splendeur à aller chercher ! Tu te sentais alors l'âme d'un Allan Quatermain ou d'une Sydney Fox.
Tu as porté un regard avide à la cuisine locale, goutant au gré de tes envies une douceur ou une boisson originale. Une fois repu, tu as déambulé dans les rues et tu t'ai installé un moment sur un bord de mur qui fait office de banc public et où les passants éreintés s'y arrêtent un instant puis repartent dans une sorte de ballet incessant. Puis, fatigué par ces va-et-vient tu as finis par quitter la place et t'ai dirigé vers la zone d'influence de cette ville étrange. C'est à ce moment, au détour d'une ruelle, que tu as fait l'erreur de t'engouffrer dans le marché dense qui te fit tourner la tête.
Car maintenant, alors que tu as pu goûter aux joies de l'exploration, un sentiment enserre ton coeur fragile. Tu te convaincs que cette sensation ne perdurera pas, qu'elle s'évanouira avec le temps mais elle raffermit son emprise sur toi. La peur t'empoisonne et infecte tes sens. Toutes ces certitudes passées tentent de te ramener à ton présent mais ta peur t'enchaîne à ton passé et à ce que tu as perdu.
Les larmes te montent aux yeux mais tu les empêches de couler. Il faut t'éloigner rapidement de cette foule déchaînée. Tu crois au départ que tu fuis pour cacher tes faiblesses mais en réalité tu cours à la poursuite d'un endroit, d'une place, d'une zone dégagée où tu pourras réfléchir en paix, où tu pourras te reconstruire, où tu pourras te rattacher à ton passé et à ce que tu étais alors. A te reconnecter avec toi-même et avec ceux que tu as aimé.
Tu crois sincèrement que c'est ce qu'il te manque ici et maintenant pour ne pas tomber : juste être quelque part où tu auras le sentiment d'être entier et où tu pourras te calmer, un peu comme lorsque ton teddy bear adoré venait te réconforter après un gros chagrin. Tu la recherches cette sensation inespérée de calme après la tempête, de creux entre les deux vagues, tu la veux cette inspiration profonde et nostalgique de délivrance qui prouve que tu pourras guérir et surmonter toutes les épreuves, mêmes les plus difficiles. Tu veux croire en toi et en ton avenir pour ne pas sombrer.
Et soudain tes pieds refusent de te mener plus loin. Tu t'arrêtes, respirant à grande goulée. Un frisson t'envahit et t'oblige à jeter un regard autour de toi. Tu la vois enfin, cette ligne d'horizon d'un bleu saphir. Alors tu comprends que tu l'as trouvé ce lieu tant espéré, cette accalmie qui te rappelle des souvenirs. Tant que tu pourras te rapprocher d'elle, tu seras toujours capable de te remémorer qui tu étais, qui tu es et qui tu souhaites devenir. Tu les aperçois dans un filigrane de bons et mauvais moments, ces personnes et ces endroits qui t'ont forgé et influenceront tes décisions à venir. Et alors même que tu les as laissé, tu regardes l'océan et tu sais qu'ils seront toujours là, à l'orée des vagues qui s'échouent sur la côte.
Accoudé à la rambarde qui te sépare de la petite crique, tu inspires pleinement, totalement, entre deux sanglots. Rassuré, tu penses en souriant à ton teddy bear. Ici, si loin de ta région natale, tu trouveras la paix lorsque tu te sentiras exilé. Tu te sentiras chez toi.
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Note de fin de chapitre:
776 mots
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