Londres, le dimanche trois juin 1894
Ma chère Marguerite
J'ai lu et relu ton énigme avec enthousiasme et je suis tellement heureuse pour toi, pour Charles ! Je ne le connais pas encore beaucoup, n'ayant pas eu l'occasion de vraiment parler avec lui lors de votre mariage, mais je suis sûre qu'il est aussi heureux que toi à l'idée d'accueillir votre premier enfant.
Je suis extrêmement touchée par ta marque de confiance et j'accepte, les larmes aux yeux et le sourire aux lèvres, de devenir la marraine de ton premier enfant.
Bien sûr, je serai là au printemps prochain pour accueillir ma filleule ou mon filleul.
D'ailleurs, à ce propos, à quelle date est-ce que tu préfères que je vienne ? Veux-tu que je sois là pendant les dernières semaines de ta grossesse ? Pendant les premières semaines de vie de ton enfant ?
Nous pourrons discuter comme au temps de l'internat. Seigneur, j'ai l'impression que c'était hier, alors que c'est pourtant tellement loin, déjà.
Et te voilà bientôt mère à ton tour, tandis que je suis devenue doctoresse.
Je préfère quand même te prévenir tout de suite... J'ai vu d'autres bébés depuis mon passage à Bourges, notamment ceux que j'ai aidés à naître, et je suis toujours autant mal à l'aise avec eux. D'ailleurs, je dois dire que je suis bien contente que ta belle-sœur Augustine soit là pour te soutenir pendant les premiers jours de ton bébé. Je ne suis vraiment pas compétente en matière de besoins du nouveau-né.
Tu crois que ton bébé risque de m'en vouloir, si je ne suis pas très présente après sa naissance ? J'espère que non...
Heureusement, je m'entends plutôt bien avec les enfants plus âgés, quand ils commencent à bien parler. Je serai quand même une bonne marraine.
Est-ce que je dois préparer quelque chose ? Tu seras dans les préparatifs de sa naissance, tu veux peut-être un relais pour ce qui concerne la célébration du baptême.
Et qui sera mon compère ? Je suppose que vous avez choisi un ami de Charles pour être le parrain ? Est-ce qu'il habite en Provence, lui aussi ? Je pourrais avancer les préparatifs avec son aide, sûrement.
Oh, Marguerite ! Le bonheur que me procure cette nouvelle me fait raconter n'importe quoi... Ce n'est peut-être pas le moment de tout préparer d'un coup !
Nous reparlerons de toute l'organisation dans nos prochaines lettres. Après tout, comme tu le dis si bien, il y a encore plusieurs mois avant que ton bébé n'arrive... Nous avons bien le temps de préparer une magnifique fête de baptême et de nous réjouir de nos retrouvailles !
Ici, en ce moment, l'emploi du temps de Papa est très chargé.
Le Dr William Henry Waddington, l'ambassadeur, vient de rentrer en France en raison de sa mauvaise santé. Et c'est Papa qui sera son chargé d'affaires en attendant un successeur.
On pense savoir qui sera son successeur, un certain Alphonse Chodron de Courcel. Il est pour le moment en poste en Allemagne. Il faut encore que sa nomination soit confirmée par Paris et ça prendra sûrement plusieurs mois, donc Papa sera surchargé de travail au moins jusqu'au début de l'année prochaine.
Avec Maman, on pense en profiter pour visiter un peu le nord de l'Angleterre. Je te raconterai sûrement.
La future marraine,
Louise