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Londres, le jeudi vingt-cinq novembre 1897

Ma très chère Marguerite,

Aujourd'hui est le jour de la Sainte Catherine et j'ai vingt-cinq ans.
Et je suis incroyablement heureuse d'être installée en Angleterre ! Au moins, ici, je n'ai pas à être de la fête...

Je me souviens encore, lorsque j'avais sept ans et que je revenais tout juste des Indes, de ma stupeur de croiser toutes ces femmes avec ces petits bonnets moches sur la tête. Quelle idée, en plus, de les faire jaune et vert... J'avais demandé à Maman pourquoi elles avaient toutes le même chapeau ridicule. Maman avait été gênée de ma phrase. Peut-être parce que je disais que c'était ridicule.
En tout cas, elle a eu du mal à m'expliquer, si je me souviens bien. J'ai sûrement enchaîné les "pourquoi ?" que je pose en permanence lorsque je ne comprends pas quelque chose.
D'ailleurs, je ne le comprends toujours pas. Je garde toujours cette même impression de malaise quand je repense à toutes ces fameuses "Catherinettes". Voir ces femmes défiler uniquement parce qu'elle n'étaient pas mariées m'a fait peur. J'avais l'impression de voir un troupeau. Sauf qu'il s'agissait de femmes.

Et par la suite, les prières que l'on nous a apprises à faire à Sainte Catherine pour se trouver un mari. Un mari riche et gentil quand on est jeune, un qui puisse passer à vingt-cinq ans et à trente, n'importe lequel. Pourquoi donc devrions-nous abandonner nos espoirs concernant un mari potentiel, passé vingt-cinq ans ? Pourquoi devrais-je réclamer un mari tout court, d'ailleurs ? Je suis médecin, j'ai mon propre appartement en plein Londres... Je me débrouille parfaitement par moi-même, après tout !

Ah, Marguerite...
Je dois te paraître bien amère, aujourd'hui.
Je dois dire que c'est un peu le cas. Si Grand-Mère était encore avec nous, je suis sûre qu'elle ne manquerait pas de m'appeller la Catherinette sur un ton condescendant. D'ailleurs, Papa et Maman m'ont fait des réflexions à ce sujet. Ils n'ont pas parlé de Grand-Mère, heureusement, mais ils ont souligné la Sainte que nous célébrons aujourd'hui. Ce qui me laisse l'impression qu'ils ne veulent pas considérer tout ce que j'ai accompli jusqu'ici juste parce que je ne suis pas mariée...

Je te revois encore au pensionnat des Ursulines, comme j'écris ces mots.
"Louise, avais-tu l'habitude de me dire quand je m'énervais... Tu devrais en parler avec tes parents, tu sais. Je suis sûre qu'ils ne sont pas aussi méchants que ce que tu décris là..."
Tu as sûrement raison. Même si j'ai un peu peur, je l'avoue, de recevoir un discours sur le thème du temps qui passe et que l'on ne retrouve jamais... Je n'ai pas perdu mon temps en devenant médecin, après tout !

Mais je vais tout de même suivre ce conseil, en me disant qu'il vient de toi donc qu'il est forcément bon...
Nous verrons bien ce que l'avenir me réserve, après tout ?

Ta dévouée,
Louise

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