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Notes d'auteur :
Ce texte a été écrit en "réponse" aux gens qui pensent que les homosexuels ne doivent pas adopter parce que cela traumatiserait les enfants.
Le 25 mai 2008 correspondait au jour de la fête des mères et de la première publication de ce texte.
Mes chères Mamans,



Nous sommes aujourd’hui le vingt-cinq mai, un jour très particulier. Je suis heureux de voir que ce matin, la fenêtre laisse filtrer quelques timides rayons de soleil tandis qu'il se lève lentement. La journée promet d’être belle. Oui, ce sera une belle journée pour deux femmes exceptionnelles.

J’ai longtemps cherché un cadeau original à vous offrir. Des fleurs ? Un peu trop ordinaire. Un bijou ? Mes comptes, depuis mon renvoi, ne me le permettent plus. Finalement, j’ai trouvé le cadeau idéal : je vais vous conter une histoire, la plus belle que je connaisse.

Vous en connaissez déjà le début. C’est d’ailleurs toi, Agathe, qui en a écrit les premières lignes. Elle commence il y a plus de vingt-trois ans. Tu étais jeune alors, à peine sortie de l’adolescence, et tu avais encore des rêves plein la tête. Confiante et pleine de vie, tu t’es fiancée avec Eric et je suis arrivé. Mais bien vite, ton sourire s’est effacé. Ton mari ne te rendait pas heureuse, et il t’accablait de tous les maux du monde. Alors, tu m’as pris avec toi et nous sommes partis pour nous installer très loin, dans un minuscule petit appartement lyonnais, sombre et sinistre. Le divorce t’a libérée d’un poids, mais tes rêves de jeunesse avaient été brisés à jamais.

C’est alors qu’un jour, au détour d’un parc public, Elisa est entrée dans ta vie. J’avais cinq ans et pourtant je me souviens encore de cette étrange rencontre. Je jouais sur les tourniquets lorsque je suis tombé. Mon genou écorché était ouvert et saignait abondamment, mais je ne pleurais pas parce que tu m’as toujours dit que les garçons ne doivent pas pleurer. Maman Elisa avait vu toute la scène et elle possédait une voiture garée un peu plus loin. Elle t’a proposé de nous amener à l’hôpital le plus proche.

Une semaine plus tard, la sonnerie du téléphone résonnait dans le hall miteux de notre appartement. C’était Elisa qui demandait de mes nouvelles. Vous vous êtes revues plusieurs fois et peu à peu ton beau sourire est revenu. Un an plus tard, nous nous sommes tous les trois installés dans un nouvel appartement, plus grand et plus lumineux.

J’avais alors six ans et je n’étais pas encore tout à fait capable de comprendre le lien qui vous unissait. À l’école, ceux qui le savaient s’en fichaient, car ils ne comprenaient pas plus que moi. Il n’y avait que ce crétin d’Antoine et sa bande de suiveurs qui parlaient de « gouinnasses » sans vraiment savoir ce que signifiait vraiment ce terme ni à quel point il est insultant. J’imagine qu’il l’avait entendu de ses parents…

C’est au collège que les choses se sont compliquées pour moi. À cette époque-là que j’ai commencé à réellement comprendre de quelle façon deux femmes pouvaient s’aimer. Malheureusement, parce que les gens sont stupides, j’ai aussi découvert que ceux qui sont différents sont méprisés.

Il y en a qui disent qu'un couple homo ne peut pas rendre heureux un enfant parce que c'est contre nature, qu'il sera rejeté des autres... Parfois, je me suis demandé ce que je serai devenu si j’avais eu des parents hétéros, du genre de ceux qui se disputent continuellement et qui n’ont en commun que leur enfant. Les parents que j’aurais dû avoir si Agathe était restée avec Eric… Aurais-je été heureux ? Aurais-je aimé mes parents, ma vie ?

Je crois que non, je les aurais haïs ces parents qui auraient passé tellement de temps à se disputer qu'ils ne m'auraient donné aucune attention. Mais vous, je vous aime. Parce que vous êtes lesbiennes ? Non, parce que je sais que vous m’aimez autant l’une que l’autre et parce que j’ai reçu de vous une bonne éducation. Vous m’avez appris les valeurs de l’amour. Je vous admire parce que vous avez subi beaucoup d’injures et que malgré tout ce que les gens vous ont fait, vous ne leur en gardez pas rancœur. Vous avez compris que pour vivre, il faut savoir oublier et pardonner, sans quoi la haine nous détruit. Vous avez également prouvé que votre amour était plus fort que les injures.

Lorsque j’étais encore au collège, et même après, au lycée, j’ai moi aussi eu ma part d’injures. Je mentirais en disant que c’était facile de les supporter et qu’elles ne m’atteignaient pas. C’est au début que ça a été le plus dur. J’avais le sentiment que si les autres me méprisaient, c’était votre faute et je vous ai détestées. Puis, j’ai fini par comprendre que les gens, et notamment les adolescents, sont de véritables charognards dès qu’ils sentent qu’une personne est différente d’eux. Qu’importe d’avoir deux mères, j’aurai tout aussi bien pu être gros, avoir des lunettes, ne pas m’habiller avec des fringues Nike, le résultat aurait été le même. Des boulettes lancées lorsque le prof ne regarde pas, des croches pieds dans les couloirs, des chewing-gums collés dans les cheveux dans la file d’attente du self…

Aujourd’hui, avec le recul, je me rends compte de beaucoup de choses. Je n’ai pas eu une adolescence facile, c’est vrai, mais je pense que ces épreuves que j’ai traversées m’ont aidé à me construire. J’ai appris de vous le respect des gens différents, une valeur qu’on oublie trop souvent. J’ai aussi eu un bel exemple d’amour.

Pour tout cela, je voulais vous dire merci. Merci de m’avoir aimé toutes ces années et de m’aimer encore comme un fils. Merci d’avoir toujours été là pour moi, même lorsque je me suis montré injuste et méchant. Merci d’être mes mamans.


Joyeuse fête des mères à toutes les deux,
Seb
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