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Saint Cyr au Mont d'Or, ce vendredi vingt-sept juin 1890

Ma très chère Louise,

Tu n'imagines probablement pas l'émotion qui vient de me submerger en écrivant ces quelques mots. Saint Cyr au Mont d'Or... Le nom de ce village restera toujours associé, dans ma tête et dans mon coeur, à notre cher pensionnat Sainte-Ursule. Et dire que c'est la dernière fois que je l'inscris au frontispice de l'une de mes lettres !

Ces années à Sainte-Ursule sont passées très vite, finalement. Même si la partie la meilleure, celle où tu étais là, est finie depuis trop longtemps. Tu vois, Louise, comme toi il y a près de trois ans, à mon tour je fais ma valise ici pour la dernière fois. Et là, tu vas rire, mais... quand je dis que je fais ma valise, en réalité, je l'ai seulement ouverte sur mon lit, pour l'instant.

Je ne pensais pas que j'aurais ainsi le coeur gros. J'étais tellement exaltée à l'idée de rentrer enfin dans le monde des adultes ! Mais finalement, il semblerait que cela ne soit pas si simple. Les émotions, les sentiments, ce ne sont point des choses simples... Me croiras-tu si je te dis que même Bertille, qui nous avait toujours semblé si froide et distante, avait aujourd'hui les larmes aux yeux ?

Tandis que je t'écris, pour la dernière fois installée à ce bureau où j'ai passé tant de temps à faire mes devoirs, tant de temps, aussi, à plaisanter avec toi, je ne cesse de songer au temps passé ici. Et à l'avenir, si proche et si lointain, et tellement inconnu, en même temps... Tu te rends compte que je vais faire mon entrée dans le monde, maintenant ? Quelle étape !

Je m'aperçois que nos chères ursulines vont me manquer. Tout spécialement soeur Marie-Joséphine, bien sûr, mais aussi soeur Marie-Euphrosine. Tu sais qu'elles ont toujours été mes deux enseignantes préférées ! Je leur ai demandé la permission de leur écrire, et elles me l'ont accordée. Même si je doute que ma correspondance avec elles soit aussi régulière et abondante que celle que j'ai avec toi !

Évidemment, j'ai aussi promis à Marie, à Ludivine et à Sophie de leur écrire, et elles m'ont fait la même promesse. Elles n'ont jamais su combler ton absence, évidemment, tu es irremplaçable. Mais même si elles ne sont pas aussi vives et enjouées que toi, elles restent de bonnes amies, et j'aurai plaisir à garder contact avec elles.

Oh, bien sûr, elles me manqueront moins que toi. Mais clairement, je pense que le fait d'être entre jeunes filles va me manquer. Tu sais que j'aime tendrement ma mère et mon père, mais ce ne sera pas pareil. Maman ne s'est jamais vraiment remise de la mort de ma petite soeur, et la maison me semble parfois un peu lugubre.

Enfin bon, il vaut mieux que je tente de voir la vie du bon côté, n'est-ce pas ? Et cette valise ne se remplira pas toute seule. Surtout que je dois bien veiller à ne rien oublier. Maintenant que j'ai repris un peu de courage en te partageant cela par écrit, je retourne à ma tâche.

Ta Marguerite qui ne pensait pas être aussi émue par cette étape
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