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LONDRES LE VENDREDI VINGT TROIS OCTOBRE MILLE HUIT CENT QUATRE VINGT ONZE

MA CHERE MARGUERITE

COMMENT VAS  TU
JE NE RESISTE PAS A T'ECRIRE AVEC CETTE MAGNIFIQUE  TYPEWRITER

C'est impressionnant, non ?
C'est une toute nouvelle machine, qui vient tout droit d'Amérique qui m'a permis de t'écrire comme ça ! Elle se trouve à l'ambassade, où Papa m'a autorisée à l'utiliser quelques minutes. Évidemment, j'ai tout de suite pensé à toi. Bien sûr, nous sommes loin des liés et déliés de l'écriture à la plume, mais au moins, nous pourrions relire certaines personnes, si tu te vois de qui je veux parler...
Tu places ta feuille dedans, tu appuies sur les touches et quand tu sors ta feuille, le texte est écrit. J'ai fait très attention à ne pas faire de faute, mais je crois que j'ai fait des espaces en trop, parfois. 

Pendant que je jouais sur cette merveilleuse machine, la discussion est passée sur l'utilité d'un pareil appareil.
Certains pensent qu'il n'a absolument aucun avenir. Ils estiment que c'est impossible de faire une lettre lisible avec cette machine, à cause des minuscules qui n'existent pas. Et des chiffres, aussi. Ça rallonge la date, comme tu as pu le voir... Et même si on les ajoutait, ils ne voient pas comment ils pourraient faire une mise en forme suffisamment formelle avec.
D'autres pensent qu'au contraire, ils pourront bientôt écrire tout leur courrier de cette façon ! Je suis un peu de leur avis, c'est tellement plus amusant que de tenir une plume ! Ne t'en fais pas, j'aime tout de même toujours autant écrire et je ne compte pas cesser de rédiger à la main les lettres que je t'envoie...
Après quoi, la discussion a roulé sur la vitesse d'écriture avec cette machine encombrante, beaucoup trop lente par rapport au maniement de la plume. C'est vrai que j'ai mis beaucoup de temps pour écrire quatre petites lignes.
Nous verrons bien à l'avenir qui a raison, n'est-ce pas ?

Autrement, j'ai commencé mon premier stage d'observation au Free Hospital. Il est situé à dix minutes de marche de l'école de médecine, donc c'est facile pour mes camarades et moi de passer de l'un à l'autre dans la même journée.
En ce moment, je passe donc mes matinées avec un médecin, le Dr Benedict Harrington. Nous allons visiter un par un les patients dont il a la charge. Quand nous arrivons auprès d'un patient, il me présente toujours et demande même au patient s'il est d'accord pour que j'assiste à la visite. Ça m'est déjà arrivé deux fois de devoir l'attendre dans le couloir parce que le patient avait refusé ma présence. Cela a choqué beaucoup de mes camarades de classe. Elles trouvent qu'on ne devrait pas laisser à un patient le loisir de congédier un médecin de son chevet. Et j'aurais sûrement pensé la même chose si le Dr Harrington ne faisait cela avec une simplicité déconcertante.

Quand le patient est d'accord, cela ne change pas grand-chose pour lui : je reste de toute façon dans un coin de la pièce et j'observe sans rien dire. Quand nous sortons, j'explique ce que j'ai compris du cas et ce que je ferais comme prescription s'il s'agissait de mon patient. Le Dr Harrington m'explique son point de vue et me pose des questions pour s'assurer que j'ai bien compris toute la pathologie du patient.

L'après-midi, je retrouve mes camarades de classe pour continuer les cours comme auparavant.
Je dois bien dire que cette nouvelle façon d'apprendre m'enthousiasme encore plus que de faire des recherches dans les livres ! Ce sera probablement difficile pour moi de revenir à des journées entièrement dédiées à l'étude théorique du corps humain, sans pouvoir rencontrer de patient, je crois. En attendant, je mets ce stage à profit du mieux que je peux.

À bientôt,
Louise.

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