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Londres, le vendredi trente juin 1893


Ma chère Marguerite,

Voilà.
La fin de l'année approche.
Je termine également mon dernier stage de doctoresse assistante avec le docteur Benedict Harrington. Et, dans deux semaines, je recevrai mon diplôme, je pourrai m'inscrire au registre des médecins et je serai enfin une doctoresse à part entière !
J'ai, une fois de plus, tellement pu apprendre avec Benedict, c'est un médecin vraiment formidable. Je t'ai déjà dit combien je l'admire, pour sa douceur et sa patience envers les patients.  Je crois qu'il est celui qui aura le plus marqué mes études ici et j'espère devenir une doctoresse au moins à moitié aussi forte que lui.

L'idéal pour moi serait évidemment de travailler avec des collègues comme lui. Tu imagines, comme ce serait formidable ? Moi, je l'imagine parfaitement bien. Très clairement, même. Parce que le docteur Harrington souhaite fonder un cabinet, et il m'a demandé de faire partie de l'équipe médicale qui y officiera ! Je suis tellement heureuse, Marguerite ! J'ai l'impression que je pourrai continuer à apprendre pendant toute  ma vie, comme cela. J'ai donc évidemment tout de suite accepté sa proposition. Je commencerai début août. 

Même les perfidies de cette langue de vipère de Maddie McKinson ne changeront rien à ma joie ! Certes, je suis en colère après elle, mais je ferai en sorte que cela passe rapidement.
Elle a osé me soutenir que le docteur Harrington serait un inverti ! Et elle a lourdement insisté, en citant des études sur les homosexuels, comme si elle se délectait de son histoire.  Ce qui m'inquiète, c'est que ce genre de propos peuvent ternir une réputation et même parfois détruire une carrière. Pourquoi est-ce que les gens se plaisent autant à imaginer ce genre de choses, pour faire du mal ? Plutôt que de s'intéresser à ce qui est vraiment important, la personne humaine, sa valeur, le savoir qu'elle peut apporter !

En parlant de savoir, Benedict m'a confié la semaine passée un article  qu'il avait prit la peine de traduire, parce qu'il a été publié dans la langue de Goethe. Il s'agit d'une retranscription du travail du docteur Rudolf Berlin, qui compilait les travaux d'autres confrères, comme le docteur Oswald Berkhan, à propos de ce qu'il appelle la Dyslexie.  En le lisant, j'ai tout de suite pensé à Leora, qui a toujours autant de mal à lire et à écrire, malgré tous ses efforts. Car c'est cela, qu'il appelle la dyslexie : une incapacité à lire, à cause d'un problème dans le cerveau.

Je suis passée voir les McFadden, hier. Leora est une jeune fille de treize années, déjà. Nous avons beaucoup discuté, toutes les deux. Je lui ai parlé un petit peu de l'article en question. Je ne souhaitais pas insister, tellement j'avais le sentiment d'apporter une mauvaise nouvelle. Parce que, vois-tu, si Leora est dyslexique, cela veut dire que nous ne pouvons rien faire à sa condition.
Mais, contre toute attente, elle m'a demandé beaucoup de précisions et à la fin, elle a sauté dans les bras, très émue. Ce qu'elle, elle a retenu de ce que je lui disais, c'est qu'il y a d'autres personnes comme elle, peut-être des centaines, et donc, que c'est normal. Qu'elle est, sommes toutes, normale, elle aussi. Elle en a pleuré de joie dans les bras de ses parents. Ces derniers étaient aussi très émus et j'ai cru voir dans le regard de Mr McFadden une fierté nouvelle envers sa fille.

Je repense à ce moment depuis hier. Somme toute, je n'ai rien fait. J'ai juste donné une explication à ce qui fait que Leora est différente, sans solution aucune. Et pourtant, je me suis sentie aussi légère et fière que lorsqu'un de mes patients se rétablit. Si j'osais, je dirais qu'hier, j'ai soigné la famille McFadden.
Je crois que je comprends mieux pourquoi Benedict passe autant de temps avec ses patients. Il faudra que j'en parle avec lui. En fait, j'ai l'impression que, finalement, les patients ont autant besoin d'écoute et de compréhension que de soins.

Je te souhaite un bel été et attends impatiemment de tes nouvelles.

À bientôt, 
Louise, presque médecin !

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