Londres, le vendredi vingt-neuf août 1890
Ma très chère Marguerite
Je viens de découvrir quelque chose de sensationnel ! Extraordinaire ! Magistral !
Il faut que je te raconte, depuis le début... Lorsque Nancy Babington m'a invitée pour le thé la semaine dernière.
Là-bas, j'ai rencontré un médecin génial et humble. Il s'appelle John. Il est très cultivé, très fin et charmant. Il vit en colocation avec un original et je crois qu'il l'admire énormément... Il en parle tout le temps en fait. Cet original reçoit des visites de familles en difficultés, parfois même des personnalités très en vue. Il se voit confier des enquêtes, qu'il mène rapidement et discrètement. Il observe, il pose des questions, il tire des conclusions... Et il trouve toujours. Il a une capacité de déduction incroyable qui fait qu'aucune énigme ne lui résiste.
John l'accompagne partout et raconte ensuite leurs aventures dans leurs moindres détails. Il est devenu son secrétaire particulier, en quelque sorte.
Te rends-tu compte ?
Ces deux hommes sont assurément des policiers d'un nouveau genre. Contrairement à ce que l'on connaît des méthodes de la police, ils n'ont quasiment pas besoin de parler avec les gens. Ils se contentent d'observer et juste en remarquant les petits détails qui clochent, ils trouvent le coupable.
Je trouve cela révolutionnaire ! Avec une telle méthode, les policiers n'auront plus besoin de dénouer les petites querelles de voisinage pour comprendre ce qui s'est passé et a mené à un meurtre, par exemple. Les preuves parleront d'elles-mêmes, sans aveux.
J'ai déjà lu les compte-rendus de plusieurs de leurs enquêtes, rédigées par le médecin. C'est toujours lui qui rédige. L'autre, le détective privé, est un curieux personnage, très intrigant. Il semble parfois totalement détaché de la réalité et à d'autres moments, il surprend tout le monde par la multitude de détails qu'il a repérés et par les déductions, tout à fait justes, qu'il en a faites.
Ce détective s'appelle Sherlock Holmes. Il est accompagné de son fidèle compagnon, le Dr John Watson. Et tous deux sont les héros des histoires écrites par Arthur Conan Doyle. Il a commencé à publier il y a quelques années déjà, soit directement des livres, soit à travers les journaux : chaque semaine, le Strand publie un chapitre.
Je me demande ce que Hugh en pense, ainsi que ses collègues. Est-ce qu'ils s'inspirent de lui ? Ou est-ce qu'ils dénigrent son travail ? Est-ce que des policiers préparent de nouvelles méthodes de travail ? Oh, que tout cela est passionnant !
Je te promets de t'envoyer des livres d'Arthur Conan Doyle dès que possible, je suis sûre que tu vas beaucoup aimer, même si c'est en anglais. Ou alors, je fais comme lui, quand il publie dans le magazine du Strand, avec un chapitre de l'histoire chaque semaine... Je ferai une traduction que tu recevras petit à petit avec mes lettres. Qu'en dis-tu ?
Papa ironise en me demandant si je ne ferais pas mieux de devenir détective privé, vu mon enthousiasme pour Sherlock. Je lui ai répondu que je n'avais d'yeux que pour John et que je me préparais à suivre son exemple !
D'ailleurs, pendant l'été, j'ai lu tout ce que je pouvais à propos du corps humain. J'ai trouvé plusieurs livres mais j'ai régulièrement l'impression qu'il manque des informations. J'ai hâte de commencer pour avoir réponse à toutes les questions que je me pose !
Affectueusement,
Louise.