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Londres, le samedi vingt-six juillet 1902

Ma très chère Marguerite,

Aujourd'hui aurait dû être un jour de liesse pour le peuple anglais. Benedict et moi devrions être chez Kalyani à l'heure actuelle, pour voir passer le cortège du roi Edward VII jusqu'à l'abbaye de Westinster, où il doit être couronné, maintenant que la période de deuil de Victoria est passée.
Le peuple anglais se préparait d'ailleurs avec beaucoup de fébrilité depuis des semaines à fêter le couple royal. T'ai-je déjà parlé de l'épouse d'Edward VII ? Alexandra vient du Danemark. Son père était assez éloigné de la succession, mais il a quand même été choisi (je t'avoue que je n'ai pas bien compris cette histoire de transmission du titre au Danemark). C'est ainsi qu'elle est devenue une princesse et que son mariage a pu être arrangé avec Edward. Ils se sont mariés en 1863. Alexandra avait dix-sept ans et Edward, vingt-deux.
Les journaux nous parlent aussi depuis des mois des chargés des festivités. J'ai lu de très bons articles sur le vicompte Esher, par exemple. Il est le chef du comité du couronnement et il a aussi géré le Jubilee de Victoria auquel j'ai assisté, en 1897. Les journaux nous ont présenté aussi le directeur musical de l'Abbaye, sir Frederick Bridge... Comme tu peux le voir, le couronnement d'une reine ou  d'un roi, ici, c'est une institution qui mobilise tout le pays !

Il y a trois jours, Paul Cambon, l'ambassadeur français, a participé à un souper avec le roi, la reine et plusieurs autres dignitaires britanniques et de tous les pays. Le soir-même déjà, les journaux parlaient d'un roi pâle et qui s'appuyait fortement sur sa canne. Et monsieur Cambon a confirmé à Papa que le roi semblait faible au cours du dîner.
Peu de temps après, la nouvelle a parcouru tout le royaume. Le roi souffre d'une pérityphlite. C'est-à-dire qu'il risque de rapidement faire une péritonite. Il a été pris en charge par les meilleurs de mes collègues, comme tu t'en doutes.

Hier, il semblait aller mieux et pouvoir assurer la cérémonie du couronnement. Mais finalement, dans la soirée, une opération a été annoncée comme nécessaire.
Oh, Marguerite ! C'est si dur d'attendre de ses nouvelles, dans cette ambiance plombée par la crainte. Je sais qu'on a fait de gros progrès face à cette maladie aussi terrible que fulgurante, mais les pronostics ne sont généralement pas bons. J'espère sincèrement que le roi récupérera bien de son opération et que rapidement, on pourra le couronner. Ce serait tellement terrible de perdre un nouveau roi moins de dix-huit mois après son accession au trône. Avant même son couronnement !

Parfois, je me dis qu'en tant que française, je ne devrais pas être aussi affectée par les affaires de la grande-bretagne. Mais je dois bien avouer que je me sens maintenant plus britannique que française et que mon coeur vibre à l'unisson de ceux de mon mari et de tous les citoyens anglais.
Je vais te laisser. Benedict et moi allons voir si nous pouvons glaner quelques informations sur la santé de notre roi...

Je te réécrirai dès que j'en saurai plus.

Affectueusement,
Louise

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